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Sport - Le partenariat public-privé, une arme à double tranchant pour les équipements sportifs

Le partenariat public-privé (PPP) est-il la bonne formule pour la réalisation et la gestion des équipements sportifs ? La question est sur le bout des lèvres de nombreux décideurs publics. Elle était au coeur des débats d'une conférence organisée par l'Association pour l'information et la recherche sur les équipements de sports et de loisirs (Aires), vendredi 23 mars au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Comme l'on pouvait s'y attendre, la réponse donnée par les intervenants fut nuancée. "Le PPP n'est pas la bonne formule, c'est une bonne formule", a ainsi résumé Wilfrid Aoustin, du cabinet d’audit et de conseil financier Grant Thornton.
Avant de développer ce point de vue, Eric Gintrand, directeur du département de droit public du cabinet Fidal, a rappelé les grands principes du PPP et ses différences avec les autres schémas contractuels pour la réalisation d'équipements publics : marchés publics et délégations de service public (DSP). En termes de conditions de recours, le PPP se caractérise d'abord par la présence d'une complexité technique, financière ou juridique, par l'urgence ou encore par un bilan plus favorable que le marché et la DSP. La procédure peut comprendre un dialogue compétitif en cas de complexité, une formule possible dans un marché public mais pas dans une DSP. Quant à l'objet même du contrat, le PPP inclut une gestion du service public, tout comme la DSP, mais à la différence de celle-ci, il comporte également des prestations accessoires et une valorisation du domaine. Il s'agit donc d'une mission qui comprend des prestations tant obligatoires (investissements en tout ou partie, financement, entretien, maintenance) que facultatives (conception, gestion et exploitation, prestations annexes concourant au service public, valorisation du domaine et encaissement). Logiquement, le prestataire est maître d'ouvrage de l'équipement. Il peut même, contrairement à ce que prévoit la DSP, en avoir la propriété à l'issue du contrat. Enfin, un élément primordial distingue le PPP des autres solutions : il fait peser sur la collectivité les risques de gestion.

Une solution pour des équipements "importants"

Après cet exposé, Eric Gintrand en est venu au coeur du débat attendu en précisant que "les PPP appliqués aux équipements sportifs portent sur des projets importants". "Depuis 2008 [et la loi libéralisant les PPP créés par une ordonnance de 2004, NDLR], ils ont concerné trois stades, un vélodrome, des centres aquatiques et des patinoires. Il y a une quinzaine de PPP en matière d'équipements sportifs en cours actuellement et une trentaine sont à l'étude. Mais on ressent un ralentissement", a précisé le juriste. Ce ralentissement pouvant s'expliquer par le fait que les stades en question – à Bordeaux, Nice et Lille – ont été lancés dans le cadre de l'accueil de l'Euro 2016 de football pour lequel une enveloppe de 168 millions d'euros est prévue sur la période 2011-2015. Parmi les réalisations à venir, les arenas (grandes salles omnisports) de Dunkerque et Nanterre ont été cités.
Eric Gintrand a ensuite détaillé ce qu'il entendait par un projet "important", sachant qu'aucun seuil minimum n'est pas défini en la matière. Le spécialiste distingue le cas d'une simple piscine, ne justifiant pas le recours au PPP, de celui d'un centre aquatique regroupant des équipements de nature diverse (bassins, salle de remise en forme, espace bien-être, etc.) relevant tantôt d'un service public tantôt d'une prestation annexe, et pouvant entrer dans le cas du PPP. Il en est de même du stade dont les équipements annexes peuvent comporter un hôtel, des espaces de restauration, des commerces, etc.
Pour Wilfrid Aoustin, c'est encore une certaine complexité, notamment la gestion future de l'équipement, qui justifie le recours au partenariat public-privé : "Les PPP sont des opérations d'externalisation qui ont lieu depuis longtemps dans le monde industriel et répondent à un souci d'efficacité par spécialisation." Enfin, mettre de côté le PPP dans le cas d'un équipement "peu important" se justifie pour une raison financière : "La négociation d'un PPP, c'est cher."

Levier financier, garantie de maintenance… et aléa sportif

Sur le plan financier, le PPP offre selon Wilfrid Aoustin des avantages tant au démarrage du projet que sur le long terme : "Le PPP est un accélérateur d'investissements. Il permet de lancer une construction sans que la collectivité n'ait rien à payer pendant 12, 24 ou 36 mois. Sur un plan budgétaire, cela peut donc intéresser la personne publique. De plus, on transfère à des professionnels la gestion du risque qualifié. On travaille ainsi à travers une approche en coût global, qui prend en compte l'investissement, le financement, la maintenance, l'entretien. Le partenaire a intérêt à 'mettre le paquet' dans l'investissement pour s'assurer une bonne maintenance future. Le PPP assure en effet une garantie sur le maintien de la valeur des actifs réalisés. Au terme du contrat, on a quelque chose qui vaut encore quelque chose."
Mais ces avantages théoriques trouvent dans le cas précis du sport une limite. Dans cette matière spécifique, il s'agit en effet de faire une distinction entre équipements destinés à la pratique sportive du grand public, où des recettes régulières peuvent raisonnablement être attendues – comme dans un centre aquatique ou une patinoire –, et équipements de sport-spectacle, où la santé financière du projet implique l'existence d'un club résident et ses bonnes performances. Le PPP peut ainsi se révéler être une très mauvaise affaire pour la collectivité si un club vient à être relégué dans une division inférieure, voire à perdre son statut professionnel. Dans ce cas, une redevance forfaitaire peut en effet être demandée à la collectivité alors que l'équipement ne génère plus ou quasiment plus de recettes. S'ils ne concernent pas des stades construits en PPP, les exemples du Stade de France – où l'absence d'un club résident coûtera 12 millions à l'Etat cette année –, et des clubs de Grenoble et de Strasbourg – dont les équipes professionnelles ont disparu et qui évoluent aujourd'hui en 5e division – devraient faire réfléchir les collectivités.