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Organisation territoriale - Les propositions concrètes de l'AMF pour conforter l'essor des communes nouvelles

L'Association des maires de France a présenté jeudi 12 octobre des propositions pour encourager et faciliter la création des communes nouvelles. Elle estime que l'existence de ces communes plus fortes pour exercer les compétences de proximité doit conduire à un repositionnement des intercommunalités sur des compétences stratégiques ou d'économies d'échelle.

Au cours des deux dernières années, 1.760 communes se sont regroupées pour former 517 communes nouvelles. Conséquence : la France ne comptait plus, au 1er janvier 2017, que 35.498 communes. Ce bilan "a dépassé nos espérances", confie François Baroin, président de l'Association des maires de France (AMF).
Mais aujourd'hui, l'essoufflement semble menacer ce que des sénateurs avaient appelé "la révolution silencieuse". Au 25 septembre dernier, seuls 24 projets "fermes" étaient "en cours", selon la Direction générale des collectivités locales. Parmi eux, 14 ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral. Ils prévoient le regroupement de 40 communes représentant une population totale d'un peu plus de 40.000 habitants. La place des Saussaies recense 113 autres projets dont l'état d'avancement va de "la simple intention" à "une possible création en 2018". Or les communes concernées n'ont pas de temps à perdre : du fait des élections municipales qui doivent se tenir en 2020, aucune commune nouvelle ne pourra être créée ou faire l'objet d'une extension au 1er janvier 2020. Les projets non bouclés à ce stade vont être soudain gelés pour quelque temps.

L'intercommunalité, synonyme de "complexité"

Alors, le président de l'AMF ne le cache pas : il n'est pas exclu que les communes nouvelles partagent le même "destin" que les communes, finalement en nombre marginal, ayant fusionné après la loi Marcellin de 1971. La "survie" du projet se joue en ce moment, assure François Baroin.
Pour relancer la dynamique - et faciliter le fonctionnement des communes nouvelles existantes -, l'AMF a dévoilé son plan, le 12 octobre, lors des premières Assises des communes nouvelles organisées en partenariat avec Territoires Conseils (Caisse des Dépôts).
A un peu plus d'un mois du centième congrès des maires de France, les édiles municipaux affichent notamment la volonté de reprendre leur destin en mains face à une intercommunalité qui, selon Christian Bilhac, président de l'Association des maires de l'Hérault, s'est faite "à marche forcée", sous la houlette des préfets.
Une intercommunalité que certains maires jugent sévèrement, surtout depuis les dernières fusions. "Ils se sentent découragés quand, ayant de plus en plus de réunions, ils ont pourtant le sentiment qu'on les écoute de moins en moins", critique Jérôme Nury, député LR et ancien maire de la commune nouvelle de Tinchebray Bocage (Orne). Trop rigides, les règles de partage des compétences entre les communes et les communautés seraient aussi à revoir. Il serait plus efficace, plaident-ils, de confier les compétences de proximité à des communes dont les moyens sont confortés par leur regroupement en commune nouvelle et de recentrer le rôle des intercommunalités sur des compétences nécessitant une mise en oeuvre à une plus grande échelle, comme le développement économique.

Vers la "commune-communauté" ?

Les communes nouvelles devraient au moins avoir la possibilité de définir les compétences auxquelles elles renoncent au profit de l'intercommunalité, insiste l'AMF. Laquelle va plus loin : et si on autorisait les communes nouvelles à s'affranchir de l'obligation d'adhérer à une communauté, lorsque leur population excède le minimum de 15.000 habitants ou le seuil dérogatoire s'appliquant à l'intercommunalité ? Non pas de manière transitoire, c'est-à-dire le temps de leur rodage, mais durablement. En sachant qu'il ne s'agit absolument pas de "rejeter l'intercommunalité", laquelle garde un rôle à jouer, souligne Françoise Gatel, rapporteure de la commission intercommunalité de l'AMF.
Le comité de réflexion sur la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur avait déjà pensé à cette idée "révolutionnaire", mais ne l'avait pas retenue dans ses propositions finales remises en février 2009, a rappelé Jacqueline Gourault, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur. Avec le ministre de l'époque, Brice Hortefeux, le comité avait eu peur de susciter "une bronca chez les maires", a-t-elle expliqué. Les temps ont bien changé. A l'heure de la différenciation territoriale chère à Emmanuel Macron, la question "mérite d'être étudiée", a dit l'ancienne présidente de la commission intercommunalité de l'AMF. En faisant remarquer cependant que cela lui paraît plus difficile à réaliser depuis la loi Notre d'août 2015. 
L'AMF n'hésite pas à revendiquer un statut spécifique au profit des communes nouvelles. Ce statut accorderait en particulier au nouveau type de collectivité un nombre de conseillers municipaux plus élevé que ce que le code général des collectivités territoriales prévoit aujourd'hui pour les communes. L'AMF le réclame, car si les règles actuelles sont appliquées, les 517 communes nouvelles créées au cours des deux dernières années perdront 49% de leurs conseillers municipaux en 2021. Une chute qui s'aggravera lors des élections suivantes (56%). Dans certaines communes nouvelles, la réduction atteindra 70%.

