Précarité énergétique : un phénomène qui continue de s'amplifier, alertent les associations
Le 23 novembre aura lieu la troisième édition de la Journée contre la précarité énergétique, portée par 24 organismes parmi lesquels la fondation Abbé-Pierre, Greenpeace France, Amorce et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). À travers une série d'événements prévus partout en France, cette Journée vise à mobiliser largement pour lutter contre un phénomène qui touche 12 millions de personnes et ne cesse d'augmenter.
Ateliers, portes ouvertes, visites de chantiers, conférences, webinaires… : le jeudi 23 novembre prochain, la troisième Journée contre la précarité énergétique, organisée à l'initiative de 24 acteurs dont la fondation Abbé-Pierre, Greenpeace France, Amorce, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Stop Exclusion Énergétique, Rénovons Collectif, le Plan Bâtiment durable ou encore le Secours catholique, donnera lieu à une série d'évènements à travers le pays pour sensibiliser au problème et proposer des solutions, a expliqué la coordinatrice de la journée, Maïder Olivier, ce 14 novembre. 12 millions de personnes sont concernées par le phénomène dont "tous les indicateurs de suivi sont aujourd'hui à la hausse", a-t-elle prévenu. Selon la définition généralement retenue, cette forme de précarité touche les 30% de ménages les plus pauvres qui consacrent plus de 8% de leurs revenus aux dépenses énergétiques et/ou ont froid chez eux.
Fort impact de la hausse des prix de l'énergie
Dans un contexte de forte hausse des prix de l'énergie, les associations alertent sur l'amplification de cette forme de précarité. Reprenant les chiffres 2023 du médiateur de l'énergie, Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, a rappelé que 31% des consommateurs ont eu des difficultés pour payer leurs factures d'énergie (contre 18% en 2020) et que les jeunes sont les premiers touchés (55% des 18-34 ans).
26% des Français ont souffert du froid chez eux l'hiver dernier (4 points de plus que l'année dernière). Ce taux est plus élevé chez les locataires (35%), les moins de 35 ans (42%) et les employés (35%). 42% l’expliquent par la nécessité de limiter le chauffage pour des raisons financières, 34% par la mauvaise isolation.
En 2023, 79% des consommateurs ont restreint le chauffage pour ne pas avoir de factures trop élevées (10 points de plus qu’en 2022, et 26 de plus qu’en 2020). En 2023, 73% des Français ont constaté une hausse de leur facture contre 57% en 2022. Cela peut s’expliquer par l’extinction progressive des boucliers tarifaires (celui sur l’électricité a été revu, la hausse est contenue à +15% par rapport aux tarifs réglementés depuis le 1er février 2023, contre +4% initialement) et l’absence de chèques énergie exceptionnels cette année, relèvent les associations. 10% des consommateurs estiment même cette hausse à plus de 50%. Les mesures d’urgence prises pendant la crise énergétique n’ont pas empêché les factures d’énergie pour le logement de bondir de 310 euros en moyenne entre 2019 et 2022, pointent les associations, pour une facture moyenne s’élevant à 1.900 euros par an en France.
Pour un élargissement et une augmentation du chèque énergie
"Nous demandons, nous, en tout cas la fondation Abbé-Pierre, un élargissement du chèque énergie pour toucher des ménages qui n'en sont pas bénéficiaires aujourd'hui mais qui souffrent de ces difficultés à pouvoir se chauffer convenablement, et un triplement du montant du chèque énergie", a déclaré en conférence de presse Christophe Robert. D'un montant moyen de 148 euros par an, ce chèque est aujourd'hui réservé aux 20% des ménages aux revenus les plus faibles, soit 5,6 millions de ménages.
L’association réclame également la fin des coupures d’énergie pour les ménages faisant face à des impayés. Selon Christophe Robert, 863.000 ménages auraient subi des interventions de leur fournisseur en 2022, se retrouvant dans l’incapacité de s'éclairer, de se servir de leurs appareils électroménagers, voire de se chauffer. La fondation appelle donc à interdire les coupures d’énergie, tout comme les coupures d’eau l'avaient été à partir de 2013, et de les remplacer par des réductions de puissance comme cela a déjà été expérimenté avec EDF. Le délégué général de la fondation a aussi rappelé l'existence de la "précarité énergétique d'été" et des "bouilloires thermiques" auxquelles elle avait consacré un rapport en juin dernier (voir notre article). En 2023, 54% des personnes interrogées ont déclaré avoir souffert d'un excès de chaleur dans leur logement pendant au moins 24 heures.
Besoin de "massification des rénovations"
Pour les associations, la lutte contre la précarité énergétique passe aussi par la "massification des rénovations". Celle-ci relève même de l'"urgence", selon elles, car si plus de 670.000 logements ont été rénovés grâce aux aides de MaPrimeRénov' en 2022, les rénovations globales représentent toujours moins de 10% des dossiers. La réforme des aides à la rénovation annoncée par le gouvernement pour 2024 – hausse du budget global de MaPrimeRénov' de 1,6 milliard d'euros, parcours performance pour les rénovations globales et efficacité pour des monogestes comme le changement du système de chauffage – a pour objectif de faire passer les rénovations globales de 66.000 actuellement à 200.000 l'an prochain. Le reste à charge, considéré comme le principal frein au déclenchement des travaux pour les ménages – il s’élevait jusqu'à présent à 39% en moyenne pour les ménages très modestes et 56 % pour les ménages modestes, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros –, pourrait baisser significativement jusqu’à moins de 10% hors taxe pour les ménages très modestes habitant dans des passoires thermiques en cas de rénovation performante, jusqu’à 70.000 euros de travaux.
Points de "vigilance"
Tout en se réjouissant de ces objectifs, les organisateurs de la Journée contre la précarité énergétique soulèvent "plusieurs vigilances" : la définition de la rénovation performante et globale dans ces objectifs et la conformité des critères à la loi Climat et Résilience (art.155), "afin que les rénovations permettent de réelles baisses des consommations et des dépenses énergétiques", "le financement suffisant du service public France Rénov' et de l’accompagnement des ménages", "le montant du budget, les financements supplémentaires d’1,6 milliard en 2024 devant permettre d’atteindre ces objectifs". Enfin, elles appellent à "garder le cap" sur la fin de la location des passoires thermiques.