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Commande publique - Suppression des marchés de définition. Et maintenant, on fait quoi ?

Le 23 mars 2010, le sénateur Daniel Raoul interrogeait la ministre de l’Economie sur les conséquences de la condamnation récente par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la procédure des marchés de définition telle qu’instituée dans le nouveau Code des marchés publics (CMP) français. Dans son arrêt du 10 décembre 2009, la cour avait mis en avant des manquements aux obligations de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004.

Lorsqu’une collectivité territoriale doit conclure un nouveau contrat et se trouve - faute de moyens matériels et humains suffisants - dans l’incapacité de déterminer avec précision la nature et l’étendue des besoins à satisfaire, elle peut lancer un marché de définition. Cette spécificité française permet de confier à plusieurs prestataires externes l’élaboration du cahier des charges et de les mettre ensuite en compétition pour l’attribution du marché d’exécution. Ainsi, l’article 73 du CMP prévoit dans sa rédaction actuelle que "dans le cadre d’une procédure unique, les prestations d’exécution faisant suite à plusieurs marchés de définition ayant un même objet et exécutés simultanément, sont attribuées après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de définition". La CJUE a sanctionné cette procédure car le fait de "remettre en concurrence" les titulaires initiaux limite de facto l’accès au concours aux seuls opérateurs capables de se charger cumulativement de la conception et de la construction du projet. Or, cette modalité d’attribution directe est contraire au principe fondamental de l’égalité d’accès des candidats aux marchés publics.

Mais quid des procédures ayant déjà commencé sous l’empire du droit existant ? Quatre cas peuvent se présenter.

- Lorsque le marché de définition est en cours d’attribution, les personnes publiques sont tenues de procéder à la résiliation de la procédure.

- Les marchés de définition attribués avant l’arrêt et dont l’exécution est achevée ne sont pas remis en cause.

- Les marchés de définition attribués avant l’arrêt mais dont l’exécution n’a pas débuté doivent impérativement faire l’objet d’une mise en concurrence élargie au delà des seuls titulaires initiaux.

- Enfin, concernant les marchés de définition attribués avant l’arrêt et dont l’exécution est en voie d’achèvement, les pouvoirs adjudicateurs peuvent saisir la direction des affaires juridiques de Bercy afin d’être orientés vers la décision la plus opportune.

Pour éviter tout risque d’insécurité juridique, quelques précautions s’imposent. Il est notamment conseillé d’inclure au contrat une clause prévoyant le transfert, entre les mains de l’acheteur public, de la propriété intellectuelle de la définition issue du marché initial. Une alternative peut aussi consister à conclure plusieurs marchés d’études et organiser ensuite une seconde procédure pour l’attribution ultérieure du marché d’exécution. Les acheteurs publics devraient vite être fixés puisque selon les informations données par la directrice des affaires juridiques de Bercy, Catherine Bergeal, le 25 mars dernier lors d’une session organisée par l’Apasp, le décret "concession de travaux" à paraître prochainement devrait abroger les articles 73 et 74-IV du CMP et présenter de nouveaux instruments juridiques eurocompatibles.
 

Apasp

 

Références : question orale n°780 de M. Daniel Raoul adressée à la ministre de l’Economie, JO du Sénat du 23 mars 2010 ; Cour de justice de l'Union européenne, affaire c-299/08, arrêt du 10 décembre 2009 ; conclusions de l'avocat général Jan Mazak présentées le 22 septembre 2009.