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Finances / Social - RSA : une aide d'urgence de 50 millions pour dix départements, jugée insuffisante

Le gouvernement a fait savoir que l'aide d'urgence aux départements ayant le plus de difficultés à financer le RSA sera de 50 millions d'euros, répartie entre dix départements. A l'Assemblée des départements de France (ADF), on juge que cette mesure pour 2015 "n'est pas à la hauteur". Ce montant a été dévoilé lors d'une réunion à Matignon. Alain Lambert y participait. Au-delà de cette aide, le président du conseil départemental de l'Orne insiste sur l'urgence d'une recentralisation du RSA dès début 2016 et considère que le terrain est suffisamment balisé. Explications.

L'aide d'urgence aux départements les plus en difficulté s'élèvera au total à 50 millions d'euros. Une enveloppe à répartir entre dix départements, dont trois départements ultramarins. Ce montant a été annoncé à la délégation de l'Assemblée des départements de France (ADF) conviée mercredi 25 novembre à Matignon pour une réunion consacrée au financement du revenu de solidarité active (RSA).
Cette aide d'urgence pour l'année 2015 avait été promise par le gouvernement lors d'une précédente réunion en octobre dernier. "Je suis ouvert à ce que nous analysions la nécessité de mesures d'urgence pour soutenir ceux qui seraient dans la situation la plus difficile", avait déclaré ce jour-là Manuel Valls aux élus. Cette aide avait été confirmée quelques jours plus tard à l'occasion du congrès de l'ADF.
Lors de ce congrès de Troyes déjà, les élus départementaux avaient espéré que Marylise Lebranchu viendrait leur préciser le montant de cette aide ainsi que le nom de la dizaine de départements devant en être les bénéficiaires. La ministre, elle, avait préféré "éviter de donner un chiffre". Elle avait simplement évoqué les critères qui devaient présider à la répartition de la future enveloppe - en l'occurrence le niveau du reste à charge et "les efforts de gestion" de la collectivité - et avait fait savoir que la disposition serait inscrite dans le projet de loi de finances rectificatives (PLFR).
Or lorsque le PLFR a été présenté le 13 novembre, rien ne figurait dans le texte. "Le principe est acté, mais le montant sera arrêté ultérieurement", assurait-on alors à Bercy. Depuis, aucun amendement gouvernemental en ce sens n'a été déposé. Mais cela devrait être chose faite dans les heures ou les jours qui viennent, sans doute juste avant que le PLFR, déjà examiné par la commission des finances de l'Assemblée (voir notre article ci-contre), n'arrive en discussion en séance.

Une épargne nette négative de 250 millions d'euros

Sauf que 50 millions d'euros... c'est beaucoup moins que ce qu'espéraient les départements. "Nous avons besoin à court terme d'une enveloppe de 700 millions, juste pour ce qui s'est passé sur l'année. C'est l'augmentation entre 2014 et 2015", tranchait Dominique Bussereau, le président de l'ADF, avant le congrès de l'association.
En 2014, les dépenses de RSA avaient atteint 9,7 milliards d'euros, compensées par l'Etat à hauteur de 6,4 milliards, soit un reste à charge de 3,3 milliards pour les départements. "En 2015, le reste à charge devrait atteindre 4 milliards d'euros", selon l'ADF.
50 millions d'euros, "ce n'est même pas ce dont a besoin le seul département du Nord pour finir l'année", soit 65 millions d'euros, commente-t-on aujourd'hui à l'ADF. Verdict : "Clairement, ce n'est pas à la hauteur des enjeux."
"Le gouvernement met sur la table 50 millions d'euros. De notre côté, nous avons calculé que l'épargne nette négative de l'ensemble des départements sera de 250 millions d'euros en 2015. Nous souhaitions raisonner de façon pragmatique, adopter une approche objective, et l'épargne nette nous a, à ce titre, semblé être la bonne mesure", commente pour sa part Alain Lambert, le président du conseil départemental de l'Orne, qui participait à la réunion du 25 novembre. Les autres présidents présents à Matignon : Jean-René Lecerf (Nord, LR), Benoît Huré (Ardennes, LR), Frédéric Bierry (Bas-Rhin, LR), Mathieu Klein (Meurthe-et-Moselle, PS).
Interrogé par Localtis, Alain Lambert confie aussi que le gouvernement s'est basé sur une nouvelle étude de l'Inspection générale de l'administration (IGA). Mais comprend qu'en réalité, le montant de l'enveloppe avait été fixé a priori, à charge ensuite pour l'IGA de déterminer les critères permettant de faire "entrer" dix départements dans la dite enveloppe... En sachant que le gouvernement serait de surcroît tout à fait "conscient" qu'en réalité, plus de dix départements auraient besoin d'être aidés.

Des critères financiers et sociaux

Les critères retenus pour l'éligibilité à l'aide sont finalement l'épargne brute du département et les dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité (AIS), deux critères cumulatifs. Quant aux critères présidant à l'attribution de tel ou tel montant d'aide, il s'agit cette fois de l'épargne brute et du nombre de bénéficiaires d'AIS. Alain Lambert, qui préfère ne pas dévoiler la liste des dix départements retenus – notamment parce que de derniers ajustements ne sont pas à exclure – s'interroge quelque peu sur le pourquoi la variation entre ces deux doubles critères.
En tout cas, il n'est plus question de tenir compte de la "bonne gestion". Ce dont la majorité des élus devraient se féliciter. Lors du congrès de l'ADF, Marylise Lebranchu avait expliqué qu'il s'agissait de ne pas pénaliser les départements ayant déjà fait beaucoup d'efforts en termes d'économies. "Ce critère est légitime, mais il faut voir ce que l'on met derrière", avait alors réagi, par exemple, Philippe Adnot, président du conseil départemental de l'Aude. "Cela aurait été très délicat à mettre en œuvre. D'un département à l'autre, les situations ne sont pas comparables. Les départements, par exemple, qui ont la chance de connaître une activité économique dynamique, auraient-ils automatiquement été considérés comme de bons gestionnaires ?", commente Alain Lambert.

