Insertion - RSA : début de polémique sur l'obligation alimentaire
Les remontées se faisaient jusqu'alors en sourdine, mais le quotidien Libération, dans son édition du 16 juin, a porté l'affaire sur la place publique. Dans un article pleine page intitulé "Revenu de solidarité active : taxez plutôt vos parents", le quotidien rapporte des témoignages de demandeurs confrontés à une rubrique du formulaire de demande du RSA invitant à mettre en oeuvre l'obligation alimentaire.
Bien que l'article semble découvrir l'obligation alimentaire, celle-ci n'a évidemment rien d'une nouveauté. Elle est en effet prévue de longue date par les articles 203, 205 à 207 et 367 du Code civil - les dispositions originelles remontent à la loi du 27 mars 1803... - et par l'article L.132-6 du Code de l'action sociale et des familles. L'obligation alimentaire constitue un fondement de l'aide sociale et concerne la plupart des prestations, à l'exception de celles relatives aux personnes handicapées et de l'allocation personnalisée d'autonomie. Elle s'appliquait déjà au RMI et a donc été tout naturellement maintenue pour le RSA. La solidarité nationale ne doit en effet intervenir que de façon subsidiaire, après la mise en jeu des solidarités conjugales (entre conjoints) ou familiales (des parents vers les enfants et vice-versa). Cette solidarité "naturelle" est parfaitement résumée par la formulation lapidaire de l'article 205 du Code civil sur la solidarité entre les enfants et leurs parents : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin."
Sur ce point, la polémique n'a donc pas de raison d'être. Le quotidien est en revanche plus convaincant sur la forme. D'une part, les termes utilisés par le formulaire sont assez comminatoires. Ainsi, dans la rubrique concernant le cas du demandeur conjoint séparé (sans enfant) ou parent séparé et qui ne perçoit pas de pension alimentaire, le formulaire explique que "vous devez engager une action envers le(s) parent(s) pour obtenir la fixation ou le versement d'une pension alimentaire pour chaque enfant concerné" (ce qui correspond, au demeurant, à la mise en oeuvre normale du dispositif de la pension alimentaire). La formulation est moins comminatoire pour le cas du demandeur célibataire et vivant seul, qui ne perçoit pas de pension alimentaire. Le formulaire lui indique alors : "Vous êtes susceptible d'engager une action envers vos parents pour obtenir une pension alimentaire" (d'où le titre de l'article). Dans les deux cas, il est précisé qu'il est possible d'être dispensé de cette démarche de mise en jeu de l'obligation alimentaire (par exemple, si le demandeur célibataire est logé gratuitement par ses parents), tout en indiquant - dans le cas de figure des conjoints et parents séparés - que cette demande de dispense doit être précisément justifiée. D'autre part, ces questions ne figuraient pas dans le formulaire de demande du RMI, même s'il y était clairement indiqué que les conjoints ou parents séparés n'ayant pas demandé de pension ou d'allocation de soutien familial "doivent en faire la demande".
Le haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté a pris les devants en publiant un communiqué sur la question. Celui-ci reconnaît que cette question (celle visant la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire des parents envers leurs enfants majeurs) ne figurait pas dans le formulaire du RMI, mais "était cependant posée par certains départements au travers de formulaires complémentaires", d'où sa généralisation dans le questionnaire RSA "dans un souci d'harmonisation". Pour autant, "en aucun cas, il ne s'agit de restreindre l'accès au droit par rapport aux pratiques actuelles, qui dépendent à la fois de la jurisprudence et de l'appréciation des équipes des conseils généraux" et "il ne s'agit pas non plus d'inciter davantage les demandeurs à engager une action en justice contre leurs parents". Néanmoins - et "pour éviter tout malentendu" -, les services du haut-commissaire vont rappeler aux acteurs locaux qu'il n'y a aucune différence en la matière entre le RSA et le RMI et "le formulaire sera modifié sur ce point pour éviter les troubles inutiles".
Jean-Noël Escudié / PCA