Simplification - Le "choc" sur les normes au coeur du deuxième comité interministériel pour la modernisation de l'action publique
Réuni ce 2 avril pour un deuxième Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap), le gouvernement a donné suite au "choc de simplification" souhaité par François Hollande, avec une liste de 30 "décisions" qui concernent à la fois l'évaluation des politiques publiques, la modernisation des administrations relevant de chaque ministère, les achats de l'Etat, les agences, l'ouverture des données publiques, les démarches des particuliers et des entreprises... et, comme prévu, l'allégement des normes. En sachant que la plupart de ces décisions sont à placer dans la continuité de celles qui avaient été listées lors du premier Cimap de décembre 2012 et devront être concrétisées par des annonces plus précises attendues dans les mois qui viennent. En sachant aussi que d'autres mesures destinées aux entreprises interviendront en avril lors d'un séminaire gouvernemental sur le bilan du pacte de compétitivité.
"La méthode de la modernisation de l'action publique est une réponse pour redonner des marges de manoeuvre au politique, redonner de la compétitivité à notre économie, réaffirmer la solidarité qu'incarnent nos services publics", a déclaré le Premier ministre.
La simplification, juste un serpent de mer ? Marilyse Lebranchu, ministre de la Modernisation de l'Etat, qui s'occupait des PME sous Lionel Jospin, a reconnu qu'elle avait "retrouvé, douze ans après, la même liste" d'organismes à regrouper... mais cette fois, assure-t-elle, les résultats devraient être au rendez-vous, l'ensemble des ministres étant "mobilisés". Un prochain Cimap se tiendra ainsi dans trois mois.
Normes : une de créée, une de supprimée...
S'agissant des normes, le Cimap s'est fait l'écho direct et explicite du rapport Lambert-Boulard présenté la semaine dernière (voir notre article "Un rapport hors-normes"), avec une série de décisions qui, si elles sont réellement appliquées, pourraient être importantes, notamment pour les collectivités locales.
Il a ainsi été acté que "toute proposition de texte réglementaire nouveau ne sera acceptée que si elle s'accompagne d'une simplification correspondante". Un ministère souhaitant présenter un texte devra ainsi proposer "une simplification correspondante (abrogation, allégement) prioritairement dans le même champ et à l'égard des mêmes destinataires", Matignon précisant que "l'équivalence entre la charge nouvelle créée et la simplification s'appréciera au niveau global d'un dispositif en pesant, à l'aide d'évaluations financières, l'importance des impacts positifs et négatifs du texte" (pas simple…). Un millier de textes par an seraient concernés. De façon plus globale, le gouvernement affirme par ailleurs s'engager à "ne pas sur-transposer les directives communautaires" et à généraliser et renforcer les études d'impact sur les projets de textes - y compris réglementaires – "pour prendre mieux en compte" leur impact financier sur les collectivités.
Le gouvernement assure en outre qu'il va étudier de près la liste des normes devant être abrogées en priorité établie par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard et dira d'ici la fin du mois lesquelles seront effectivement supprimées. Il accepte de même l'idée, formulée par les deux élus, d'encourager une "interprétation facilitatrice" du droit existant. Jean-Marc Ayrault, de façon presque étonnante, est allé jusqu'à suivre leur suggestion (page 12 du rapport) en adressant aux directeurs d'administration, aux préfets et aux directeurs d'établissements publics nationaux une circulaire de trois lignes et demie (un record ?), datée du 2 avril, leur indiquant simplement : "A l'exception des normes touchant à la sécurité, il vous est désormais demandé de veiller personnellement à ce que vos services utilisent toutes les marges de manoeuvre autorisées par les textes et en délivrent une interprétation facilitatrice pour simplifier et accélérer la mise en oeuvre des projets publics ou privés." Le rapport Lamber-Boulard estimait qu'une telle instruction, "qui tranche avec les circulaires habituelles par son laconisme, peut créer à tous les échelons de l'administration une petite révolution copernicienne faisant prévaloir l'esprit sur la lettre des normes, l'appréciation adaptée sur l'application stricte et rigide, la facilitation sur l'empêchement".
Travaux pratiques
En revanche, le gouvernement ne suit pas tout à fait les deux rapporteurs lorsque ceux-ci proposaient la mise en place d'un médiateur des normes : il considère que la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) "pourra jouer ce rôle", sachant que celle-ci "disposera d'une compétence d'analyse du stock de normes et veillera à l'application du principe de proportionnalité".
Enfin, le rapport avait souligné que "le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution est la seule procédure permettant rapidement et pendant une période de temps limitée de mettre en oeuvre de façon significative un traitement du stock par abrogation, allègement, simplification, adaptation." Là, le gouvernement peut assurer être effectivement sur le point de passer aux travaux pratiques avec les ordonnances devant permettre d'introduire les dérogations aux règles actuelles d'urbanisme et de construction annoncées le 21 mars par François Hollande lors de son discours d'Alfortville (voir notre article ci-contre du 21 mars 2013). Jean-Marc Ayrault souligne par ailleurs qu'il soutient la proposition de loi sénatoriale Gourault-Sueur visant à renforcer les moyens de contrôle et d'évaluation des normes s'appliquant aux collectivités.
Parmi les autres chantiers abordés lors de ce Cimap du 2 avril, on notera qu'une liste de démarches administratives déjà engagées ou devant être engagées (en 2013 ou 2014) a été établie. On y trouve par exemple le suivi en ligne de certaines des demandes des personnes handicapées (attribution de la carte de stationnement…), l'inscription en ligne dans un lycée, la déclaration en ligne et en une seule fois du décès d'un proche, des mesures concernant les relations avec les services fiscaux, etc.
Un volet concerne "le fonctionnement de l'administration territoriale de l'Etat". Là-dessus, le dossier diffusé à l'issue du Cimap indique notamment qu'"une réflexion prospective sur les missions de l'administration infra-départementale, départementale et régionale s'impose", qu'un groupe de travail a déjà été mis en place pour proposer des mesures concrètes visant à "faciliter le travail quotidien" des services déconcentrés, et qu'une autre mission a été chargée de formuler des propositions de "scénarios d'organisation de l'administration territoriale de l'État pour répondre aux enjeux d'adaptation et de qualité de l'action publique dans les territoires."
Enfin, le Cimap s'est penché sur le dossier de l'ouverture des données publiques (ou open data). "Les premiers débats thématiques seront lancés au premier semestre 2013 pour définir avec les partenaires les données utiles à partager dans le domaine du logement, de la santé, de l'enseignement supérieur", indique le gouvernement, qui précise également qu'il publiera cette année de nouveaux jeux de données sur data.gouv.fr et va créer un catalogue permettant de trouver l'ensemble des données librement accessibles depuis ce site.