Sécurité civile - Les Sdis au milieu du gué
Créés il y a tout juste dix ans, les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ont vu leurs dépenses exploser ces dernières années. Pour les départements, qui croulent déjà sous les charges nouvelles, la facture est de plus en plus lourde. Pour la première fois cette année, leur contribution départementale au budget des Sdis dépasse les 50%. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée auprès de 87 Sdis par le cabinet Lamotte pour le compte de l'Assemblée des départements de France (ADF).
Il s'agit du premier état des lieux de leur situation financière depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, loi qui a confié aux conseils généraux la responsabilité de l'organisation du financement et du personnel des Sdis. Si l'on n'atteint plus le rythme de croissance à deux chiffres des dépenses de fonctionnement (11% en 2004), la départementalisation devrait conduire à une augmentation de près de 5% par an pour les années à venir. "Compte tenu du plafonnement des contributions des communes indexées au coût de la vie, ce sont les départements qui vont supporter ces charges nouvelles", explique Pierre Maille, président du conseil général du Finistère et vice-président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS). L' évolution de la contribution des conseils généraux devrait s'établir autour de 7 à 8% par an sur les trois prochaines années.
Forte inflation des dépenses de personnel
Augmentation des effectifs, réformes statutaires découlant des lois successives... ce sont surtout les dépenses de personnel qui expliquent cette inflation. Elles comptent pour 77,7% des budgets des Sdis, sans compter la mise en œuvre de la prestation de fidélisation et de reconnaissance qui va encore alourdir la note : 60 millions d'euros supplémentaires chaque année, estime l'ADF. La croissance des effectifs devrait être de l'ordre de 2,2% par an jusqu'en 2008. "Par projection, on peut estimer à plus de 3.000 le nombre de postes de professionnels qui vont être créés entre 2006 et 2009", note l'enquête.
S'agissant des volontaires, 95% des Sdis reconnaissent rencontrer des problèmes de disponibilité le jour. Pour pallier ce problème, ils ont le plus souvent recours aux astreintes ou aux gardes, mais un quart d'entre eux envisagent de recruter des professionnels. "Le volontariat est indispensable au fonctionnement des Sdis si l'on ne veut pas voir exploser les coûts. On a besoin des maires, d'où l'intérêt de pouvoir maintenir encore quelque temps les contingents communaux. Tant qu'ils sentiront le poids des dépenses, ils resteront mobilisés", insiste Pierre Maille.
Les Sdis sont de plus en plus souvent sollicités pour le secours à victime, qui représente 47,9% de leurs interventions, contre à peine 24% pour les incendies. "On est encore dans un système où l'offre fait la demande", commente-t-on à l'ADF, où l'on souligne par ailleurs de profondes disparités d'un département à l'autre : "L'un des indicateurs les plus parlants est celui des gardes de nuit. Dans des départements pourtant assez comparables en termes de population et de risques, on est dans un rapport de 1 à 6."
Des conventions pluriannuelles avec les conseils généraux
L'autre grand chantier est celui de l'immobilier. Le plus souvent mis à disposition par les communes ou les EPCI, il représente la moitié des dépenses d'investissements (44%), bien avant l'achat de matériel incendie (32%). Face à ce criant besoin de finances, les Sdis se tournent vers l'emprunt qui devrait atteindre 47% des recettes prévues pour 2008 et 2009. "En 2005, l'endettement des Sdis a sensiblement augmenté mais reste globalement inférieur à celui des départements", note cependant l'enquête. Dans un rapport de février 2005, la Cour des comptes avait déjà tiré le signal d'alarme et appelé à une plus grande rigueur et à la mise en place d'outils de contrôle.
Si la plupart des Sdis déclarent s'être engagés dans la voie du contrôle de gestion, seulement la moitié d'entre eux (46 sur les 87) ont formellement créé un poste de directeur administratif et financier, tel que préconisé par la loi de modernisation de la sécurité civile. L'enquête montre toutefois une meilleure capacité des Sdis à anticiper. La plupart d'entre eux ont passé une convention pluriannuelle avec le conseil général ou sont sur le point de le faire, comme le prévoit la loi du 13 août 2004. Seuls 15 Sdis sur les 87 n'envisagent pas cette hypothèse en 2007.
Selon Pierre Maille, la date du 1er janvier 2008, à laquelle les départements sont appelés à devenir les financeurs uniques des Sdis, pourrait être reportée d'un ou deux ans. "C'est un problème d'ordre technique. On s'est aperçu qu'environ 4.000 communes ont un contingent supérieur à la dotation globale de fonctionnement qu'elles perçoivent", explique le vice-président du CNSIS. Mais pour lui, le véritable enjeu est politique. "Les conseils généraux sont encore dans une logique de co-pilotage avec les préfets sur ces questions, or désormais ce sont eux qui en ont la responsabilité, il faut qu'ils se saisissent de leurs fonctions et prennent les décisions."
Michel Tendil