Transition écologique : I4CE appelle à sanctuariser les dépenses publiques en faveur des ménages modestes et de la classe moyenne
Si l’accès à la transition écologique des ménages modestes et des classes moyennes s’améliore, notamment grâce à des aides plus importantes et davantage ciblées, nombreux sont ceux qui restent encore à l’écart, bien que directement concernés, souligne l’institut I4CE dans une nouvelle étude publiée ce 18 octobre. Dans un contexte budgétaire contraint, il plaide en conséquence pour "sanctuariser" les aides à la transition accordées à ces populations, d’autant que les disparités territoriales "dans l’accès à la transition" sont grandes.
"Bonne nouvelle, l’accès à la transition écologique pour les ménages modestes [définis comme ceux dont le niveau de vie est inférieur au 3e décile] et les classes moyennes [niveau de vie compris entre le 4e et le 8e décile] s’améliore", se félicitent les auteures, Charlotte Vailles et Sirine Ousaci, de la première édition de "l’observatoire des conditions d’accès à la transition écologique", publié ce 18 octobre par l’Institut I4CE.
Elles relèvent en premier lieu que des aides publiques plus importantes, et de plus en plus ciblées vers ces populations, ont permis à ces dernières de baisser le reste à charge de leurs investissements en faveur de la transition. Comme les aides à la rénovation énergétique d’ampleur, qui "ont augmenté très fortement entre 2023 et 2024", ou les aides à la mobilité électrique, évoquant en particulier le leasing social.
Elles observent ensuite que des dispositifs de financement aidés, comme l’éco-PTZ, offrent à ces ménages la possibilité de faire plus aisément face au reste à charge de leurs investissements. Elles mettent encore en exergue l’augmentation des investissements publics favorables à la transition, citant le développement des transports en commun et des aménagements dédiés à la pratique du vélo (pistes cyclables et places de stationnement sécurisées). Sans compter d’autres éléments propices, comme le fait que "le marché de l’occasion électrique a enfin décollé".
Autre bonne nouvelle, "la transition permet aux ménages de faire des économies importantes", notent-elles, tant côté logement que côté mobilités. À tel point que, dans certaines conditions, ces économies peuvent même couvrir intégralement le financement de l’investissement.
Des difficultés persistances pour de nombreux ménages…
Mais ce ciel qui s’éclaircit ne reste pas sans nuages. Ainsi, les auteures du rapport font état de difficultés persistantes pour de nombreux ménages. Et d’évoquer ceux déjà endettés, notamment les propriétaires accédants, ceux aux faibles revenus ou aux revenus irréguliers, qui ne peuvent dès lors accéder au crédit, ou encore les ménages disposant de peu d’épargne, parmi lesquels les quelque "5,3 millions de propriétaires occupants de plus de 65 ans avec une épargne inférieure à 30.000 euros".
Pour eux, l’investissement est souvent impossible, note I4CE, surtout lorsque les économies d’énergie qui pourraient en être dégagées ne permettraient pas d’acquitter les mensualités de remboursement de l’emprunt contracté. C’est le cas, par exemple, des "petits rouleurs" ou des ménages "initialement en situation de précarité énergétique".
… pourtant au cœur de la transition
Or la transition écologique, qui reste "fortement dépendante des dépenses publiques", "repose en partie sur ces ménages", souligne Laure Kessler, directrice de programme chez I4CE. "La moitié des ménages des classes moyennes et un tiers des ménages modestes sont propriétaires de leurs logements et presque 90% des ménages des classes moyennes et deux tiers des ménages modestes possèdent une voiture", argue-t-elle. D’où la nécessité, insiste-t-elle, dans un contexte budgétaire contraint (voir notre article du 11 octobre), d’une part, de "sanctuariser absolument les dépenses bénéficiant à ces ménages" et, d’autre part, de mettre "en place des politiques relais pour pallier la baisse globale des subventions publiques".
De fortes disparités territoriales
Et ce, d’autant qu’I4CE met en avant l’existence de fortes disparités territoriales face à la transition écologique. Elles sont évidentes en matière de mobilités – la dépendance à l’automobile est sans conteste bien moindre dans les métropoles, bien pourvues en transports en commun, mais aussi en pistes cyclables, note l’étude. Mais même au sein de ces dernières, les inégalités restent fortes. L’étude révèle ainsi que, s’agissant des emplois accessibles en moins d’une heure de transport en commun, seul 1% des Franciliens a accès à plus de 70% des emplois du territoire, 35% des Franciliens ayant au contraire accès à moins de 10% des emplois du territoire.
Les auteures soulignent que ces disparités se retrouvent également en matière d’aides locales à la transition, même si elles concèdent qu’"on ne dispose à ce jour d’aucune vision d’ensemble de ces dispositifs locaux". Là encore, mieux vaut être citadin que rural, les auteures mettant en avant les aides conséquentes à la rénovation thermique de l’habitat attribuées par certaines grandes métropoles ou les aides à la mobilité déployées dans les zones à faibles émissions-mobilités, qui ne concernent que les grandes agglomérations.
D’autres inégalités sont également pointées par le rapport, parmi lesquelles :
- la disponibilité d’artisans qualifiés pour réaliser les travaux. Si leur nombre "semble suffisant à l’heure actuelle" à l’échelle nationale, "des tensions sont possibles au niveau local", pointe l’étude ;
- le nombre de bornes de recharge de voitures électriques accessibles au public : seules l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse disposaient au 31 juillet dernier d’un ratio entre le nombre de points de recharge ouverts au public et le nombre de véhicules électriques de la région supérieur à 15 ;
- le nombre de logements raccordables, à moins de 150 m, à un réseau de chaleur, supérieur à 7.500 en Île-de-France, dans les départements du Nord, du Bas-Rhin, du Maine-et-Loire ou du Rhône, mais inférieur à 56 dans les départements des Landes, des Côtes-d’Armor, du Lot ou de la Meuse.