Sénat : 30 propositions pour "revitaliser" la commune
La commission des lois du Sénat a examiné, ce 7 novembre, les 30 propositions d'une mission transpartisane pour "revitaliser l'échelon communal". À deux semaines d'un congrès des maires de France qui sera sous haute tension, la Haute Assemblée entend "rendre un avenir aux communes". Celles-ci doivent, selon elle, pouvoir mieux maîtriser leur destin dans une intercommunalité qui ne doit pas prétendre à exercer toutes les compétences.
Une mission sénatoriale veut réhabiliter le rôle et la place de la commune, "un échelon plébiscité par les Français", mais que la réforme territoriale a voulu, selon elle, marginaliser.
Les trente propositions formulées par cette mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, composée de sénateurs de tous les groupes politiques de la Haute Assemblée, "redonnent sens à la commune" et confortent les moyens offerts aux maires pour mettre en œuvre les politiques locales, a résumé Agnès Canayer, membre (LR) de la mission, lors d'une conférence de presse (l'ensemble des propositions sont à télécharger ci-dessous). Elles répondent à "une véritable attente" de la part d'élus locaux qui "se sentent dépossédés" et "contraints", a-t-elle fait valoir. La baisse drastique des dotations entre 2014 et 2017, de même que les transferts de compétences aux intercommunalités et les nouvelles normes coûteuses ont en effet grignoté progressivement les capacités d'action des communes, ont pointé les sénateurs. La position de la mission n'est ni "défensive", ni "archaïque", a plaidé Françoise Gatel (Union centriste). Pour la sénatrice, "il y a un service rendu au citoyen qui fait de la commune l'élément de la République du quotidien". "Corriger ce qui ne va pas dans les textes votés", "revitaliser la commune", fournir à ses élus "les outils dont ils ont besoin", telles sont les motivations de la mission, a déclaré pour sa part Mathieu Darnaud, son rapporteur (LR). Car, il en est convaincu, "la commune, c'est l'avenir de nos territoires".
Intercommunalité : cesser de voir toujours plus grand
Critiquant la course à la taille et l'automaticité des transferts de compétences qui ont guidé ces dernières années la construction intercommunale, les sénateurs ont appelé à "renouer avec l'esprit véritable de la coopération intercommunale". L'intercommunalité n'a "pas pour finalité de se substituer à la commune ou d'être la commune de demain", mais d'être un "espace cohérent de projets" pour la population, a insisté Mathieu Darnaud. La commune doit donc continuer à être "la porte d'entrée", a-t-il dit, en rejetant fermement l'hypothèse d'une élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, selon des modalités différentes que le "fléchage" actuellement en vigueur. Une telle évolution signerait "la mort de la commune". Au nom de "l'efficience", le sénateur a préconisé de rendre le plus "fluide" possible le lien entre les communes et leur intercommunalité. Ce lien serait aujourd'hui beaucoup trop rigide, s'agissant par exemple de l'exercice des compétences. L'intercommunalité "doit pouvoir rendre des compétences à une ou des communes, parce que celles-ci seront exercées plus efficacement en proximité". Dans les communautés "XXL", ces compétences devraient pouvoir être déléguées à des "pôles territoriaux", a prôné Mathieu Darnaud. Pour plus de "souplesse" et d'"adaptation au terrain", il faut supprimer les compétences optionnelles des communautés de communes et d'agglomération et revenir sur l'objectif de réduction du nombre des syndicats de communes, recommande encore la mission sénatoriale.
Telle qu'elle a été conçue, la dotation d'intercommunalité a créé une "course à l'échalote", a critiqué son rapporteur. "Il fallait toujours aller dans une communauté toujours plus grande." Le sénateur a souhaité que soit mise à profit la réforme de la dotation d'intercommunalité initiée par le projet de loi de finances pour 2019 pour réaliser "un rééquilibrage" au profit des "petites structures rurales". Pour la mission, la réforme doit aussi simplifier les modalités d'attribution de la dotation. Le même souci de simplicité et de clarté doit aussi conduire, selon elle, à revoir les catégories juridiques des EPCI à fiscalité propre (communautés de communes et d'agglomération, communautés urbaines et métropoles). Elle propose d'ores et déjà de supprimer la catégorie des communautés d'agglomération, et ce "sans remettre en cause le niveau de dotations des communautés concernées".
