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Finances locales - Jean-Michel Baylet : "redonner des marges de manoeuvre aux départements"

Avec sa proposition de prise en charge "partielle" du financement du RSA, le gouvernement entend apporter "une solution pérenne" aux difficultés financières des départements, a assuré le 2 mars le ministre en charge des collectivités territoriales lors d'un débat au Sénat sur les finances départementales, évoquant en outre d'autres pistes de réforme.

Des sénateurs de toutes tendances politiques ont accueilli avec satisfaction la proposition du Premier ministre consistant à recentraliser le financement du Revenu de solidarité active (RSA) sans remettre en cause les politiques d'insertion menées par les départements. Ils se sont exprimés le 2 mars dans l'hémicycle, lors d'un débat sur la situation financière des départements organisé à l'initiative du groupe Les Républicains.
"On semble avoir enfin pris la mesure que le conseil départemental représente la seule collectivité capable de mettre en œuvre sur le terrain auprès des usagers l'un des aspects fondamentaux de notre pacte républicain, la solidarité en faveur des plus fragiles d'entre nous", a ainsi déclaré Benoît Huré (LR), sénateur et président du conseil départemental des Ardennes.

Une quarantaine de départements ne pourront plus verser le RSA, fin 2016

"C'est une première avancée appréciable", a jugé de son côté Christian Favier, sénateur Front de gauche et président du conseil départemental du Val-de-Marne. Qui a vu dans la réponse gouvernementale le résultat de la "mobilisation des départements et des populations". Quant à Thierry Carcenac, sénateur PS et président du conseil départemental du Tarn, il a "pris acte avec satisfaction" de la proposition du Premier ministre. Seul le sénateur LR René-Paul Savary a eu une réaction négative, dénonçant "un détournement de fonds". "La reprise en charge par l'Etat [se fera] avec l'argent des départements, avec la caisse locale", a lancé le président du conseil départemental de la Marne.
Les finances des départements ont atteint la cote d'alerte. En 2016, une quarantaine de départements devraient se trouver dans l'impasse, contre une dizaine l'an dernier. L'explosion des dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité exige des départements le financement d'un reste à charge sans cesse croissant (8,1 milliards d'euros en 2015). Leur situation est d'autant plus difficile que l'Etat applique des règles de compensation "ubuesques", selon Benoît Huré. "Plus un département compte de bénéficiaires du RSA, moins il est compensé". En outre, la réduction de leur autonomie fiscale depuis la réforme des finances locales de 2009-2010, la baisse des dotations que l'Etat verse aux départements (4 milliards d'euros en moins sur la période 2014-2017), ou encore le poids croissant de la prise en charge des mineurs étrangers isolés n'arrangent pas les affaires des départements. Ces derniers doivent aussi faire face à des "transferts de charges masqués", selon Bruno Sido, sénateur LR. Le président du conseil départemental de la Haute-Marne a cité, parmi les transferts récents, la maintenance informatique des collèges et les dépenses supplémentaires induites par les nouveaux rythmes scolaires.

"Un effort important de l'Etat"

Avec la "recentralisation partielle du RSA", le gouvernement entend apporter "une solution pérenne" aux difficultés financières des départements, a souligné Jean-Michel Baylet, ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales. La veille du débat, dans la même enceinte, le Premier ministre avait déclaré que la reprise en mains du financement du RSA "représente un effort important de l'Etat, qui prendrait ainsi à sa charge l'intégralité de la croissance des dépenses de RSA en 2017". La facture pourrait s'élever à 700 millions d'euros, a précisé Jean-Michel Baylet. Pour qui l'Etat "prend ses responsabilités".
Le ministre a souhaité parvenir rapidement à un accord. En admettant qu'il existe "un point d'achoppement" avec l'Assemblée des départements de France (ADF) : l'année de référence pour le calcul du montant qui sera pris en charge par l'Etat. Le gouvernement entend prendre l'année 2016 comme base (soit l'année précédant celle du transfert). Comment en serait-il autrement ? L'année n-1 avait servi de référence lors de la décentralisation du RMI en 2003, a rappelé Jean-Michel Baylet. Mais l'ADF milite pour une prise en compte de l'année 2014, car c'est à cette date que le décrochage des départements a débuté. La délégation de présidents qui, sous la houlette d'Alain Lambert, président du conseil départemental de l'Orne, négociera avec le gouvernement, sera intransigeante sur le respect de cette condition. Elle figure noir sur blanc dans le mandat que l'ADF lui a confié (à l'unanimité moins une voix), lors d'une assemblée générale extraordinaire, le 1er mars.

Une mission d'inspection sur la CVAE

Interpellé sur la nécessité de ne pas se contenter d'une première réponse, le ministre a ouvert d'autres pistes de réforme pour les finances des départements. Il a préconisé une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements visant à réduire les écarts de dotations injustifiés – à l'instar de la refonte de la DGF des communes et de leurs intercommunalités qui figure au programme de la loi de finances pour 2017. Il a aussi souhaité que soit réexaminée la péréquation financière entre les départements.
Concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le ministre a été plus concret. "Une mission d'inspection est lancée depuis quelques jours et sera chargée de regarder la situation de près". Il a promis que les départements ne devront pas renoncer à plus de CVAE qu'il n'en faut pour couvrir les dépenses transférées aux régions par la loi "NOTR" du 7 août 2015 (notamment les transports scolaires). Une annonce qui avait de quoi satisfaire René-Paul Savary, qui s'était plaint que le département de la Marne soit appelé à perdre 33 millions d'euros de recettes de CVAE, alors que les transports scolaires coûtent 17 millions d'euros à ce département.
L'objectif du gouvernement est que les départements parviennent à "retrouver des marges de manoeuvre accrues pour mener non seulement les politiques d'insertion, mais aussi pour jouer un rôle central en matière de solidarité et de soutien à la ruralité", a déclaré Jean-Michel Baylet. Qui n'a pas manqué de rappeler son attachement historique à l'institution départementale.

 

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