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Finances / Social - RSA : nouvelle réunion gouvernement-départements, nouvelle ligne de front

Les discussions entre le gouvernement et les représentants des départements sur le financement du RSA se poursuivent. Les élus ont ainsi rendez-vous ce jeudi 7 avril à 18 heures avec Jean-Michel Baylet, le ministre en charge des collectivités… et désormais chargé de ce dossier. L'Assemblée des départements de France (ADF) sera représentée par Benoît Huré (LR, Ardennes), Albéric de Montgolfier (LR, Eure-et-Loir) et André Viola (PS, Aude). L'ambiance risque d'être tendue. Car les choses patinent. Et semblent se compliquer.
La précédente réunion a eu lieu il y a un mois, le 8 mars, avec quatre membres du gouvernement (Jean-Michel Baylet, Marisol Touraine, Christian Eckert et Estelle Grelier), qui avaient alors redit aux représentants des départements quel était le scénario proposé à ce stade : une recentralisation du financement du RSA "sur la base des dépenses 2016". Une nouvelle aide exceptionnelle de 200 millions d'euros pour les départements les plus en difficulté, sur le modèle des 50 millions d'euros débloqués sur 2016, aurait aussi été annoncée, à inscrire en loi de finances rectificative.
Alain Lambert, qui menait les discussions depuis le départ au nom de l'ADF, avait alors indiqué "ne pas avoir mandat pour poursuivre les discussions" sur une telle base. Les ministres avaient rappelé que "la porte restait ouverte pour une négociation qui ne pourra intervenir que dans un cadre équilibré".
Depuis, Alain Lambert, président du département de l'Orne, a jeté l'éponge. Il n'ira pas au rendez-vous avec Jean-Michel Baylet. "Cela fait plus de huit mois que je conduis cette négociation, sur la base de travaux techniques que le gouvernement n'a jamais remis en cause", rappelle Alain Lambert, qui poursuit : "Or aujourd'hui, la proposition gouvernementale est inacceptable". L'ancien ministre du budget parle d'une "forme de racket". "Je suis habitué des démarches transpartisanes, mais cette fois je ne continuerai pas, ce n'est pas possible", dit-il.

2014 ou 2016 ? Un enjeu à 1,5 milliard d'euros

Le point de blocage, les départements le répètent depuis janvier, est l'année de référence sur la base de laquelle seraient considérées les dépenses de chacune des deux parties… et donc aussi le montant que les départements devront restituer, puisque la recentralisation s'accompagnerait d'un reversement à l'Etat, tous les ans, de la somme correspondant à ce qui constituait le reste à charge des départements. Lors d'une réunion à Matignon fin février, jugée "plutôt positive" (voir article ci-contre), le gouvernement avait précisé que cette restitution interviendrait sous la forme d'un prélèvement sur la DGF.
Alors que les élus avaient cru apercevoir une petite ouverture de la part de Manuel Valls en février, depuis, le gouvernement persiste et signe : l'année de référence sera 2016. Jean-Michel Baylet n'a de cesse de dire que cela correspond à l'usage du "N-1" lors d'un transfert. Alain Lambert a déjà rétorqué sur son blog : "Le gouvernement théorise qu’il s’agit toujours de l'année N-1. Rien n’est plus faux ! (…) Le droit commun est au contraire que les compensations financières sont propres à chaque opération et fixées par la loi, au cas par cas."
Les départements, eux, restent sur leur proposition : 2014 pour année de référence. L'enjeu n'est pas mince : entre ces deux années, le reste à charge a augmenté de 1,5 milliard d'euros. En 2014, le reste à charge s'élevait en effet à 3,3 milliards d'euros. Il était de 4 milliards d'euros l'an dernier (sur un coût total du RSA de 10 milliards) et devrait s'élever à 4,7 milliards cette année. Alain Lambert estime que dans ce schéma-là, la réduction de DGF pourrait se transformer pour certains départements en "DGF négative"… Pour l'ADF, proposer 2014 pour solde de tout compte, et donc une facture annuelle de 3,3 milliards d'euros, était déjà plutôt généreux.

L'opposition à une renationalisation refait surface

Dans ce contexte, certains ont choisi de hausser le ton. A l'initiative de la nouvelle association des départements de la grande couronne francilienne, une dizaine de présidents de droite et du centre (Alpes-Maritimes, Ardennes, Bouches-du-Rhône, Calvados, Doubs, Essonne, Eure, Hauts-de-Seine, Jura, Mayenne, Nord, Oise, Orne, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Val-d’Oise, Var, Yvelines) ont réuni la presse ce 6 avril avant de retrouver l'ensemble de leurs homologues de l'ADF en assemblée générale.
Il s'agissait une nouvelle fois d'alerter sur la situation financière inquiétante de certains départements. Mais ce qui est aussi apparu, c'est un changement de ligne de la part de ces élus. L'idée d'une renationalisation du financement avait fait son chemin et finit par faire consensus au sein de l'ADF pour être mise sur la table des négociations, au moins en tant que moindre mal. Or aujourd'hui, une partie des présidents de droite "ne veulent plus en entendre parler".
Leur communiqué commun le dit : "La renationalisation du RSA proposée par le gouvernement avec comme année de référence 2016 peut apparaître intéressante à première vue car elle prendrait à sa charge les hausses à venir du RSA. Dans les faits, cela consiste d’abord à prélever 4 milliards sur le budget des départements. Ainsi, loin de refinancer les départements, la renationalisation du RSA n’aboutit qu’à réduire encore plus les marges de manœuvre des collectivités territoriales. La renationalisation du RSA pose également la question du suivi de la mission d’insertion aujourd’hui assurée par les départements."
Si certains cultivent une certaine ambiguïté dans leurs propos, le président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, livre son point de vue sans détours : "Je suis personnellement totalement opposé à une renationalisation. Je l'ai dit à l'ADF, c'était irresponsable de demander cela. Parce que l'une des légitimités du département, c'est l'action sociale. Si demain nous renonçons à la gestion du RSA, qui sera alors confiée aux CAF, nous perdons cette légitimité". Et Patrick Devedjian de proposer… une fusion des CAF et des départements.

 

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