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Zones d'emploi - Première cartographie de la crise

Les 348 zones d’emploi de France métropolitaine ont réagi de manière variée à la crise amorcée en 2008. Si certaines l’ont subie de plein fouet, d’autres y ont vaillamment résisté. La vulnérabilité des premières peut s’expliquer par le "moteur" de leur développement… L’économiste Laurent Davezies vient de le confirmer dans son rapport "La Crise et nos territoires : premiers impacts" (1).
Réalisé pour l’Assemblée des communautés de France (ADCF) et l’institut CDC pour la recherche de la Caisse des Dépôts, son travail repose sur une distinction des différents revenus "qui viennent, de l’extérieur, irriguer les territoires". Quatre types de ressources sont délimités. D’abord, les "revenus productifs", liés à la vente, à l’extérieur, des biens et services du territoire. Ensuite, les "revenus publics", qui recouvrent les salaires versés par les fonctions publiques. Troisièmement, les "revenus résidentiels", provenant des retraites, des touristes, ou encore obtenus par les actifs installés dans le territoire mais travaillant à l’extérieur. Enfin, les "revenus sociaux", du chômage au RSA en passant par les remboursements de soins de santé.

Ressources résidentielles

Chacun des territoires français, bien sûr, cumule ces différents revenus. En moyenne arithmétique, leurs ressources sont résidentielles à 53% (les retraites à elles seules pèsent pour 25%), sociales à 22%, productives à 17% et publiques à 8%. Mais les zones d’emploi se spécialisent plus ou moins par rapport à cette norme nationale… Ainsi, l’Ile-de-France, que Laurent Davezies a préféré considérer comme une unique zone d’emploi, a pour "moteurs" principaux une base productive et une base publique. Les deux zones des Hautes-Alpes, elles, ont un moteur principalement résidentiel. Autour de Tourcoing (Nord), le ressort est avant tout social. Etc.
Si des données manquent encore pour 2009, et s’il "n’est pas sûr que la 'crise' soit terminée" en 2010, ce premier rapport de "l’observatoire des impacts territoriaux de la crise" pointe les moteurs qui ont le plus toussé dans la crise. "Les territoires 'productifs' sont ceux qui souffrent le plus", écrit Laurent Davezies. "Ce sont ces territoires très dépendants de la production industrielle et qui, n’ayant pas ou peu de fonctions publiques (chef-lieu), n’ont pas d’amortisseur par les revenus publics. Mais la catégorie 'productif-social' ou 'productif-public-social', dans laquelle on retrouve les grandes métropoles, s’en sort beaucoup mieux." Il est à noter que ces zones d’emploi "productives" sont largement concentrées dans le nord du pays.
Dans la crise de 1993, des territoires étaient apparus comme privilégiés : les zones à forts revenus résidentiels. Celles-ci, cette fois, "se trouvent dans une situation certes globalement protégée (à part les territoires qui tirent des navetteurs leurs revenus résidentiels d’actifs qui sont presque aussi frappés que les territoires 'productifs'), mais moins nettement que par le passé et relativement moins que les grandes métropoles modernes". 

Bonne nouvelle

Ces dernières, désormais, passent pour des privilégiées. "La grande différence entre cette crise, pour autant que l’on considère qu’elle s’achève, avec les deux grandes crises antérieures, tient au fait que les territoires productifs les plus modernes, dotés des activités à haute valeur ajoutée, s’en sont généralement mieux sortis que les autres", note Laurent Davezies. "L’Ile-de-France, qui jusqu’alors amplifiait les retournements conjoncturels, semble désormais mieux les amortir." Derrière la crise émergerait, en somme, une "bonne nouvelle" : "Après des décennies de discours récurrents sur le besoin 'd’ajustement structurel' pour nos territoires, nos métropoles l’ont finalement opéré. On l’a vu, et beaucoup plus radicalement en Ile-de-France que dans les autres grandes villes françaises, l’emploi manufacturier peu qualifié, le talon d’Achille de nos métropoles, a été significativement réduit alors que les activités de haute valeur ajoutée/qualification ont rapidement progressé."
Après son rapport provisoire, divulgué en mars, Laurent Davezies a pu enrichir son étude de données de l’Insee et de Pôle emploi. Il en ressort "que des zones d’emploi moins 'typées' ou moins spécialisées ont été 'rattrapées' par les effets de la crise, avec une aggravation du chômage au sein des territoires au profil moyen ou même résidentiel. L’onde de choc s’est donc propagée de manière moins violente mais plus diffuse sur l’ensemble du territoire national". L’observatoire des impacts territoriaux de la crise n’a toutefois pas terminé son travail : l’ADCF et l’institut CDC pour la recherche de la Caisse des Dépôts ont décidé de le prolonger pour 2010 et 2011.

 

Olivier Bonnin
 

 

(1) le rapport peut être obtenu auprès de l’ADCF : o.crepin@adcf.asso.fr