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Territoires - Sociales ou territoriales, les inégalités se creusent

Non seulement la crise a creusé les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres, mais elle a également renforcé les inégalités entre les métropoles et le reste du territoire, montrent deux études de l'Insee publiées à quelques jours d'intervalle.

Un mois après une étude qui mettait en exergue les écarts de croissance entre régions depuis le début de la crise, l'Insee vient de publier coup sur coup deux nouveaux opuscules montrant le creusement des inégalités en France, qu'elles soient sociales ou territoriales. Et souvent les deux en même temps.
Sociales tout d'abord, comme le constate une étude sur les revenus et le patrimoine des ménages portant sur l'année 2011, rendue publique mercredi 2 juillet : les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. C'est aussi cela la crise. Concrètement, les 40% des personnes les plus modestes ont vu leur niveau de vie diminuer cette année-là entre -0,2% et -0,8%. Dans le même temps, les 40% des plus riches ont vu le leur augmenter entre +0,1% et +0,8%, et même de 2,2% pour les 10% les plus fortunés.
Les inégalités atteignent leur plus haut niveau depuis 1996, d'après l'Institut national de la statistique, dont les données corroborent celles de l'Observatoire des inégalités. "L'augmentation des inégalités constatée en France depuis le début de la crise, soit entre 2008 et 2011, est un peu plus forte que dans l'ensemble des pays de l'Union européenne", précise l'Insee.

Accroissement de la pauvreté

La proportion de personnes pauvres a, elle, continué d'augmenter de 0,3 point, pour s'établir à 14,3% de la population (conte 13% en 2008, au début de la crise). Pour rappel, une personne est considérée comme pauvre si ses revenus sont inférieurs à 60% du revenu médian, soit 978 euros par mois en 2011.
Si la France fait toujours mieux que la moyenne européenne (17%), elle affiche la plus forte augmentation sur un an, après l'Espagne.
L'Insee relève que cette augmentation est plus sensible chez les personnes en âge de travailler. La part de pauvres chez les retraités a en effet eu tendance à diminuer, notamment du fait de la revalorisation des pensions et des minimas. Mais celle des chômeurs et - fait nouveau - des salariés, a augmenté. Le taux de pauvreté des chômeurs est passé de de 35,8% à 38,9%, celui des salariés de 6,3% à 6,9%.

Métropolisation

L'autre étude de l'Insee, publiée le 26 juin, porte sur un thème cher au géographe Christophe Guilluy : l'inégalité des Français face à l'emploi, selon leur lieu d'habitation (voir le lien ci-contre).
La crise a accéléré la tertiarisation de l'économie et - de même qu'elle a fait le jeu des plus hauts revenus -, elle a entretenu le phénomène de "métropolisation". Entre 2006 et 2011, l'industrie a perdu 11,3% de ses emplois et l'agriculture 9,2%. Or ce sont les petites aires qui en ont fait les frais.
Il apparaît à l'inverse que les métropoles ont nettement mieux résisté à la crise. "Face à un choc de moindre ampleur dans les activités tertiaires, le marché du travail des métropoles, peu orienté vers l'industrie, a mieux résisté que dans le reste du pays", constate l'institut. Les quatorze plus grandes aires urbaines, comptant plus de 210.000 emplois chacune en 2011, sont "plus jeunes et plus attractives". Elles ont capté l'essentiel de l'essor de la population active entre 2006 et 2011. A Paris, le nombre d'emplois a ainsi progressé de 2,6% sur la période. Mais dans les treize métropoles de province (Lyon, Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Nice, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Rouen, Montpellier et Toulon) l'essor est plus net encore, avec une progression de 4,7%. A noter le record de 10,9% pour Montpellier et 8,3% à Toulouse, "seules très grandes aires où le secteur industriel est relativement préservé".
Les métropoles se caractérisent par une surreprésentation des cadres par rapport au reste du territoire. A elle seule, la métropole parisienne concentre 27,9% des cadres en France. Le plus haut niveau de qualification a constitué un rempart contre le chômage. Celui-ci n'a augmenté que de 0,2% en 2011 à Paris, contre 0,7% sur l'ensemble du territoire. Quant aux petites et moyennes aires, elles affichent une proportion de 11,6% de chômeurs parmi les actifs (contre 11,2% dans les grandes aires de province). "Davantage tournées vers l'industrie, les moyennes et petites aires ont plus subi la crise de 2008, qui a frappé de plein fouet ce secteur", souligne l'Insee.
Au-delà de la taille des aires urbaines, certains territoires souffrent d'un déterminisme géographique, comme le Nord-Est, qui "reste marqué par son passé industriel", avec une forte proportion d'ouvriers et de postes de fonctionnaires. Le Nord-Est, comme la "diagonale aride", qui va du Limousin à la Lorraine, se caractérisent par une baisse de leur population active. Dans le Sud-Est en revanche, la population active augmente, sachant que sur le pourtour méditerranéen, "les emplois sont nettement plus tertiarisés depuis longtemps". Le chômage y augmente plus faiblement, il baisse même à Marseille ou à Toulon en 2011.
Enfin, les aires urbaines du Sud-Ouest et de la façade atlantique sont celles qui ont le mieux résisté à la crise, en particulier les plus grandes : Bordeaux, Toulouse, Nantes et Rennes.