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Politique de cohésion - "La crise est conjoncturelle mais les fonds sont structurels"

A quelques jours de la réunion annuelle d'information sur la mise en oeuvre de la politique de cohésion prévue du 8 au 10 novembre entre la Commission européenne et les autorités de gestion françaises des programmes opérationnels, Vincent Le Dolley, conseiller de la Datar pour le développement régional et les politiques européennes, dresse pour Localtis un état des lieux des évaluations et des révisions à mi-parcours de la programmation 2007-2013.

La principale innovation en matière d'évaluation prévue par le règlement 1083/2006 portant dispositions générales sur les fonds structurels 2007-2013 (par rapport à son prédécesseur 1260/1999) a été de lever l'obligation pour les autorités de gestion de procéder à une évaluation à mi-parcours. Celle-ci est remplacée par "des évaluations liées au suivi des programmes opérationnels (PO) pendant la période de programmation" (article 48). Autrement dit, en 2003, "il s'agissait d'un exercice imposé destiné principalement à la recherche de performance dans la mise en oeuvre", rappelle Vincent Le Dolley - conseiller de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) pour le développement régional et les politiques européennes -, alors qu'aujourd'hui les autorités de gestion sont libres de commander les évaluations de leur choix. En effet, dans son compte rendu du 20 janvier 2010 adressé le 10 mars aux autorités de gestion, le groupe de suivi du CRSN (cadre de référence stratégique national) précisait bien que "les évaluations sont conduites en région sur la base du volontariat. Des thèmes d’évaluation indicatifs ont été proposés aux partenaires régionaux. Ils peuvent ou non s’inspirer de ces thèmes". Par conséquent, les évaluations en cours "sont nombreuses et diverses, avec fréquemment un focus sur la révision à mi-parcours", explique Vincent Le Dolley : "optimisation du Feder" en Aquitaine, "évaluation in itinere" en Auvergne, "les priorités transversales du PO" en Bourgogne, "évaluation des mesures de développement de la cohérence externe des programmes" en région Centre, "évaluation à mi-parcours du PO et du CPER [contrat de projet Etat-région, ndlr]" en Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Corse, Guadeloupe, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Picardie, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais comme attendu, des évaluations dites "thématiques" ont complété la liste : "diagnostic régional de l’innovation pour une stratégie régionale" en Basse-Normandie, "prise en compte de l’innovation et du développement durable" en Aquitaine, "innovation, recherche et transfert de technologies" en Franche-Comté, "projets collaboratifs de recherche" en Haute-Normandie, "actions entreprises en matière de R&D [recherche et développement, ndlr] collaborative" et "évaluation des actions d’efficacité énergétique" en Languedoc-Roussillon, "prise en compte du développement durable dans les programmes" en Midi-Pyrénées, pour ne citer que les principales. Comme on peut le voir, ces évaluations portent sur les thèmes prioritaires de la politique régionale. Dans son compte rendu du 20 janvier 2010, le groupe de suivi du CRSN rappelait que tous ces travaux devaient "s'inscrire dans un calendrier serré pour être utiles à la révision à mi-parcours [c'est-à-dire maintenant, ndlr], tout en contribuant à la réflexion sur l'avenir de la politique de cohésion après 2013". Le cadre semble donc avoir été respecté par la plupart des régions françaises.

Dix régions ont déjà révisé leurs PO, les autres le feront en fin d'année

Comme prévu dans l'article 33 du règlement 1083/2006, c'est "à la lumière des évaluations" que peuvent être faites les révisions des PO. En 2004, l'évaluation à mi-parcours avait "abouti notamment à un transfert significatif de crédits du FSE vers le Feder" et avait "alimenté la réflexion sur les futurs programmes", rappelle Vincent Le Dolley. Qu'en est-il aujourd'hui ? A ce jour, dix régions ont transmis officiellement des demandes de révision de leurs PO qui ont été depuis approuvées par la Commission : Bourgogne, Corse, Franche-Comté, Ile-de-France, Lorraine, Martinique, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes. "Il s’agit principalement d’ajustements dans les maquettes financières conduisant fréquemment à une augmentation modérée du taux d’intervention du Feder, tempère Vincent Le Dolley. Mais aussi des modifications liées aux évolutions réglementaires des textes européens et nationaux (notamment l'extension du champ d’éligibilité aux travaux d’efficacité énergétique dans le logement, demandée et obtenue par la France lors de la présidence française du conseil de l’Union européenne). Il n'y a pas à ma connaissance de révision substantielle des PO. Ce sont des assouplissements techniques, relevant de la mise en oeuvre." La plupart des autres régions sont en train de préparer leurs propositions d’ajustement, qui devraient être validées dans les comités de suivi de fin d’année.

Et la crise : quelles conséquences sur la révision à mi-parcours ?

