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Tourisme : Français et élus n'ont pas la même vision de ce que seront les vacances dans dix ans

Une étude dévoilée ce 29 juin à l'occasion du congrès de l'Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett) "met en évidence des écarts significatifs entre les attentes des Français sur leurs vacances dans dix ans et la vision qu'en ont les élus des communes touristiques", que ce soit en termes de destinations, de budget, d'hébergement... Autant de données à prendre en compte dans la conception de l'offre touristique d'un territoire. L'étude est toutefois plutôt encourageante sur les capacités d'action des collectivités en matière de promotion.

À l'occasion de son congrès, qui se tient ces 29 et 30 juin à Enghien-les-Bains - commune du Val-d'Oise classée station de tourisme -, l'Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett) a annoncé la création d'un "Observatoire du tourisme de demain", cofinancé par la Banque des Territoires. Une annonce accompagnée de la présentation des résultats d'une étude intitulée, précisément, "Observatoire des pratiques touristiques des Français dans 10 ans". Réalisée par l'Ifop, en partenariat avec la Banque des Territoires et avec le concours de Bilendi, société spécialisée dans la collecte de données pour les études de marché, l'étude présente l'originalité d'interroger à la fois un échantillon représentatif de 1.510 Français (par questionnaire auto-administré, en avril 2021) et un autre de 100 élus de communes touristiques, à partir d'un fichier fourni par l'Anett (par questionnaire auto-administré, en avril-mai 2021).

Des Français traditionnalistes, des élus optimistes

Pour Marion Chasles-Parot, directrice de clientèle à l'Ifop, qui a mené l'étude avec Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise, "l'étude met en évidence des écarts significatifs entre les attentes des Français sur leurs vacances dans dix ans et la vision qu'en ont les élus des communes touristiques" : "D'un côté, les Français ont une vision assez stable et assez traditionnelle de leurs futures vacances, même si on observe bien sûr des différences selon les tranches d'âge. De l'autre, les élus des territoires touristiques ont une vision très optimiste de l'évolution du tourisme, avec une plus grande fréquence de départs, davantage de dépenses consacrées aux vacances...".

Côté tradition, l'idée de vacances est toujours associée à celle de partir une semaine ou plus, loin de son domicile (92% d'association) ou à celle de partir un week-end en dehors de chez soi, loin de son domicile (78%). En revanche, l'idée – directement issue de la crise sanitaire – de "partir une semaine, en conjuguant travail (télétravail, déplacement professionnel) et congés" fait un flop (25%). L'appétence pour les vacances reste également inchangée : dans dix ans, 95% des Français se voient toujours partir en vacances : 81% au moins une fois par an et 48% plusieurs fois par an, avec toutefois de nettes variations selon l'âge et la CSP (catégorie socioprofessionnelle).

La mer, toujours la mer...

De même, les Français varient peu dans le choix de leurs destinations : 55% privilégient toujours la mer, devant la montagne (18%) et la campagne (16%). Les villes sont toujours à la traîne comme destination touristique (6%) mais il est vrai, comme l'explique Marion Chasles-Parot, qu'"au moment de l'enquête, elles n'offraient aucune aménité : cafés et restaurants fermés, musées fermés, salles de spectacle fermées...". On retrouve ces choix dans pratiquement toutes les études sur le sujet et dans les pratiques effectives des Français. De même, la France métropolitaine reste privilégiée (52% de préférences) devant l'Europe (22%), l'étranger hors Europe (19%) et la France d'outre-mer (7%).

Les écarts avec la perception des élus apparaissent ensuite sur une série d'items. Ainsi 46% des élus interrogés estiment que le budget vacances va augmenter dans les dix ans, alors que 45% des Français pensent qu'il va rester stable. De même, 65% de élus jugent que la fréquence des vacances va s'accroître, contre seulement 33% des Français. Mêmes écarts – mais en sens inverse – sur la durée des séjours et la distance entre le domicile et le lieu de vacances : respectivement 44% et 58% des élus les voient en baisse, contre 19% des Français dans les deux cas, qui les voient au contraire plutôt stables. De la même façon, les Français se voient davantage flexibles dans dix ans dans l'organisation de leurs vacances (71%) que ne le pensent les élus (51%).

Un énorme hiatus sur l'hébergement

"Mais l'écart le plus frappant concerne l'hébergement", souligne Marion Chasles-Parot. "Ainsi, 77% des élus pensent que lorsqu'ils feront leur choix de lieu de vacances, les Français privilégieront des destinations touristiques en raison de leur intérêt culturel et/ou de la possibilité d'y pratiquer une activité sportive. Mais les Français ne sont en réalité que 41% à raisonner ainsi. À l'inverse, ils sont 59% à mettre en avant l'offre d'hébergement (adaptée aux besoins, confortable...), alors que les élus ne sont que 23% à imaginer que cet élément sera déterminant".