Des communes nouvelles en dehors de toute intercommunalité
Pour "mieux associer" les communes et leurs élus aux décisions intercommunales, il devrait être possible, selon la mission, de définir de véritables accords locaux sur la composition des conseils communautaires, les marges de manœuvre ayant été rétrécies dans ce domaine, depuis une décision du conseil constitutionnel de juin 2014 ("Commune de Salbris"). Dans le même objectif, les sénateurs appellent à étendre à tous les conseillers municipaux des communes membres d'un EPCI à fiscalité propre certains droits d'information reconnus aux conseillers communautaires sur les affaires de la communauté.
Concluant à un "bilan positif" des 560 communes nouvelles qui, depuis 2010, se sont formées librement à partir de 1.910 communes existantes, la mission émet le vœu que soient levés un certain nombre d'obstacles qui jalonnent actuellement le parcours des élus locaux, avant et après la fusion des communes, par exemple s'agissant de la composition du conseil municipal de la commune nouvelle. Elle reprend, dans ce domaine, des mesures d'une proposition de loi de Françoise Gatel, que le Sénat examinera les 11 et 13 décembre prochains (voir le dossier législatif sur le site du Sénat). Y compris la mesure la plus forte, que Philippe Bas, président de la commission des lois, a présenté en ces termes : "ne pas imposer à une commune-communauté suffisamment vaste d'adhérer à une communauté encore plus vaste". La proposition de loi, qui s'inspire directement de pistes d'amélioration de la commune nouvelle présentées en octobre 2017 par l'Association des maires de France (AMF), est plus précise. Une commune nouvelle créée "à l'échelle d'une intercommunalité répondant aux critères de la loi (15.000 habitants ou critères dérogatoires dans les schémas départementaux de coopération intercommunale)", devrait pouvoir, selon le texte, décider d'adhérer ou non à une autre intercommunalité.
Consacrer dans la Constitution la compétence générale de la commune
Pour redonner des marges de manœuvre financières aux communes, il faut que le Parlement et le gouvernement cessent de leur imposer des "contraintes" qu'elles n'ont pas les moyens de mettre en œuvre, a souligné Mathieu Darnaud, en citant en exemple la réforme des rythmes scolaires. De telles décisions "venues d'en haut" mettent les finances communales "dans le rouge" et mènent au découragement des élus, s'est insurgé le sénateur. Et n'ayant pas les moyens de mener à bien leurs politiques, les élus "déçoivent leurs concitoyens", a-t-il poursuivi. Pour la mission, la solution passe par l'inscription dans la Constitution du "principe d'une juste compensation financière en cas de modification des conditions d'exercice des compétences des collectivités territoriales". En matière financière, elle plaide encore pour une réelle autonomie financière des communes, ce qui impose, selon elle, de revoir la loi organique de 2003 qui régit cette question. Les sénateurs veulent profiter du projet de réforme institutionnelle initié par le gouvernement pour parvenir à leurs fins. À cette occasion, ils entendent aussi consacrer dans la Constitution la clause de compétence générale de la commune et les attributions du maire, répondant ainsi à une demande formulée en avril par l'Association des maires de France.
Une partie importante des propositions de la mission figure déjà dans la proposition de loi du groupe LR, portée par Philippe Bas, que le Sénat a adoptée en première lecture, le 13 juin dernier. D'autres sont incluses dans la proposition de loi "Gatel" sur les communes nouvelles. Le président de la commission des lois du Sénat a exhorté le gouvernement à inscrire les deux textes à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale. De la sorte, mais aussi en réglant le problème de la taxe d'habitation "sans que ce soit aux dépens des départements", le gouvernement parviendra à "rétablir la confiance" avec les élus locaux, a-t-il jugé.