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Réforme territoriale - Les communes nouvelles à l'épreuve du quotidien

Ce 16 mars, un an jour pour jour après la promulgation de la loi venue améliorer le régime de la commune nouvelle, l'Association des maires de France a réuni, avec Mairie-conseils, des maires des communes nouvelles. L'occasion d'évoquer, au-delà des satisfactions, les difficultés concrètes que les élus et les habitants ont rencontrées et qui, pour certaines d'entre elles, ne sont pas encore résolues. Y compris par exemple, tout simplement, le problème des adresses postales...

La loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle a grandement facilité le parcours des élus locaux voulant créer une commune nouvelle. Mais des difficultés demeurent, durant la phase de création ainsi qu'après, comme l'ont révélé des témoignages d'élus locaux venus nombreux à la rencontre des maires des communes nouvelles organisée le 16 mars à Paris par l'Association des maires de France (AMF), en partenariat avec Mairie-conseils, service de la Caisse des Dépôts.
Ces difficultés sont parfois très concrètes et sont vécues par les habitants eux-mêmes. L'un des problèmes découle par exemple de l'existence de voies homonymes dans les communes historiques constituant les communes nouvelles. Une situation très répandue, puisque La Poste a identifié 5.300 "doublons" dans les 317 communes nouvelles existant au 1er janvier 2016. La seule commune nouvelle de Charny-Orée-de-Puisaye (Yonne) compte quatorze "place de l'église", soit une dans chacune des communes d'origine. Dans ces conditions, il devient difficile de trouver l'adresse exacte des habitants concernés. Le facteur, les particuliers, les administrations, les entreprises ou encore les services de secours peuvent être confrontés à un vrai casse-tête.

La Poste conseille de rebaptiser certaines rues

Mentionner le nom de la commune déléguée dans l'adresse postale est une première solution. Mais elle est insuffisante. La Poste conseille aussi aux conseils municipaux de rebaptiser les rues dont les noms sont identiques. Plus facile à dire qu'à faire, répondent les élus qui savent l'attachement de leurs administrés pour le lieu où ils habitent. Mais, "renommer une voie n'est pas forcément une perte d'identité du territoire", assure Christel Papillon-Viollet, directrice de l'unité d'affaires adresse-service national de l'adresse du groupe La Poste. Elle donne un exemple : "Dans une commune, une rue de l'église est devenue la rue de l'église Saint-Médard, en référence au saint qui a donné son nom à l'église".
Toutefois, certains élus n'entendent pas débaptiser les rues de leur commune. Comme Benoît Arrivé, maire de Cherbourg-en-Cotentin, pour qui c'est à l'administration et à La Poste, et non aux communes, de s'adapter. Une remarque qui ne fait pas dévier Christel Papillon-Viollet de sa position. Sur les GPS, on ne peut saisir le nom de la commune déléguée, souligne-t-elle pour tenter une nouvelle fois de convaincre les élus récalcitrants de faire évoluer les noms de rues. Pour évaluer l'ampleur du problème, ces derniers disposent d'un outil en ligne, le "guichet adresse" développé par La Poste et l'Institut géographique national (IGN), en partenariat avec le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP). A partir de ce site, ils peuvent aussi solliciter l'aide de La Poste.

Des automobilistes en colère

Outre ces difficultés liées à l'adresse, des habitants des communes nouvelles ont signalé avoir dû changer la plaque d'immatriculation de leur voiture. La création de la commune nouvelle est en effet à l'origine d'un complément d'adresse que les services de l'Etat assimilent à un changement de domicile. "Il ne s'agit en réalité que d'un complément d'adresse avec simplement l'ajout du nom de la commune nouvelle sur la carte grise", rectifie le président de l'AMF dans un courrier au ministre de l'Intérieur en date du 25 février dernier. Les personnes concernées "apprécient très modérément" de devoir changer de plaque d'immatriculation, une démarche coûteuse "parfois considérée comme la première conséquence de la création de la commune nouvelle", ajoute François Baroin.
Autre problème évoqué par le maire d'une commune de Vendée : le regroupement des communes fait apparaître les différences parfois vertigineuses entre les valeurs locatives pour des logements similaires. Si la loi a prévu un dispositif d'harmonisation des taux de fiscalité, rien n'est prévu pour les bases, dont les différences sont à l'origine d'écarts importants entre les montants des impôts locaux. Sensible, la question est susceptible de compromettre l'acceptation par les habitants de la commune nouvelle.

Vides juridiques

Dans certaines situations qui n'ont pas encore été prévues par le législateur, les élus locaux sont confrontés à un vide juridique. Quel est le nombre de représentants de la commune nouvelle au sein du conseil communautaire lorsqu'une commune nouvelle est créée concomitamment à la fusion des communautés de son territoire ? Alors qu'ils ont ouvert une réflexion sur un projet de commune nouvelle, les élus de Méréville (Essonne) s'interrogent. Mais les services de l'Etat peinent à leur répondre, comme l'affirme le directeur général des services de la ville.
Les maires sont aussi inquiets en raison de la possibilité pour les communes déléguées de ne plus être représentées dans le conseil municipal de la commune nouvelle, lorsque celle-ci compte moins de 1.000 habitants. Par le système du panachage qui demeure en place dans ces communes à l'occasion des élections municipales, les électeurs peuvent en effet rayer tous les noms des candidats représentant l'une des communes déléguées.
Relations avec l'intercommunalité, finances, mais aussi urbanisme, état-civil, recensement de la population… "les sujets à revisiter" après la création de la commune nouvelle sont multiples, fait remarquer Rollon Mouchel-Blaisot, directeur général de l'AMF. Avec, donc, sur chaque dossier l'existence de difficultés réelles.

Incitations financières : l'AMF demande plus de temps

Pour recenser ces difficultés, l'AMF a mis en place un groupe de travail dédié. Il devrait œuvrer à une "évaluation précise" que Françoise Gatel, maire de Châteaugiron et rapporteur de la commission "intercommunalité" de l'AMF, appelle de ses voeux. Une fois cette tâche accomplie, l'association signalera les difficultés aux parlementaires afin qu'ils y apportent des solutions.
La Haute Assemblée a déjà en partie répondu à cet appel en approuvant en première lecture une proposition de loi qui doit permettre le maintien des communes associées lorsque les communes dont elles font partie participent à la création d'une commune nouvelle (voir notre article du 14 mars 2016).
Des adaptations législatives pourraient faciliter la réalisation des projets de création de communes nouvelles, aujourd'hui au nombre de quatre cents selon l'AMF. L'association plaide aussi pour que les communes nouvelles de moins de 10.000 habitants continuent, au-delà du 30 juin 2016 (les conseils municipaux doivent avoir pris des délibérations concordantes à cette date) à bénéficier des incitations financières prévues par la loi.