INTERVIEW - Thierry Mandon : "Il faut mieux positionner l'Etat sur le territoire"
Localtis : Quels sont les objectifs de la révision des missions de l'Etat territorial ?
Thierry Mandon : L'objectif est de réinterroger les politiques publiques et la pertinence des missions de l'Etat réalisées sur les territoires. Nous voulons prendre le temps de concerter avec l'ensemble des parties prenantes : les collectivités territoriales, les services déconcentrés de l'Etat, les bénéficiaires (usagers, associations, entreprises). Il faut un Etat plus fort, mieux positionné sur le territoire. C'est d'ailleurs une attente très forte de tous les Français, et plus particulièrement des collectivités territoriales et des agents publics.
Quelle forme la concertation va-t-elle prendre ?
Depuis la communication en Conseil des ministres du 10 septembre 2014, je me suis mobilisé, avec mon équipe, pour échanger avec toutes les associations d'élus locaux sans exception, ainsi qu'avec les fédérations de fonctionnaires et des confédérations syndicales. La carte a été largement partagée et amendée à partir de ces échanges. Au final, 23 thématiques feront l'objet d'une concertation sur 14 territoires qui représentent une bonne moitié - ainsi qu'une typologie représentative - des territoires français.
Comment avez-vous organisé ces concertations ?
Pour chaque thématique qui sera abordée sur 2 à 6 territoires, le préfet de région a désigné un chef de file chargé d'animer les concertations à partir de trois groupes de travail réunissant les collectivités territoriales, les agents publics et les bénéficiaires. J'ai laissé une grande liberté pour la constitution des groupes de travail. Je voulais qu'ils soient équilibrés et qu'ils permettent de discuter efficacement des missions : celles qui peuvent être transférées, celles qui doivent être profondément réorganisées ou confortées, celles qu'il convient de supprimer et, enfin, celles qui devront être créées, car elles répondent à une demande des usagers ou des collectivités territoriales. Cette méthode de concertation est inédite : l'Etat ne se réforme pas en se réinterrogeant "en chambre". Il se réforme plutôt en s'appuyant sur les contributions des collectivités territoriales, l'avis des agents publics et celui des bénéficiaires. Ces réunions sont volontairement ouvertes et doivent également permettre d'identifier les points "irritants" qui finissent par "détruire de la valeur" pour toutes les parties prenantes.
Comment les apports de cette concertation vont-ils être intégrés à la réflexion du gouvernement ?
On ne peut pas préjuger des propositions qui seront faites par les groupes de travail. Nous avons organisé le travail pour que leurs productions soient de qualité et que "tout remonte". Ces remontées seront pleinement intégrées dans la réforme de l'Etat. En tout état de cause, il y a une véritable volonté du gouvernement de renforcer la proximité et notamment le niveau départemental. Sujet par sujet, nous verrons le meilleur moyen de mettre en œuvre telle ou telle proposition. Un séminaire gouvernemental sera organisé courant février pour arrêter la feuille de route de modernisation de l'Etat à 3 ans.
Les débats locaux interviennent au moment où débute la discussion parlementaire sur le projet de loi mettant en place la nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). Cela ne pose-t-il pas une difficulté ?
La revue des missions de l'Etat est un passage obligé au regard des dysfonctionnements aujourd'hui observés. Elle doit être menée rapidement. Proprement, mais rapidement. Le premier round de la négociation s'achèvera avant fin janvier, ce qui signifie que les retours des concertations pourront alimenter les débats sur le projet de loi Notr, notamment sur le développement économique et l'emploi. Un premier train de mesures sera pris en février à la suite d'un séminaire gouvernemental. Pour autant, il est important de noter que la réforme de l'Etat s'inscrit dans un temps long, un temps qui permet de conduire et accompagner le changement. Décider n'est pas le plus important : l'essentiel est de mettre en œuvre la décision et le changement en découlant. Les précédentes réformes n'ont pas traité la conduite du changement. Il faut pleinement l'intégrer à nos futures décisions.
Se dirige-t-on vers de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales ?
L'objet de cette revue des missions n'est pas de lancer une nouvelle vague de décentralisation. J'insiste sur ce point. Pour autant, il est certain que des sujets de transfert aux collectivités territoriales ou même entre ministères seront abordés dans les groupes de travail. Je ne veux pas anticiper les propositions. La concertation doit avoir lieu librement. Nous examinerons en janvier les propositions et si certaines démontrent qu'un transfert est pertinent, nous déciderons à ce moment-là.
Votre calendrier n'est-il pas ambitieux ?
Le calendrier est resserré, mais réaliste au regard des attentes des parties prenantes et surtout de la matière existante : rapports des inspections, contributions des associations d'élus et des organisations syndicales, évaluation des politiques publiques...
Pour autant, les corps d'inspection planchent sur l'organisation territoriale de l'Etat...
C'est très simple : le gouvernement a demandé aux 10 principaux corps d'inspection des ministères de plancher sur la nouvelle organisation régionale de l'Etat, conséquence incontournable de la fusion des régions. C'est un travail qui est en cours et qui devrait être finalisé fin mars 2015. Ce travail est complémentaire de la revue des missions de l'administration et contribuera à la réflexion engagée sur la meilleure façon d'organiser nos services déconcentrés de l'Etat sur le territoire. Il faut un Etat plus proche des besoins et des territoires. La RGPP et la Réate [la révision générale des politiques publiques et la réforme de l'administration territoriale de l'Etat conduites à l'initiative du gouvernement Fillon] ont fait mal à nos services. Il faut préserver les compétences de nos agents, qui sont reconnues, et il faut donner à nos agents les moyens d'exercer leurs missions dans de bonnes conditions.