Fiscalité - Révision des valeurs locatives : "Chaque collectivité devra conserver le même niveau de ressources"
Directeur des études de Dexia Crédit local jusqu'en 2009, Dominique Hoorens est aujourd'hui directeur des études de l'Union sociale pour l'habitat. Membre du comité d'experts attaché à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, il a été auditionné à ce titre en novembre dernier sur la réforme de la fiscalité locale, évoquant notamment les bouleversements qu'entraînerait une révision générale des valeurs locatives des locaux d'habitation. Une révision qui devrait être enclenchée à partir de 2013, le gouvernement ayant décidé de s'attaquer d'abord, dès la rentrée, à la valeur locative des locaux commerciaux (voir ci-contre notre article du 28 juillet).
Localtis : Quel impact sur les impôts locaux payés par les contribuables doit-on attendre d'une révision des valeurs locatives des logements des ménages ?
Dominique Hoorens : La situation du marché immobilier a en effet bien changé depuis les années 1970. Replacer les valeurs locatives dans leur vrai contexte économique aura des conséquences très importantes. La révision générale voulue en 1990 se traduisait déjà par une revalorisation moyenne des biens de l'ordre de 70% et une dépréciation de 10% des valeurs locatives pour les logements sociaux. Comme on le sait, cette réforme n'a pas été mise en oeuvre. Vingt ans après, l'écart entre les valeurs foncières et la réalité économique du marché s'est encore creusé. En fonction de la méthode d'évaluation qui sera retenue, la réévaluation moyenne des bases sera peut-être de 200%. Mais au-delà de l'accroissement moyen, il y aura des augmentations, ou des baisses, parfois considérables de certaines valeurs. C'est une nouvelle donne complète de la lecture des richesses des collectivités locales qui s'annonce.
Ne pas modifier le produit fiscal de chaque collectivité : s'agit-il de l'une des conditions du succès de la révision qui aurait lieu dans les prochaines années ?
Le principe d'application souvent retenu est bien que chaque collectivité retrouve exactement le produit fiscal qu'elle avait avant la révision des bases. Il suffit de modifier à la hausse ou à la baisse les taux des impôts locaux. Si, par exemple, la base locative augmente de 70%, le taux d'imposition doit être réduit d'autant. Lors de la précédente tentative de révision générale des valeurs locatives, au début des années 1990, le présupposé était celui-ci. Or, en fait, ce type de logique porte les germes de l'échec. Il faudrait plutôt faire en sorte que chaque collectivité conserve in fine le même niveau de ressources, c'est-à-dire la somme du produit de la fiscalité et des dotations. On devrait recalculer les bases et les taux des collectivités, puis s'assurer qu'elles retrouvent le même montant de ressources en procédant à des ajustements par les dotations de l'Etat. Certaines collectivités locales auront plus de ressources fiscales et moins de dotations, pour d'autres ce sera l'inverse. Et cette logique n'est pas qu'un principe de calcul. En effet, les bases sont inéquitables depuis 20 ans et elles étaient pourtant utilisées dans la répartition des dotations. Il faut donc revoir à la fois produits fiscaux et dotations. Des solutions techniques existent. Sans une telle redistribution, dans certaines communes, des contribuables pourraient voir leurs impôts locaux augmenter très significativement. Ce serait le cas de ceux qui résident dans le voisinage des logements sociaux, en tout cas dans les communes qui ont sur leur territoire ce type de logements dans des proportions importantes.
Dans le contexte de réduction des déficits et de la dette, l'Etat aura-t-il les moyens de mettre de l'huile dans les rouages ?
Dans notre pays, les réformes structurelles de la fiscalité locale sont assez rares. Elles se traduisent par des gains ou des pertes très sensibles pour les contribuables pris individuellement. L'Etat intervient alors pour amoindrir les chocs. Il vient de le faire pour la suppression de la taxe professionnelle dans un contexte budgétaire guère florissant. Pourquoi ne le ferait-il pas aussi pour accompagner la révision des valeurs locatives ?
Mais, en général, les élus préfèrent les ressources fiscales aux dotations…
Sur le plan macro-économique, ils ont raison. Mais lorsqu'on étudie la situation individuelle des collectivités, il faut être prudent. Il arrive que le produit de la fiscalité locale baisse, surtout si l'on retient des assiettes volatiles. Dans ce cas, la collectivité a tout intérêt à avoir des dotations. Et puis, il n'est pas interdit de rêver. L'évolution des dotations n'est pas forcément destinée à rester pingre ad vitam aeternam.
Propos recueillis par Thomas Beurey