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Intercommunalité - Communes nouvelles : se regrouper pour continuer à exister ?

Avec la réforme territoriale et la chute des dotations dès l'an prochain, certaines communes auraient tout intérêt à se regrouper. Ce n'est pas le gouvernement qui le dit, mais l'Association des maires de France. Certes encore peu mise en oeuvre, la formule juridique créée en 2010 présente bien des avantages, ont souligné les maires lors d'une rencontre organisée le 9 juillet avec Mairie-conseils.

Les communes souhaitant s'associer pour ne former plus qu'une seule commune sur le plan juridique pourraient bénéficier prochainement de règles plus favorables et plus souples, ainsi que d'incitations financières. Deux récentes propositions de lois dessinent cette perspective : la première en date est signée Jacques Pélissard, député UMP et président de l'Association des maires de France (AMF) ; la seconde émane du groupe PS de l'Assemblée, notamment de Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme. Ces deux textes "convergents" pourraient "n'en faire plus qu'un", en portant la signature de leurs deux co-auteurs.
A cette condition, le secrétaire d'Etat chargé de la Réforme territoriale, André Vallini, qui s'est dit "enthousiaste" à l'idée du développement des communes nouvelles, est prêt à œuvrer pour que la proposition de loi puisse être examinée "rapidement" par le Parlement. André Vallini s'est exprimé en ce sens le 9 juillet lors d'une rencontre organisée par  l’AMF en partenariat avec Mairie-conseils sous l'intitulé "Commune nouvelle : l'urgence d'agir !".
Une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée "dès septembre" prochain, soit avant l'examen du projet de loi sur l'organisation territoriale de la République, serait le meilleur des calendriers, selon Jacques Pélissard, soucieux de passer à la vitesse supérieure. Christine Pires Beaune en convient : "Il y a péril en la demeure". La baisse brutale des dotations de l'Etat dans les trois ans à venir et l'obligation pour les communes de se regrouper dès 2017 dans des intercommunalités réunissant au moins 20.000 habitants "menacent" les communes, tout particulièrement les plus petites. "Comme les intercommunalités, les communes nouvelles seront le moyen de sauvegarder les communes", avait affirmé un peu plus tôt ce 9 juillet Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir-et-Cher et présidente de la commission intercommunalité de l'AMF. Et celle-ci d'ajouter que cette solution permettra de "défendre le monde rural". "Si nous ne bougeons pas nous-mêmes, [de toute façon] l'Etat central bougera à notre place pour nous imposer cette réforme", a estimé quant à lui Alain Lambert, président du conseil général de l'Orne.

Des regroupements volontaires

Les dispositions sur les communes nouvelles de la loi du 16 décembre 2010 entendaient permettre de tourner la page de la loi "Marcellin" de juillet 1971. Alors que cette dernière avait imposé des fusions autoritaires, dont une partie s'est soldée par un échec, la loi de réforme des collectivités territoriales conditionne les regroupements à la volonté des conseils municipaux - et impose un référendum quand les conseils municipaux ne sont pas unanimement d'accord. De plus, elle entend préserver soigneusement l'identité des anciennes communes, à la tête desquelles demeure un maire délégué, assisté éventuellement d'un conseil délégué.
Ces nouvelles bases devaient permettre un nouveau départ pour les regroupements de communes. Mais seulement douze communes nouvelles ont finalement vu le jour. Certes, le contexte de fin de mandat n'a pas été favorable à la mise en place de cette formule juridique encore peu connue. Mais demeurent par ailleurs des facteurs de blocage, que les propositions de loi entendent toutes deux faire sauter.
Première évolution envisagée : au lieu d'être, pour la plupart, mis sur la touche pour le restant du mandat à courir, les conseillers municipaux des communes concernées pourraient, sous certaines conditions, continuer à exercer leurs fonctions jusqu'à leur terme. En outre, il est prévu qu'un maire délégué soit automatiquement un adjoint au maire de la commune nouvelle.
Mais sur les conditions actuellement très exigeantes de création d'une commune nouvelle, les deux textes divergent. Celui du président de l'AMF ne revient surtout pas sur le sujet : la commune nouvelle doit demeurer le fruit du consensus. C'est d'ailleurs à cette condition que le bureau de l'AMF s'est prononcé à l'unanimité en faveur de l'initiative portée par Jacques Pélissard. De son côté, la proposition de loi du groupe socialiste de l'Assemblée nationale entend assouplir les règles de création. Les deux textes divergent par ailleurs sur l'étendue des incitations financières à accorder aux communes qui se lanceront dans la démarche de regroupement. Nul doute que ces différences donneront lieu à des discussions serrées si c'est la proposition de loi "Pélissard" qui devait être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée, ce qui semble se profiler.

