Sport - Stades et arénas en Ile-de-France : du trop peu au trop-plein ?

Plusieurs rapports ont secoué le petit monde des grands équipements sportifs ces dernières années : le rapport Besson sur la compétitivité du football français (2008), le rapport Seguin sur les grands stades de l'Euro 2016 (2008), le rapport Constantini sur les grandes salles (2010). A chaque fois, le constat était alarmant : la France manquait de stades ou d'arénas et, partant, n'était plus en mesure d'accueillir de grandes compétitions internationales ni de permettre aux clubs professionnels de rivaliser avec leurs concurrents européens en termes de recettes.
Entretemps, la France a obtenu l'organisation de l'Euro 2016 de football et du Mondial 2017 de handball, tandis que les partenariats public-privé offraient aux collectivités un "dopage" financier bienvenu pour entamer de grands travaux. Ultime changement de taille dans ce paysage longtemps circonscrit aux seuls acteurs publics : les investisseurs privés montent désormais des projets 100% privés. Résultat : d'une offre indigente, le risque existe de se retrouver avec de grands équipements... en trop. Un risque particulièrement vivace en région parisienne. C'est ce que révèle l'institut régional de développement du sport (IRDS) d'Ile-de-France dans son dernier dossier "Enjeux et stratégies autour des stades et arénas en Ile-de-France", publié ce 4 mars.

Peu de grands stades, car peu de besoins

Indigente, l'offre de stades semble effectivement l'être : "Paris avec une aire urbaine de 12 millions d'habitants accueille 2 stades de 25.000 places et plus, tandis que Londres avec une aire équivalente en compte 10 dont 4 de plus de 60.000 et 2 de plus de 80.000 places", écrit l'IRDS. Faut-il en conclure que l'Ile-de-France est sous-équipée ? La réponse de l'IRDS est : "Probablement non." Avec un engouement pour le sport moindre que dans d'autres régions métropolitaines européennes, l'Ile-de-France n'arrive pas à développer de grandes équipes nécessitant de grands équipements. Une situation qui "tient aux pratiques culturelles et à l'histoire du déploiement de certains sports professionnels (notamment football et rugby) en France".
Loin d'être sous-équipée en stades, la région capitale en compterait même trop. Ainsi, aux côtés du parc des Princes, du nouveau stade Jean-Bouin, qui accueillent des équipes de première division en football et rugby, et du stade de France, qui sert d'écrin aux équipes nationales de ces mêmes sports, il existe des stades inadaptés et sous-employés : les "éléphants blancs". Dans cette catégorie, le stade Charléty (Paris XIIIe) et celui de Bondoufle (Essonne), héritage de la candidature à l'organisation des Jeux de la francophonie de 1993, frôlent les 20.000 places. Des places désespérément vides en l'absence de club résident d'un niveau susceptible d'attirer des spectateurs.
Et ces éléphants blancs risquent de le rester longtemps. Avec une projection de sept stades de plus de 20.000 places à l'horizon 2020/2025 (projets d'Arena 92 du Racing-Métro, de grand stade de la Fédération française de rugby, et reconstruction du stade Bauer à Saint-Ouen), on court vers le trop-plein.

Concurrence frontale

Du côté des arénas (salles omnisport couvertes), la situation est assez différente. Aujourd'hui, l'Ile-de-France compte une trentaine de salles de plus de 1.000 places destinées principalement aux sports collectifs (basket, handball, volley-ball), dont plus des deux tiers pouvant accueillir entre 1.000 à 2.000 spectateurs, six comptant entre 2.000 et 5.000 places et une, le Palais omnisport de Paris Bercy (POPB), en dénombrant 17.000. Contrairement à la situation du football et du rugby, où les clubs de haut niveau sont rares, une dizaine de clubs franciliens évoluent au premier niveau des championnats de basket, handball ou volley, féminin ou masculin, et les enceintes qu'ils occupent sont de taille modeste et souvent vétustes.
Pour les salles, si cinq projets de construction ou de rénovation existent selon des modèles économiques différents, tous ont un point commun qui les écarte des nouveaux modèles de grands stades : ils sont tous portés par des collectivités. Outre une construction modeste à Ivry ainsi qu'un agrandissement raisonnable du palais des sports de Nanterre, le Dôme de Sarcelles (Val-d'Oise) et le Colisée du Tremblay (Seine-Saint-Denis) voient plus grand, avec des jauges de 10.000 à 15.000 places. Pour rentabiliser ces réalisations, les porteurs de projet comptent sur l'accueil de concerts. Les deux nouvelles grandes salles, situées dans le nord de Paris, viendraient ainsi concurrencer le POPB. Et c'est là que la bât risque de blesser : "Certes du fait de son monopole, le POPB est une salle assez chère sur le marché national et européen, écrit l'IRDS, mais il n'y aurait pas de place pour deux, et encore moins trois, salles dans la capitale."
Ce qui devrait valoir pour les arénas vaudra également pour les stades. Outre les problèmes récurrents de manque d'attractivité des clubs franciliens, tous sports confondus, les modèles économiques des nouveaux équipements misent sur la tenue d'événements extrasportifs. Un marché qui va les mettre en concurrence frontale, alors que le stade de France, malgré un monopole de fait sur les mégaconcerts, connaît actuellement une baisse d'activités dans ce créneau.

Quid de l'aménagement concerté du territoire ?

L'étude de l'IRDS laisse ainsi du paysage des stades et arénas et Ile-de-France une impression de fouillis, de juxtaposition d'intérêts privés ou locaux, sans considération aucune pour l'aménagement du territoire. Une impression d'autant plus dramatique que la plupart des porteurs de projets sont encore des collectivités territoriales. "Il est […] grand temps aujourd'hui de réfléchir à une programmation concertée et partagée (Etat, fédérations, collectivités, clubs) des équipements. En particulier pour les disciplines sportives et les clubs qui ne peuvent recourir à du financement privé", tranche l'IRDS, avant de conclure : "N'y aurait-il pas, de manière générale, une surestimation des bénéfices occasionnés par l'implantation d'un très grand équipement sportif ?"
 

 

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