Et pour 2016 ?

"La discussion a été assez rude" lors de la réunion du 25 novembre, reconnaît le président de l'Orne. Pas tant, finalement, sur la proposition du gouvernement pour 2015, dont les élus n'ont pu que "prendre acte", comprenant que les choses n'étaient guère négociables.
Le côté "rude" des échanges a surtout été perceptible s'agissant de 2016 et au-delà. On le sait, le gouvernement explique depuis début octobre que les choses se feront par étape : cette aide d'urgence pour quelques-uns sur 2015, une éventuelle reconduction de mesures exceptionnelles début 2016... en attendant la vraie réforme que réclament les départements, à savoir une recentralisation du financement du RSA. Réforme qui ne serait pas décidée avant mars 2016. Manuel Valls a eu l'occasion de dire que "tous les éléments nécessaires pour poser de façon objective et partagée les termes du débat sur la recentralisation éventuelle du RSA n'étaient pas réunis à ce jour". De même, pour Marylise Lebranchu, il s'agit d'aller "au bout de la réflexion", d'avoir "le courage de tout mettre sur la table" face à ce qui constitue "un débat de société" sur la solidarité.
"Le gouvernement dit qu'il a besoin d'un trimestre de plus", confirme Alain Lambert. Or pour les élus, les "solutions pérennes" doivent être mises en œuvre le plus vite possible. Rapport après rapport, groupe de travail après groupe de travail (Alain Lambert fait précisément partie de l'actuel groupe de travail Etat-ADF), il est vrai que le diagnostic et les grandes lignes de la réforme sont déjà clairs. "Ce ne sont pas les travaux qui manquent. Nous disposons de toutes les informations. Je considère qu'on a fini", assure-t-il.

Recentraliser le RSA et les deux recettes qui vont avec... mais pas plus !

Celui qui fut ministre délégué au Budget de 2002 à 2004 précise le schéma qui, du point de vue des élus départementaux, pourrait être retenu pour réaliser le retour des dépenses de RSA dans le giron de l'Etat. "Pour le choix de l'année de référence, qui est très important, nous disons 2014". Le reste à charge relevant des années précédentes ne serait pas remboursé aux départements - autrement dit, la réforme vaudrait "pour solde de tout compte". Les départements rendraient à l'Etat les ressources qui leur avaient été octroyées suite au transfert du RMI, à savoir l'ex-TIPP et le FMDI.
Mais, rapporte Alain Lambert, les représentants de l'Etat auraient laissé entendre que la recentralisation de ces deux ressources "ne suffit pas". S'agirait-il de demander aux départements de transférer, en plus, une autre ressource ? C'est évidemment hors de question. Puisque c'est bien le différentiel entre la recette initialement prévue et la dépense actuelle qui constitue le noeud du problème et la raison pour laquelle les départements demandent aujourd'hui une recentralisation.
L'élu normand fait valoir que "le fait de ramener la dépense de RSA dans les comptes de l'Etat n'aura pas d'effet sur le déficit public" et sera donc "neutre du point de vue de Bruxelles", où l'on considère "les comptes de la France" de façon globale. Neutre... et "plus clair", l'Etat n'ayant alors plus la possibilité de faire endosser aux collectivités la hausse d'une dépense dont il est le prescripteur.

Boucler la réforme avant le 30 mars

Certes, l'Etat devra trouver comment financer lui-même le différentiel. Pour Alain Lambert, l'Etat devra écarter un financement par une ressource fiscale : "La dépense de RSA n'étant pas maîtrisée, ce ne serait pas raisonnable."
Il considère d'ailleurs que la maîtrise de cette dépense devra être une priorité. En s'intéressant notamment de près aux "20% d'indus, distribués de façon non conforme". "L'Etat et les CAF devront prendre leurs responsabilités", prévient-il, évoquant des "situations honteuses" aujourd'hui, avec certaines CAF "pas transparentes du tout" dans le versement de la prestation.
Dans l'immédiat, si les départements "peuvent encore faire l'avance" pour les trois premiers mois de 2016, il faudrait que la recentralisation soit contractualisée entre l'Etat et les départements "au plus tard le 30 mars", date à laquelle tous les départements doivent avoir adopté leur budget, prévient Alain Lambert. Sinon, ajoute-t-il, ces budgets seront soit non sincères, parce que non provisionnés, doit en déficit, ce qui est illégal. Une réforme dès le premier trimestre, cela impliquerait alors théoriquement pour le gouvernement de l'inclure soit dans l'actuel projet de loi de finances, soit dans un futur projet de loi de finances rectificative.
L'élu espère en outre "que les départements resteront unis dans leur analyse et fermes dans leurs exigences". On le saura bientôt. Une assemblée générale extraordinaire de l'ADF est prévue le 16 décembre.