Autre écart spectaculaire : les modes d'hébergement. Lorsqu'on leur demande quel type d'hébergement les Français préféreront dans dix ans pour leurs vacances, 60% des élus citent la location meublée via les plateformes de type Airbnb. Mais les Français ne sont en réalité que 26% à imaginer qu'ils utiliseront ce type d'hébergement. Ils sont à l'inverse beaucoup plus nombreux que les élus à citer l'hôtel (21% contre 4%), le camping (15% contre 5%), les proches (12% contre 6%)... En revanche, les Français sont moins attirés (6%) par les hébergements itinérants (camping-cars, bateau, camping sauvage...) que le pensent les élus des communes touristiques (15%).

Le hiatus entre les attentes des Français et les perceptions des élus se prolonge avec le caractère déterminant de différents critères dans le choix de l'hébergement. Ceci vaut pour l'offre innovante de services (accès à l'hébergement en autonomie, possibilité de faire toutes les démarches en ligne...) jugée déterminante par les élus (62%), mais pas par les Français (32%). Il en va de même pour la qualité de la connexion numérique et d'internet sur le lieu d'hébergement (65% et 25%).

De façon plus large, les Français jugent que le confort est le critère décisif dans leur choix d'hébergement (60% de citations contre 35% pour les élus). A l'inverse, les élus mettent davantage en avant les activités proposées en lien avec l'hébergement (45% contre 18%), la proximité des activités touristiques (51% contre 36%) ou la proximité avec la nature (49% contre 37%).

Timide percée du tourisme éco-responsable

Interrogés sur les découvertes locales qui sont le plus susceptibles de les intéresser, les Français citent en premier les marchés et festivals gastronomiques (42%), les visites guidées d'un site naturel ou historique (37%), les circuits touristiques en randonnée (25%) , les visites de sites ou anciens sites industriels (21%) ou encore les visites de caves et dégustations de vins (15%).

Malgré une forte stabilité d'ensemble chez les Français, des évolutions sur les vacances sont néanmoins perceptibles. Ainsi, pour Marion Chasles-Parot, "les Français se disent davantage prêts à évoluer vers un mode de vacances écologiquement plus responsable : 48% se disent ainsi prêts à adopter des vacances plus éco-responsables, mais à condition que cela n'implique pas de concessions de leur part – ce qui n'engage pas beaucoup –, ce que pensent aussi 58% des élus. Mais 38% s'y disent néanmoins prêts même si cela suppose des concessions de leur part, ce qui est nouveau".

Les élus ont les moyens de promouvoir leur territoire

Enfin, l'étude de l'Anett apporte des éléments intéressants – et plutôt encourageants – sur les capacités d'action des collectivités en matière de promotion de leur territoire. Certes, les Français pensent toujours que, dans dix ans, le bouche-à-oreille restera la source d'information la plus influente sur leur choix de destination de vacances (33% de citations). Mais derrière viennent notamment les sites internet des localités de destination (32%) et les offices de tourisme (18%), juste après les sites internet généralistes consacrés aux voyages (25%). Les collectivités devront toutefois diversifier les vecteurs de communication pour toucher les jeunes générations. Les réseaux sociaux en effet la principale source d'information sur le choix des destinations de vacances chez les 18-24 ans (33%).

Un fois arrivés sur leur destination de vacances, les Français "localisent" leurs sources d'information. Arrivent ainsi en tête les offices de tourisme (45% de citations), mais aussi les conseils des habitants et des commerçants (31%) – d'où l'importance de la question de l'accueil local, parfois mis à mal par la surfréquentation touristique, et celle des "ambassadeurs" –, ainsi que les sites internet des collectivités. Mais, là aussi, il faudra diversifier les médias en fonction de l'âge. Si les 65 ans et plus privilégient les offices de tourisme (57% de citations), les 18-24 et 25-34 se montrent en effet nettement plus sensibles aux réseaux sociaux (22% et 15%).

En présentant cette étude à Enghien ce 29 juin en fin de journée, Jérôme Fourquet a lui aussi mis l'accent sur les différences de visions qui y apparaissent. En écho à l'importance de l'accueil et de l'information locale dont témoigne l'étude, Joël Giraud, le secrétaire d'Etat en charge de la ruralité qui concluait la première journée de congrès, a notamment mis en avant ce rôle des acteurs territoriaux - un rôle qui, a-t-il estimé, comptera au moins autant que la qualité intrinsèque des lieux pour attirer les vacanciers. "Pour préparer le tourisme de demain, on ne manque pas d'acteurs, on ne manque pas de projets et on ne manque pas de financements. Il faut maintenant renforcer les échanges et le dialogue", avait auparavant estimé Antoine Troesch, le directeur des investissements à la Banque des Territoires.

 

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