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Sports - Politiques sportives : les grands équipements bouchent l'horizon

"Sport pour tous." Tel est le leitmotiv des ministres des Sports successifs. Pourtant, les moyens donnés aux grands équipements continuent d'obérer les budgets et de monopoliser les énergies. Mais l'inflation des normes, d'un côté, et l'état des finances publiques, de l'autre, pourraient conduire à revoir en profondeur les rapports entre pouvoirs publics et sport professionnel.

La très large présence de Valérie Fourneyron à Londres, auprès des sportifs français engagés dans les épreuves olympiques, trahit à elle seule les contradictions des institutions sportives françaises. Si d'un côté l'on déclare que la priorité doit aller au sport pour tous, que le sport professionnel et ses excès ne doivent plus compter sur l'argent public, l'Etat ne peut se résoudre à laisser vivre sans lui la communauté des athlètes de haut niveau. Sans doute parce que ces derniers forment précisément le lien entre le sport de masse chéri et le sport-spectacle honni, une élite issue de la base formée des 15 millions de licenciés français dont la réussite viendrait valider les politiques menées sur le long terme…
Dans ses premières prises de position, la nouvelle ministre des Sports n'a pas fait exception. Comme ses prédécesseurs, elle s'est empressée de fustiger les dépenses en faveur des équipements du sport professionnel et leurs cahiers des charges toujours plus exigeants. Mais elle n'en demeure pas moins comptable des engagements pris et happée par l'irrésistible attraction qui fait du sport un porteur d'image incontournable. On a même vu François Hollande auprès de Valérie Fourneyron et des champions français à Londres. Et le président de la République d'évoquer une candidature française aux Jeux olympiques de 2024… à condition de ne pas "connaître l'échec". L'essentiel n'est décidément plus de participer ! Aussi quand devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le 17 juillet dernier, la ministre prétend "réorienter le paquebot du CNDS [Centre national pour le développement du sport] qui a viré de bord en finançant les grands équipements comme les arénas, les grandes manifestations sportives, et le comité stratégique à l’international alors que ce n’est pas du tout sa vocation", on se demande comment il sera possible à l'Etat de porter une candidature solide sans financer de grands équipements et sans élaborer une stratégie à l'international…

Les grands projets des collectivités rattrapés par la réalité

Dans le domaine du sport, les préoccupations de l'Etat semblent rejoindre celles des collectivités territoriales. Empêtrées dans des réalisations pharaonesques pour des clubs professionnels aux ambitions aussi démesurées que leur équilibre financier est fragile, elles non plus ne se résolvent pas à couper le lien avec ces noms prestigieux qui mettent en lumière leurs territoires. Avec l'Euro 2016 de football, ce sont neuf enceintes neuves ou rénovées de grande capacité qui devraient voir le jour. A leurs côtés, Le Mans, Le Havre et Valenciennes ont inauguré récemment des stades certes plus modestes mais dont la fragilité économique est mise à découvert par l'aléa sportif.
L'état des finances publiques a toutefois rattrapé çà et là les élus territoriaux. Ainsi, après Nantes et Rennes, qui avaient renoncé très en amont à accueillir l'Euro 2016, l'agglomération de Nancy a jeté l'éponge après avoir été désignée ville-hôte. Quant à Toulouse, son stade sera finalement mis aux normes minimales pour accueillir l'événement : plus de lifting en profondeur pour le vieux Stadium et un budget de rénovation divisé par deux. A Lens, la participation est suspendue à des financements que personne ne s'empresse d'assumer.
Le Mondial de handball 2017 devait de son côté aider à rattraper le retard français dans le domaine des grandes salles (ou arénas). Là encore, l'équation semble difficile à résoudre. Considérant des coûts de construction exorbitants, des gestions futures incertaines et des parcours administratifs semés d'embûches, Bordeaux et Villeurbanne ont préféré ajourner leur projet. Quant à Orléans, la construction de son aréna est suspendue à une subvention récemment annulée.
Les constructions de grands stades et de grandes salles figurent depuis plusieurs années parmi les revendications des ligues professionnelles, soucieuses de tirer le meilleur parti financier de leurs compétitions. Mais si tout le monde s'accorde à reconnaître le retard français en la matière, les derniers mois ont mis en lumière la volonté des élus de tous niveaux et de tous bords de placer les entrepreneurs sportifs devant leurs responsabilités. Le débat sur les normes est souvent au cœur de la polémique et les collectivités ne semblent plus désireuses de jouer les victimes expiatoires. Ainsi la Ligue nationale de rugby tergiverse dans l'adoption définitive de son cahier des charges pour les stades, tout comme la Fédération française de hockey sur glace a choisi d'ajourner son projet de règlement pour les patinoires. La loi-cadre sur le sport annoncée pour 2013 pourrait être une bonne occasion de mettre à plat les relations entre collectivités et sports professionnels. Une fois ce problème majeur - tant en termes économiques que politiques - réglé, peut-être sera-t-il possible de se pencher sur la définition d'une politique en faveur du sport pour tous, mettant notamment en avant les bénéfices du sport sur la santé ou le développement des territoires...