Développement des territoires - Terra Nova propose de penser la réforme territoriale en partant de la carte de France des inégalités
D'après la note de Terra Nova, publiée le 3 septembre 2014, "La nouvelle question territoriale", les inégalités entre territoires ont tendance à réaugmenter, après plusieurs années de diminution. Ainsi, le coefficient de variation des revenus régionaux par habitant, qui se réduisait de 54% entre 1965 et 2011, a augmenté de 7% entre 2006 et 2011.
Les auteurs, Laurent Davezies, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, et Thierry Pech, directeur général de la fondation, prévoient ainsi "un durcissement général des inégalités territoriales dans un futur proche." Ils expliquent ce phénomène par la montée en puissance des métropoles - ou "printemps des métropoles" - qui déstabilise l'équilibre territorial, et par le ralentissement de la dynamique de réduction des disparités de revenus entre les territoires. D'après la note de Terra Nova, la dynamique de rattrapage des revenus, qui fonctionnait bien jusqu'aux années 2010, s'est ainsi interrompue. "Ce sont les départements des grandes régions urbaines (Paris et l'ouest de l'Ile-de-France, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse) qui voient leur indice de revenu par habitant progresser le plus nettement dans la dernière période", détaille la note. Auparavant, les départements qui s'enrichissaient le plus correspondaient aux départements les plus pauvres…
Des avantages comparatifs redistribuées entre les territoires
La mutation de notre modèle productif s'ajoute à ces phénomènes. "Nous sommes entrés, au début des années 1980, dans une nouvelle révolution productive comme l'avait été celle de la révolution industrielle", observent les auteurs de la note. Un nouveau cycle qui se distingue par le déclin de l'industrie et l'émergence de la production immatérielle, la mise en concurrence mondiale généralisée et l'innovation accélérée.
"Les cartes des avantages comparatifs sont dès lors redistribuées entre les territoires", soulignent-ils. Résultat : les grandes métropoles, dotées en matière grise se développent et s'enrichissent. 57% des créations nettes d'emplois recensées dans les 215 aires urbaines en croissance entre décembre 2008 et décembre 2012, étaient ainsi captées par cinq grandes métropoles (Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lyon, Montpellier). "Autrement dit, durant ces quatre années, l'activité s'est un peu plus concentrée dans quelques métropoles", assure le think tank.
Les territoires résidentiels tirent aussi leur épingle du jeu
Dans ce nouveau contexte, les territoires résidentiels tirent aussi leur épingle du jeu, nourris par les retraites et le tourisme, secteur peu menacé. D'après les auteurs, si ces territoires risquent de ralentir et d'être doublés par les métropoles, ils "ne devraient pas être confrontés à des crises majeures."
En revanche, une part importante (20%) de la population reste située dans des territoires qui risquent de connaître des difficultés à l'avenir. Des territoires qui cumulent des points faibles en matière de production, de budgets publics et de qualité résidentielle… "Les grands territoires du nord-est de la France, qui n'ont pas reconverti leurs industries, qui sont souvent très dépendants des revenus non marchands et qui ont des soldes au jeu des mobilités de retraités et de tourisme très négatifs sont, et seront plus encore à l'avenir, les grands perdants", affirme le document.
Penser la réforme territoriale en partant de la géographie des inégalités ?
"C'est à la lumière de ces transformations qu'il faut penser la réforme territoriale qui est encore largement devant nous, précisent les auteurs. La carte administrative de la République doit répondre à la nouvelle géographique des inégalités qui se met en place." L'idée étant d'assurer les conditions du développement économique aux territoires les plus dynamiques, sans leur imposer trop de prélèvements, et de veiller à ce que les territoires les moins productifs ne soient ni abandonnés à leur sort, ni privés de chances de développement futur.
Mais d'après les auteurs, "s'ils sont conçus comme une 'simple' opération de réduction à long terme de la dépense publique, le redécoupage des territoires, et la suppression d'un étage de l'organisation territoriale actuelle - en l'occurrence le département – ne répondent pas directement à ces questions." La note prône davantage une meilleure division du travail dans les territoires "en créant des acteurs publics à bonne échelle pour prendre en charge qui des missions de cohésion, qui des missions de soutien ou d'accompagnement économique."