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Economie - Travaux publics : les collectivités tirent toujours l'activité

Le secteur des travaux publics a réussi à limiter la chute de son activité en 2010 en grande partie grâce au secteur local. La reprise devrait être plus marquée en 2011, notamment sous l'effet des grands projets d'infrastructures, mais de nombreuses incertitudes demeurent sur les financements.

Avec un chiffre d'affaires qui devrait enregistrer une baisse de 1 % en valeur, l'année 2010 s'avère un peu moins mauvaise que prévu pour le secteur des travaux publics, a estimé Patrick Bernasconi, le 13 décembre. Le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui craignait en juin dernier une baisse d'activité de l'ordre de 3 %, a une nouvelle fois souligné le rôle d'amortisseurs de crise joué par les collectivités et les entreprises publiques, comme Réseau ferré de France (RFF) et Réseau de transport d'électricité (RTE) qui ont lancé d'importants programmes d'investissement. Selon lui, "les communes et leurs groupements ont maintenu leurs efforts d'investissement en 2010, notamment grâce au plan de relance mis en place par les professionnels du BTP et aux prêts à taux bonifiés qu'il a générés". Cela a entraîné 2,5 milliards d'euros d'investissements. Mais "la situation a été plus contrastée du côté des départements dont certains ont vu leur situation financière se dégrader", a insisté Patrick Bernasconi.

Des entreprises fragilisées

Sur le front de l'emploi, l'évolution de l'activité en 2010 a surtout profité au personnel intérimaire, en progression de 6,7 % sur les dix premiers mois de l'année. Les effectifs permanents sont en revanche en légère baisse (-4.000 postes correspondant à des départs non remplacés). Si l'activité s'est stabilisée en valeur, le patron de la FNTP juge la situation des entreprises du secteur "très préoccupante" du fait d'"une redoutable érosion des marges voire de vente à perte". "On assiste actuellement à une dangereuse dégradation de leur compétitivité. Cette situation n'est pas saine et ne sera pas longtemps tenable", a-t-il mis en garde avant d'annoncer la tenue, le 29 mars prochain, des états généraux des travaux publics pour débattre de l'avenir de la profession.
La FNTP perçoit pourtant les signes d'une légère reprise en 2011, évaluée à 2,5 % en valeur. Tout d'abord, pour la première fois depuis trois ans, le secteur privé, qui représente 30 % de l'activité des entreprises, devrait tirer l'activité (+4 % en valeur), notamment grâce à la reprise dans le bâtiment qui favorise les travaux de voirie et de réseaux.

Régions et départements au régime sec

Du côté des collectivités, la croissance des commandes aux entreprises de travaux publics devrait être de l'ordre de 2,5 %. Mais toutes ne disposent pas des mêmes marges de manoeuvre financière et la nature des investissements devrait s'en ressentir. "Les départements, en particulier urbains, vont bénéficier de ressources supplémentaires liées à la reprise des droits de mutation en 2010. Le produit des droits de mutation devrait ainsi enregistrer une progression de 37 %. Mais les zones rurales sont dans une situation difficile et nous craignons que les investissements utiles à l'aménagement du territoire ne puissent pas se faire", analyse Patrick Bernasconi. Autre sujet d'inquiétude : la réforme fiscale. "Si la contribution économique territoriale (CET) devrait compenser la taxe professionnelle pour 2011, la réforme réduit la marge de manoeuvre fiscale des régions et des départements dont les budgets seront aussi affectés par le gel des dotations de l'Etat", poursuit le président de la FNTP. Il prévoit une baisse des commandes respectives des régions et des départements de 6 % et 2 %. Par contre, la quatrième année de mandat municipal devrait être marquée par une hausse de l'investissement des communes et de leurs groupements estimée à 4 %.

Des opérateurs publics actifs

Comme ceux des collectivités, les investissements des grands opérateurs devraient connaître une progression de 2,5 % en valeur. RFF prévoit de consacrer 1,6 milliard d'euros (+11 %) à la régénération du réseau ferroviaire. La RATP a adopté un budget d'investissement d'1,5 milliard d'euros en 2011, dont 355 millions pour l'extension des réseaux. Les deux appels à projets de l'Etat pour développer les transports collectifs en site propre (TCSP) hors Ile-de-France vont permettre le démarrage de plusieurs chantiers en 2011 (tramway de Lens et extension de celui de Grenoble, bus à haut niveau de service de Nancy et d'Antibes-Sophia-Antipolis). Plusieurs travaux autoroutiers doivent aussi démarrer l'année prochaine, comme l'autoroute des Landes entre Salles et Saint-Geours-de-Maremne et l'A150 entre Ecalles-Alix et Barentin, au nord de Rouen. Les travaux de la seconde phase de la LGV Est vont se poursuivre en 2011 et ceux de la LGV Sud-Europe-Atlantique démarrer en fin d'année, tandis que d'autres grands chantiers ferroviaires seront lancés plus tardivement (LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire, notamment).

L'Etat n'entretient plus ses routes

La FNTP évalue en revanche à 9 % en valeur la chute des investissements de l'Etat en tant que maître d'ouvrage. "Les crédits attribués à l'entretien des routes seront particulièrement réduits en 2011, ce qui ne peut qu'entraîner une dégradation de la qualité du réseau face à un trafic qui continue à augmenter", met en garde Patrick Bernasconi, qui dénonce "un choix de court terme" en contradiction avec le développement durable. Selon lui, les crédits d'entretien courant (y compris la viabilité hivernale) baissent de 18 % et ceux consacrés à l'entretien préventif et à la réparation des chaussées de 50 %. La FNTP pointe aussi le démarrage difficile des plans de développement et de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) qui succèdent au volet routier des contrats de plan Etat-régions. Cette montée en charge est tributaire de la signature des conventions de cofinancement entre les régions et les collectivités mais d'ores et déjà trois régions – Auvergne, Centre et Poitou-Charentes – ont refusé de participer financièrement à un PDMI.

Snit : l'impasse financière

Pour l'après-2011, la FNTP s'inquiète d'un "déficit de vision". "Nous attendons aujourd'hui du pouvoir politique de vraies clarifications et la transformation du Snit [schéma national des infrastructures de transport, ndlr] en un vrai document de programmation assorti d'un échéancier pour son financement", a insisté Patrick Bernasconi. "Il faudra dégager 170 milliards d'euros de ressources pour réaliser ce schéma dans les vingt-cinq prochaines années, ce qui correspond à 6,5 milliards d'euros par an alors que l'Etat n'en fournit aujourd'hui que 2,5 milliards", a-t-il pointé. La question cruciale à résoudre reste donc selon lui celle du financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Aujourd'hui, il n'existe aucun calendrier précis sur l'avancement du projet d'écotaxe sur les poids lourds qui doit fournir 580 millions de recettes à l'Afitf à partir de 2012. "Contrairement à ce qui était initialement envisagé, l'introduction de l'écotaxe poids lourds ne permettra pas à l'Etat de supprimer sa subvention d'équilibre, prévient Patrick Bernasconi. Les projections pour les trois années à venir montrent que le financement des grands projets portés par l'Afitf reste tributaire d'une subvention du budget général de l'Etat, stabilisée au même niveau que celle inscrite dans la loi de finances 2010, soit 974 millions d'euros."