Certes, le règlement 1083/2006 prévoyait que les PO pouvaient être révisés "à la suite de changements socio-économiques importants" (article 33). Certes, certaines régions comme Provence-Alpes-Côte d'Azur ont explicitement orienté leur évaluation sur la crise économique, comme en témoigne le titre de l'une de ses évaluations : "Pertinence des objectifs CPER et PO au regard de la crise." Certes, les résultats d'une récente enquête de l'Eurobaromètre réalisée auprès de 26.635 citoyens de l’UE par TNS opinion ont confirmé "les vives inquiétudes des Européens face à la crise" et démontré une préférence pour "une convergence des politiques économiques, budgétaires et financières, et une volonté de voir les Etats membres jouer un rôle actif dans la lutte contre la crise". Mais modifier les PO en profondeur serait une erreur : "La crise, même si elle est lourde, est conjoncturelle. Les fonds sont structurels", rappelle Vincent Le Dolley, s'appuyant sur la circulaire adressée le 13 mars 2009 aux autorités de gestion au sujet des conditions de révision des programmes en liaison avec la crise : "En ce qui concerne les programmes opérationnels régionaux du Feder, l'objectif est avant tout de vérifier s'il existe des risques objectifs de retards de consommations des crédits et donc de dégagement d'office ; c'est ce qui doit motiver votre décision de demander ou non des modifications éventuelles de vos programmes. […] Dans tous les cas, les propositions de révision des programmes devront rester strictement dans les objectifs généraux du CRSN et respecter l'équilibre général de vos programmes, en particulier la concentration des fonds européens sur les priorités des stratégies de Lisbonne et de Göteborg ("earmarking") : des remises en question trop importantes pourraient en effet complexifier les négociations à venir sur le maintien des fonds structurels sur l'ensemble des régions d'Europe, qui reste notre objectif à moyen terme." En d'autres termes, l'enjeu est la pérennité de l’objectif "compétitivité régionale et emploi" après 2013.

 

Pierre-Etienne Métais / Welcomeurope

 

Bilan des stratégies régionales d'innovation 

"La France est classée au dixième rang des pays européens dans les tableaux de bord européens de l'innovation", rappelle un bilan des stratégies régionales d'innovations mises en place dans les régions françaises dans le cadre des programmes opérationnels Feder 2007-2013. Cette étude, réalisée par le cabinet ADE pour le compte de la Commission européenne, s'inscrit dans une série de nombreux avertissements. Dès 2008, le rapport "Innovation et compétitivité des régions" remis à la ministre de l'Economie Christine Lagarde pointait un risque de décrochage des régions françaises. Récemment, l'économiste Nicolas Bouzou a tiré le signal d'alarme, indiquant que deux régions seulement - l'Ile-de-France et le Languedoc-Roussillon - remplissaient les objectifs de Lisbonne en matière de dépenses de recherche et développement.
Pour autant, le cabinet Ade préfère rester optimiste et se félicite des progrès réalisés avec la mise en oeuvre des "stratégies régionales d'innovation" (SRI). Une initiative originale puisqu'elle émane de la Commission, relayée ensuite par la Datar. Conseils régionaux et préfectures ont alors travaillé en commun. Avant ces stratégies, "la grande majorité des régions ne disposaient en 2007 d'aucun élément permettant de caractériser les besoins des entreprises, et singulièrement des PME, en matière d'innovation", relève ADE. Or, malgré le contexte compliqué (élections régionales, réforme des collectivités, crise...), les SRI ont permis à 23 des 26 régions françaises de poser le bon diagnostic des besoins sur leur territoire (les ressources humaines y apparaissent comme un élément-clé de l'innovation). Aujourd'hui, "les SRI dépassent très largement le cadre original du Feder pour se positionner dans une perspective globale", souligne l'étude. Ainsi, les SRI pourraient être amenées, comme dans le cas de l'Ile-de-France, à se substituer aux schémas régionaux de développement économique (SRDE) arrivés à terme en 2010 et non reconduits. Par ailleurs, les SRI ont permis aux régions de sortir d'une vision de l'innovation centrée exclusivement sur l'industrie pour s'intéresser à l'innovation dite "non technologique", l'innovation dans le secteur des services ou l'innovation sociale notamment, en cohérence avec la nouvelle stratégie européenne Europe 2020 adoptée en juin dernier. Reste que les dispositifs d'aides sont encore tournés vers l'industrie et ne prennent pas suffisamment en compte ce tournant. Autre point souligné par l'étude : le besoin d'une gouvernance spécifique de l'innovation, associant l'ensemble des acteurs publics et privés. Or, sur ce point, il y a encore beaucoup à faire : si les entreprises ont été associées à la démarche, elles ne sont pas associées aux structures de gouvernance, "alors qu'il s'agit d'un facteur déterminant de succès".

M.T.

 

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