Sécurité civile - Services d'incendie et de secours : la Cour des comptes appelle à de nouvelles réformes
En 2005, la Cour des comptes effectuait un premier bilan de la départementalisation des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), trois ans après sa mise en oeuvre. Depuis, le débat a été nourri sur ce sujet, en particulier avec un rapport du député Georges Ginesta, en juillet 2009. Dans un nouveau rapport publié ce 1er décembre, l'institution de la rue Cambon refait le point. Dans ce rapport, elle ne parle pas de dérapage financier des Sdis. Mais c'est tout comme. En le présentant le 1er décembre à la presse, le président de la Cour, Didier Migaud, a pointé du doigt une "augmentation non maîtrisée des coûts" des Sdis. Entre 2002 et 2010, les dépenses contractées par ceux-ci (Paris et Marseille exclus) sont passées de 3,2 milliards à 4,7 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 4,8% en moyenne chaque année. Certes, l'accroissement s'est ralenti en 2010 (+ 1,5 %), "mais rien ne dit que cette modération recouvre une réelle inversion de tendance", nuance la Cour. Toujours entre 2002 et 2010, le nombre d'interventions des pompiers n'a augmenté, en comparaison, que de 17%. Celles-ci étant plus courtes, le nombre d'heures consacré aux interventions a en fait reculé. Et les interventions étant davantage consacrées au secours des personnes, le nombre de pompiers par intervention a baissé.
Les causes de cette envolée des coûts : la remise à niveau des équipements et des bâtiments, mais surtout les dépenses de personnel, qui ont crû de 54% entre 2002 et 2010. Un chiffre qui trouve une explication dans le recrutement de personnels supplémentaires et dans la gestion des ressources humaines "peu rigoureuse" qui leur est appliquée. Les quelque 40.000 sapeurs-pompiers professionnels - ils étaient 33.000 en 2002 – bénéficient d'avancements d'échelon "de manière systématique" et "à l'ancienneté la plus courte". De plus, les primes dont ils bénéficient dépassent souvent 50% de leur traitement, soit un montant très supérieur à celui des primes habituellement versées aux personnels territoriaux.
Fermer des casernes
Pour les magistrats, le nombre trop élevé des casernes (7.280) est un autre problème auquel il convient de remédier pour réduire les coûts fixes, même si le sujet est "sensible localement". Des progrès significatifs pourraient être accomplis dans des départements comme la Haute-Corse (où 11 centres ont une activité inférieure à une intervention par jour), ou le Jura (20 centres de ce département sont intervenus moins d'une fois par semaine en 2009). Cela ne doit pas inquiéter : dans les départements qui ont procédé à des fermetures, les délais maximaux d'intervention ont été respectés.
La Cour reconnaît à la départementalisation des Sdis engagée il y a 10 ans le mérite d'avoir conduit à "un début de rationalisation" de l'implantation des casernes (elles étaient 8.700 en 2002). Mais ce mouvement se heurte, selon les magistrats, à l'opposition des maires. Le maintien en activité des centres dont l'activité est faible "tient souvent davantage à la volonté des communes de les conserver qu'à de véritables nécessités opérationnelles". Et pour les magistrats, ces blocages subsisteront tant que les communes conserveront une place dans le financement (44% des 4,7 milliards d'euros de dépenses) et la gouvernance des Sdis. Aussi appellent-ils à supprimer les contributions des communes et à augmenter, en revanche, les dotations de l'Etat aux départements afin que ceux-ci assurent l'intégralité du financement des Sdis. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoyait d'aller dans ce sens. Mais l'application de cette mesure n'a cessé d'être reportée, tant elle soulève de levées de boucliers de la part des maires, des présidents de conseils généraux et des pompiers. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a rappelé dans un communiqué, ce 1er décembre, que pour elle, cette voie conduirait les maires à "se désengager complètement de leur rôle pourtant essentiel auprès du volontariat de sapeur-pompier", qui par conséquent s'en trouverait amoindri. La Cour ne rejette pas cet argument, mais considère qu'il "doit être contrebalancé par l'inconvénient que constitue, pour les volontaires eux-mêmes et pour la qualité des interventions, leur sollicitation réduite dans des centres de faible activité, qui ne leur permet pas de conserver un niveau opérationnel satisfaisant". Muette sur la question du financement, l'Assemblée des départements de France (ADF) considère pour sa part, dans son communiqué, qu'il faut "conserver un maillage serré des centres d'intervention de proximité", faute de quoi le transport jusqu'à l'hôpital des personnes à secourir ne serait plus assuré.
Des gardes coûteuses
Indépendamment de leur nombre, les casernes pourraient voir leur fonctionnement amélioré, selon la Cour. Pour cela, elle préconise de remplacer les gardes de 24 heures – un "système inutilement coûteux" pourtant choisi par les deux tiers des Sdis - par un système fondé sur la combinaison de gardes de 24 heures et de 12 heures, ainsi que sur un recours accru aux volontaires. Cette solution permettrait de réduire jusqu'à 30% les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels.
La gestion de l'activité de secours à personne, qui représente près de 70% des interventions des Sdis, est particulièrement perfectible, selon la Cour. Celle-ci prône une meilleure coordination entre le Samu et les Sdis, notamment par la mise en place de centres d'appels communs au 15 et au 18.
Parmi ses autres recommandations, l'instance d'évaluation des politiques publiques propose de mettre en place un système de solidarité financière entre les Sdis, de rendre obligatoire la facturation des interventions de nature diverse (pour la présence d'un nid de guêpes, etc.), de créer une contribution au bénéfice des Sdis perçue "sur les entreprises présentant des risques aggravés ou gérant des ouvrages exceptionnels", de développer les mutualisations avec les services du conseil général et entre Sdis, de faire du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR) l'unique document stratégique et de mieux l'articuler avec le schéma régional d'organisation des soins (Sros).
Thomas Beurey / Projets publics
Yves Rome, nouveau président de la Conférence nationale des Sdis
Yves Rome, sénateur et président du conseil général de l'Oise, a été élu, ce 1er décembre, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS). Agé de 61 ans, il succède à Eric Doligé, président du conseil général du Loiret. Yves Rome présidait déjà le groupe de travail "Sdis et sécurité civile" de l'Assemblée des départements de France (ADF). La conférence se réunissait pour la première fois depuis le renouvellement, au printemps dernier, des conseils d'administration des Sdis et la publication de la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. L'instance a émis un avis favorable à l'unanimité sur le premier projet de décret pris en application de cette loi. Il s'agit de la création du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, qui sera présidé par un élu local. Cet organe de consultation aura une mission d'évaluation, d'analyse et de proposition sur les actions menées en faveur du volontariat.
T.B.