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Réforme de l'Etat - RGPP : un bilan plombé par la non-prise en compte des collectivités

Le rapport sur la révision générale des politiques publiques (RGPP) remis le 26 septembre en fin de journée au Premier ministre critique vigoureusement la méthode de cette réforme de l'ère Sarkozy mais insiste sur la nécessité de continuer à rénover l'action publique.
La ministre Marylise Lebranchu a salué un "excellent rapport". "Personne n'a jamais contesté la nécessité de réviser les missions de l'Etat" mais le gouvernement précédent "a inutilement gâché cette réforme par la brutalité de la méthode employée", estime-t-elle.
"Communication à la fois lénifiante et trop technique", "démarche en vase clos", "mesures imposées sans dialogue", "démarche trop rapide", "verticale et cloisonnée"... Les rapporteurs eux-mêmes ont des mots durs pour cette vaste réforme de l'Etat, lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, dont on aura surtout retenu la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite alors même que la RGPP a représenté un ensemble de 503 mesures validées dans le cadre de ses instances de pilotage entre 2007 et 2012, sans compter "d'autres réformes réalisées concomitamment ayant été plus ou moins clairement associées à la RGPP", tel que le rappelle le rapport.
Ce rapport commandé par Jean-Marc Ayrault en juillet dernier auprès de trois inspections générales (IGF, IGA, Igas) souligne néanmoins que la RGPP a "été novatrice par sa volonté de s'interroger sur la pertinence des politiques publiques". Pour les rapporteurs, la méthode s'est toutefois "révélée inconciliable avec l'ambition initiale" et "au final, la RGPP a été mal vécue par de nombreux agents".
Ils l'expliquent entre autres - outre l'insuffisante concertation - par le fait que "l'exercice s'est focalisé sur la recherche d'économies rapides" et que "l'accumulation de réformes de nature et de portée très inégales a parfois rendu leur mise en oeuvre plus complexe et en a affaibli le sens". Les auteurs du rapport critiquent aussi le recours à des "audits confidentiels" coûtant en moyenne 46 millions d'euros chaque année.
Autre grand point faible : le fait que l'approche ait été limitée à l'Etat. Le constat semble aller de soi mais est en tout cas clairement formulé : "L'ambition de revue des politiques de la RGPP n'était pas cohérente avec son périmètre qui ne permettait pas de réunir, pour chaque politique, l'ensemble des acteurs concernés. Or la plupart des politiques publiques sont aujourd'hui partagées, avec les collectivités territoriales et/ou les grands organismes sociaux, qu'il s'agisse de l'accueil de la petite enfance ou de la prise en charge des personnes âgées, des missions de l'éducation, de la sécurité et de la prévention de la délinquance, ou encore des politiques de développement de l'emploi et d'insertion professionnelle, pour ne citer que quelques sujets."

Réforme de l'Etat et décentralisation doivent aller de pair

"La RGPP n'a pas non plus organisé suffisamment d'échanges avec les collectivités territoriales, ni au stade de l'élaboration des réformes, ni au stade de leur mise en oeuvre, alors que plusieurs mesures avaient pour elles des conséquences directes", écrivent également les auteurs du rapport, citant les diverses restructurations (tribunaux, bases militaires, trésoreries, centres des impôts), la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat, "l'abandon notable de l'ingénierie publique concurrentielle", le recentrage de la protection Judiciaire de la Jeunesse… Résultat : alors même que la RGPP incluait aussi des mesures qui pouvaient être appréciées par les collectivités (simplification en matière d'état civil, création de la DGFIP et de son réseau…), celles-ci en font un bilan plus que mitigé. Et s'interrogent en outre sur le "fonctionnement peu clairs de certaines des nouvelles structures territoriales de l'Etat", telles que les ARS.
De la même façon, le rapport relève que la réforme s'est traduite par des réorganisations sans précédents mais n'a pas permis de réduire les missions de l'Etat. La RGPP a eu "un impact financier réel mais difficile à évaluer", estiment les auteurs. Selon eux, l'objectif était de réaliser 15 milliards d'euros d'économies entre 2009 et 2013 et la somme devrait être de 11,9 milliards fin 2012. En ce qui concerne les effectifs, 5,4% ont été supprimés entre 2009 et 2012, dont 3% imputables à la RGPP (environ 65.000).
Pour l'avenir, les auteurs du rapport considèrent par conséquent qu'"il n'est plus possible de fonder la recherche d'économies sur le seul champ de l'Etat" : "Une réflexion limitée à l'Etat seul ou à une partie des acteurs risquerait de conduire à de simples transferts de charges, sans économies induites pour les finances publiques"
Ils préconisent "d'achever les mesures RGPP en cours, sauf exception", puis de rénover l'action publique selon trois orientations : donner la parole aux agents de l'Etat pour identifier les économies à réaliser, lancer une revue des politiques impliquant tous les acteurs et "faire de l'amélioration des ressources humaines un chantier prioritaire". Pour ce faire, ils proposent de créer un comité interministériel de rénovation de l'action publique (Cirap) présidé par le Premier ministre. Et insistent sur un point : "Il est capital que le nouveau chantier de la décentralisation soit articulé avec la réforme de l'Etat." Une recommandation qui colle très exactement à ce que Marylise Lebranchu n'a eu de cesse d'expliquer depuis sa nomination.
"En s'appuyant sur les recommandations de la mission, le gouvernement engage une nouvelle politique de modernisation de l'action publique", a indiqué Matignon dans un communiqué diffusé suite à la remise du rapport, rappelant une fois encore que "le projet de modernisation de l'action publique sera étroitement articulé avec la nouvelle étape de décentralisation, pour une efficacité renforcée de l'action publique et une meilleure organisation des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales".

 

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