A la clé, des marges de manœuvre supplémentaires

Ce 9 juillet, l'ambiance n'était toutefois pas à l'affrontement, mais plutôt à l'union sacrée. L'objectif était clair : parvenir à convaincre les maires de l'utilité et de la possibilité de la commune nouvelle. A la tribune, Michel Mercier, maire de Thizy-les-Bourgs (6.500 habitants, dans le Rhône) et ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire dans le gouvernement de François Fillon. A ses côtés, Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (6.500 habitants, dans le Maine-et-Loire). Témoignant de la création en janvier 2013 des communes nouvelles dont ils sont maires, les deux "VRP" ont mis en avant les résultats très positifs de la démarche.
Des économies substantielles ont été obtenues par la réduction du coût des indemnités des élus et des dépenses de fonctionnement (masse salariale, marchés publics). En parallèle, les ressources financières ont été accrues (parce que les dotations sont plus importantes dès que les communes grandissent). Les gains financiers ont permis de maintenir, voire de développer les services publics sans augmenter le taux des impôts. A Thizy-les-Bourgs, ce dernier a même diminué de 30%, selon Michel Mercier. De leur côté, les investissements se sont accrus, notamment au profit d'anciennes communes démunies.
A Michel Champredon, ancien maire d'Evreux, qui faisait valoir que tous ces avantages pouvaient être obtenus en créant une centrale d'achat entre les communes, les précurseurs ont répondu que le fonctionnement communal a gagné en cohérence (en matière d'urbanisme et d'accès aux services publics, par exemple). Les communes nouvelles bénéficient également d'une plus grande reconnaissance, à la fois au sein de leurs intercommunalités respectives et vis-à-vis des autres institutions, ou encore pour l'accès aux fonds européens, ont-ils souligné.

Indispensable pédagogie

Les participants ont insisté pour que le statut de la commune nouvelle soit souple, notamment pour répondre aux divers objectifs qui seront recherchés par les maires : unir des communes plus ou moins grandes mais contiguës et, donc, que tout rapproche. L'une d'elles peut être un bourg ou une ville centre. Autre cas de figure : marier l'ensemble des communes appartenant à une même communauté, à laquelle elles ont déjà transféré de très nombreuses compétences. Cette idée pourrait germer dans la tête d'un certain nombre d'élus qui seront désireux d'assurer la survie de leur entité intercommunale, à la veille d'une réforme qui conduira à sa dilution dans une intercommunalité beaucoup plus vaste.
Les différents arguments avancés parviendront-ils à faire mouche ? Jacqueline Gourault n'en doute pas. "Je suis frappée par le nombre d'élus disant que c'est une évolution [la commune nouvelle] vers laquelle il faut tendre", confie-t-elle. Mais, "vendre" la commune nouvelle aux élus sera une chose, l'expliquer aux citoyens en sera une autre. "Il faudra faire beaucoup de pédagogie", a prévenu Charles Guené, sénateur et président de la communauté de communes de Prauthoy-en-Montsaugeonnais (Haute-Marne). Jacqueline Gourault s'est voulue en tout cas optimiste : après quelques années, la commune nouvelle pourrait faire partie du paysage, comme aujourd'hui l'intercommunalité. Le maire d'une commune de Seine-Maritime en doute : "Les communes volontaires seront peu nombreuses", parie-t-il, en réclamant de ce fait que la loi impose des regroupements.