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Sport - Quelle gouvernance du sport pour Valérie Fourneyron ?

La nouvelle ministre souhaitait une "instance de réflexion et de proposition collective" pour répondre au besoin d'articulation entre les acteurs du sport, dont les collectivités. Pas sûr que la Conférence nationale du sport, qui a remplacé l'Assemblée du sport début 2012, ait toutes les qualités requises. Et quid des conférences régionales du sport créées sur une dizaine de territoires ? Tout va sans doute être amené à bouger.

Avec des équipements propriétés des communes à plus de 80%, une animation territoriale confiée à des fédérations à travers leurs associations membres et des ménages qui financent la moitié des dépenses, le sport est tout sauf un domaine réservé à l'action de l'Etat. La question de la gouvernance et de l'articulation entre les acteurs s'y pose donc de façon particulièrement aiguë. Quels équipements construire, où les construire, quels types de pratiques encourager, avec quel encadrement ? Autant d'interrogations qui nécessitent une concertation au niveau national. Pour y répondre, le Conseil national des activités physiques et sportives (Cnaps) avait vu le jour en 2001 avant de disparaître en 2007. Début 2011, Chantal Jouanno avait mis en chantier un "parlement du sport" de 180 membres représentant l'Etat, les collectivités locales, le mouvement sportif, les entreprises et la société civile. Mais l'Assemblée du sport n'a pas survécu à ses travaux préparatoires. A sa place, une Conférence nationale du sport (CNS) à la composition resserrée a vu le jour en janvier 2012. Réunie à deux reprises en séance plénière, la CNS s'est penchée sur la promotion et le développement du sport pour tous puis sur la répartition territoriale des équipements. Elle a également commencé à réfléchir sur la mesure de l'impact économique et social du sport et l'élaboration d'un compte satellite. Echéances électorales obligent, ses réunions ont été suspendues depuis deux mois. Cet outil tout neuf et à peine rodé sera-t-il reconduit en l'état par Valérie Fourneyron ?

La spécificité des grandes villes

La nouvelle ministre des Sports avait participé aux travaux préparatoires de l'Assemblée du sport version Jouanno. Elle en avait même présidé un atelier, intitulé "Un sport sain et éthique". Interrogée il y a un an par Localtis sur le sens de sa présence dans cette assemblée, Valérie Fourneyron avait alors répondu : "Cela fait des années que je réclame cette instance de réflexion et de proposition collective. Nous l'avons, je ne veux pas bouder cette Assemblée du sport. C'est nous qui allons prouver sa pertinence." Anticipant le jeu de chaises musicales au ministère des Sports, elle ajoutait : "Nous avons un calendrier extrêmement serré pour faire des propositions, et en même temps la volonté de la ministre d'inscrire cette instance dans la durée, cela me plaît bien. Nous les politiques, nous passons."
Si tout laisse à penser que Valérie Fourneyron pourrait s'effacer devant la création de ses deux derniers prédécesseurs, quelques obstacles demeurent toutefois.
Tout d'abord, la formation resserrée à 32 membres de la CNS n'a pas la même portée qu'une vaste assemblée de 180 membres. Par ailleurs, la société civile a disparu des radars tandis que certaines fédérations affinitaires omnisports déplorent depuis les premiers travaux que le mouvement sportif ne soit représenté que par le seul Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Un élargissement pourrait être l'occasion de réintégrer les familles du sport au grand complet. Il pourrait aussi donner une place plus importante aux villes. Responsable du sport au sein de l'Association des maires de grandes villes de France, Valérie Fourneyron nous déclarait l'année dernière : "Cette fois [dans la composition de l'Assemblée du sport, NDLR], nous avons vraiment beaucoup insisté pour que les collectivités soient très présentes, notamment avec la spécificité des grandes villes qui portent les grands équipements et manifestations. Dans ma présidence de groupe, il y a cette force que représentent les grandes villes dans les enjeux du sport." Or cette spécificité n'est pas représentée dans la composition actuelle de la CNS et aucun maire de grande ville n'y siège.

Les régions se mettent au sport

Enfin, la ministre pourrait prendre en compte un phénomène nouveau dans la gouvernance du sport : le développement des conférences régionales du sport. Si la première mouture de l'Assemblée du sport prévoyait des déclinaisons régionales qui n'ont finalement pas vu le jour, les conseils régionaux ont de leur côté multiplié les initiatives. La dernière réunion de la CNS s'est d'ailleurs interrogée sur leur objet et leur fonctionnement.
Aujourd'hui, une dizaine de régions ont créé une conférence relative au sport, et cinq à sept régions pourraient voir leur projet aboutir en 2012. Sous la tutelle du président du conseil régional, ces conférences ont le plus souvent pour objet de proposer un espace de concertation aux acteurs régionaux du sport, de dresser un état des lieux de la pratique sportive sur le territoire et d'en suivre l'évolution avant d'envisager la mise en place d'une politique sportive concertée. Par ailleurs, ces instances régionales attendent de la CNS la clarification en matière de gouvernance et d'organisation du sport ainsi qu'une stratégie territoriale. Elles souhaitent encore pouvoir faire remonter depuis le terrain leurs préoccupations, leurs propositions mais aussi des expériences innovantes et des bonnes pratiques. La CNS, de son côté, s'est étonnée du manque d'homogénéité dans la composition des différentes conférences régionales et de l'absence de représentants de telle ou telle partie prenante. Elle s'est en revanche félicitée de leur existence à un échelon jugé pertinent pour la définition de politiques sportives publiques. Mais cette émergence soudaine d'acteurs régionaux pose la question de l'articulation de leurs actions avec la CNS. Voire de leur intégration dans un processus homogène piloté par le ministère via ses directions régionales.
Si elle répond aux vœux de Valérie Fourneyron de s'appuyer sur "une instance de réflexion et de proposition collective", la Conférence nationale du sport pourrait continuer sa route… mais les raison de la réformer en profondeur ne manquent pas.