Agriculture - Trois scénarios pour la future PAC : les régions sur le qui-vive
"A ne rien vouloir toucher sur la PAC, elle va finir par imploser d'elle-même... Il faut définir des éléments pour la réidentifier mais comment faire ? Comment travailler sur les éléments liés à la production et à l'environnement agricole ?" Pour l’ancien président du Comité des régions de l’Union européenne, Michel Delebarre, "on n'est pas sorti de l'auberge".
La publication le 5 mars d’une étude de la Commission présentant trois scénarios possibles pour la future politique agricole commune (PAC) 2013-2020 fournit quelques éléments de réponse. Le Parlement européen s’en est en tout cas inspiré pour orienter ses premiers débats, le 17 mars, lors d’une réunion d’experts. Au-delà de la question budgétaire qui inquiète tout particulièrement la France et ses 326.000 exploitations agricoles professionnelles (selon une étude publiée le 12 mars par le service de la statistique du ministère de l’Agriculture Agreste), ces trois modèles ébauchent des mesures politiques déterminantes.
Le scénario de référence prévoit un découplage total en 2013. Les aides ne seraient donc plus couplées à une obligation de produire. Cette mesure est dénoncée par l’Association des régions de France (ARF) qui préconise un couplage en matière de production animale afin d’éviter que de nombreuses productions animalières non rentables ne s’éteignent. Une question primordiale pour la France qui arrive toujours au premier rang des producteurs de viande bovine en Europe, avec plus de 19 millions de bovins et 1,7 million de tonne équivalent carcasse produite (chiffres Agreste 2010). Parmi les régions les plus touchées : l’Auvergne, la région Midi-Pyrénées ou Rhône-Alpes pourraient voir une grande partie de leurs productions animalières déstabilisées. Afin d’empêcher cette déchéance, l’ARF plaide même pour un régime de paiement unique (RPU) par hectare. Les aides ne seraient donc plus calculées sur la base de références historiques (actuellement, les aides sont conditionnées à la moyenne sur les 3 dernières années d’exploitation). Reste que pour l’ARF, ce paiement unique des agriculteurs doit être adapté aux critères régionaux. Ainsi, les spécificités de chacun seraient prises en considération. Cette mesure, qui va dans le sens d’une gouvernance des régions, doit toutefois être généralisée de manière progressive. Pas question pour l’ARF d’imposer ce changement du jour au lendemain. La période 2010-2013 lui semble donc opportune pour une transition vers ce système. Par ailleurs, l’ARF approuve, dans le scénario de référence, l’idée d’un basculement d’une partie des aides du premier pilier de la PAC (soutiens au marché) vers le deuxième pilier (développement rural). Du moins sous certaines conditions…Alors qu’aujourd’hui, en métropole, toutes les aides issues du deuxième pilier de la PAC sont cofinancées à 50% par des aides nationales, l’ARF souhaiterait revoir les taux de cofinancement à la hausse. Pour 0,75 euro versé par l’Union européenne, l’association propose que les instances nationales ne donnent pas plus de 0,25 euro. Et, pour aller encore plus loin, elle souhaite même sortir les aides au développement rural non agricole de la PAC pour les intégrer au Fonds européen de développement régional (voir notre article ci-joint). Ainsi, environ 10% des fonds du second pilier de la PAC seraient réorientés vers le Feder.
Le second scénario, dit conservateur, convainc moins l’ARF dès lors qu’il prévoit un maintien de l’importance du premier pilier de la PAC.
Enfin, le troisième scénario libéral, avec une libéralisation des échanges, une réduction de 75% du budget communautaire et une suppression des aides directes, effraye la France et ses régions qui prônent un maintien de la préférence communautaire, d’une certaine protection aux frontières et d’un minimum d’outils de régulation (comme les quotas, des prix d’intervention ou le stockage). Mais la France sait qu’elle ne peut aller contre une certaine libéralisation du marché. Un rééquilibrage des aides agricoles entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est est inévitable et il faudra apprendre à lutter contre la concurrence intra-communautaire avec de nouveaux moyens. Depuis quelques temps déjà, les régions (dont les interventions financières en faveur de l’agriculture s’intensifient) soutiennent plus particulièrement les circuits courts (voir notre article ci-joint) et la filière bio. L’arrivée de nouveaux élus sous l’étiquette d’Europe Ecologie au sein des conseils régionaux pourrait favoriser cette tendance.
L’ensemble de ces questions sera débattue devant la Commission européenne qui devrait formuler des propositions à la fin de l’année 2010. D’ici là, les régions européennes exprimeront leur point de vue par le biais d’un avis du rapporteur René Souchon, discuté en commission Nat (commission des ressources naturelles) du Comité des régions le 3 mai, puis adopté en juin et transmis à la Commission européenne.
Muriel Weiss