Nombre de conseillers municipaux : "Trouver une cote mieux taillée"

54% des 140 communes nouvelles ayant répondu à une enquête menée récemment par Territoires Conseils se disent inquiètes à ce sujet. Dotées d'un conseil municipal étriqué, certaines communes nouvelles ne pourront en effet pas bénéficier d'un maire délégué dans chacune des ex-communes. Et ce, contrairement à l'engagement qui avait été pris au moment de leur création. Les adversaires des communes nouvelles en profiteront pour montrer que ces projets correspondent à "une OPA de la plus grande commune" et mènent droit à "l'effacement des communes historiques", s'inquiète Françoise Gatel.
La solution de l'association ? Donner la possibilité aux communes nouvelles, pour le premier renouvellement des conseils municipaux, d'avoir un nombre de conseillers "au minimum égal à trois fois le nombre de communes déléguées". "Il faudra trouver une cote mieux taillée que ce que la guillotine réglementaire voudrait mettre en place", a prévenu François Baroin.
Pour faciliter la création des communes nouvelles, l'AMF entend aussi réduire les freins très concrets qui pourraient décourager certains élus. Elle s'est déjà attaquée au problème des adresses homonymes qui rendent plus difficile l'acheminement du courrier. Elle a aussi oeuvré pour que les habitants des communes nouvelles ne soient plus obligés de refaire leur carte grise.
Désormais, elle compte s'occuper des conséquences du passage d'une strate à une autre, qui peuvent se traduire par de nouvelles charges : cotisation au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, perte de la prime d'activité des buralistes... Pour l'AMF, les communes nouvelles concernées doivent bénéficier d'un sursis de trois ans pour répondre à leurs nouvelles obligations. L'AMF souhaite que sa demande soit prise en compte dans le projet de loi relatif au droit à l'erreur et à la simplification administrative.

Une incitation financière reconfigurée

L'AMF pousse aussi à la reconduction de l'incitation financière qui s'est éteinte le 1er janvier dernier. L'AMF a beau répéter que l'"on ne se marie pas pour la dot" et que l'on doit avant tout partager un projet de territoire, les élus locaux sont très sensibles à ce sujet. Selon l'enquête de Territoires Conseils, dont les résultats ont été dévoilés lors de la rencontre, "l'opportunité de bénéficier d'avantages financiers" est bien la première raison qui a conduit les élus à crééer des communes nouvelles (91% la citent).
L'incitation réclamée par l'AMF est plus généreuse que celle que prévoit le projet de loi de finances pour 2018. Plutôt que d'être financée par la dotation globale de fonctionnement des autres communes, elle serait alimentée par une enveloppe de l'Etat. Enfin, ses conditions seraient moins restrictives. Les seuils démographiques plafond (10.000 habitants dans la plupart des cas et 15.000 habitants dans le cas particulier de la transformation de toutes les communes d'une communauté de communes en commune nouvelle) et plancher (1.000 habitants) disparaitraient. Les responsables de l'AMF ont récemment rencontré le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour lui présenter ces modalités, que l'association souhaiterait voir figurer dans le projet de loi de finances pour 2018.
Dans l'attente de l'examen du projet de budget, la ministre déléguée au ministre de l'Intérieur a assuré l'AMF de sa bienveillance sur les communes nouvelles. "Le gouvernement croit toujours en la force de ce modèle et compte accompagner son développement", a-t-elle affirmé.