Finances locales - Révision des valeurs locatives : un chantier bien engagé
La satisfaction domine chez les associations d’élus locaux après le lancement, le 1er juillet, par le ministre du Budget, du chantier de la révision des valeurs locatives des trois millions de locaux commerciaux du pays. "C’est un projet raisonnable", juge-t-on au sein d’une des associations qui ont participé aux deux réunions techniques organisées par Bercy les 6 et 20 juillet.
La réévaluation des valeurs locatives a fait partie, dès l’automne 2007, des axes de travail de la ministre de l’Economie dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires. Une concertation a alors débuté avec les associations d’élus locaux mais elle s’est interrompue avec la crise et la décision de supprimer la taxe professionnelle. A l’automne 2009, le président de la République et le Premier ministre ont de nouveau évoqué l’actualisation des bases cadastrales comme un des prochains chantiers du gouvernement.
Lors de son arrivée fin mars au Budget, François Baroin a donc trouvé un dossier déjà bien constitué. Son administration a travaillé sur plusieurs pistes de réforme, comme la réévaluation des locaux en cas de changement de propriétaire ou en fonction de la valeur vénale. Des idées qui, l’une et l’autre, ont suscité des réticences chez les associations d’élus. Et qui, notamment pour cette raison, n’ont finalement pas été retenues. Bercy a toutefois conservé l’idée de débuter par la révision des bases des locaux commerciaux - qui fait l’objet d’un très grand nombre de contentieux - et de poursuivre par la révision des valeurs des locaux d’habitation.
Grilles tarifaires
Pour ce qui est de la méthode, les valeurs locatives administrées resteront bien au coeur de la détermination des bases des impôts directs locaux, comme le préconisait le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, remis par Edouard Balladur en mars 2009. Pour leur mise à jour, un questionnaire sera adressé à tous les commerçants à partir du second semestre 2011. Il permettra aux services fiscaux de connaître les caractéristiques et la surface des locaux commerciaux, de même que le montant des loyers réellement payés. Les locaux seront alors "classés par sous-groupes et catégories (commerces, ateliers, bureaux, hôtels, entrepôts...) associés à un tarif au mètre carré", indique une source proche du dossier. Des grilles tarifaires remplaceront les locaux types, ce qui constituera une "vraie simplification", selon une association d’élus locaux. Par ailleurs, "un coefficient de situation" permettra de prendre en compte l’emplacement du local.
Disposant d’un pouvoir décisionnel "un peu plus important qu’avant", les élus locaux se prononceront sur les projets de l’administration via les commissions communales et intercommunales des impôts directs. Une commission départementale sera également créée. Ces diverses instances se pencheront sur la définition des grilles tarifaires et des secteurs géographiques. Elles classeront les locaux dans chaque catégorie. La méthode devrait être éprouvée dans des départements-tests avant son application à grande échelle.
Le gouvernement intégrera ces principes dans le projet de loi de finances pour 2011 ou le collectif budgétaire 2010. Ce n’est qu’en 2014 que les contribuables professionnels paieront leurs impôts (taxe sur le foncier bâti, cotisation foncière des entreprises, taxe d'enlèvement des ordures ménagères) en fonction de ces nouvelles valeurs locatives.
Mise à jour permanente
Ces valeurs seront ensuite mises à jour de manière permanente afin qu’elles ne soient plus à nouveau déconnectées du marché immobilier, comme c’est le cas aujourd’hui. Pour cela, les professionnels devront renseigner régulièrement un formulaire portant sur leurs locaux. Les commissions compétentes aux divers échelons locaux se prononceront à partir de celui-ci sur l’actualisation des valeurs.
Les contribuables dont les bases foncières seront réévaluées verront leurs impôts grimper. Mais les augmentations feront l’objet d’un "lissage", a affirmé le président de la République, dès le 20 octobre 2009. Les recettes fiscales locales resteront, elles, inchangées, car toute réévaluation des bases s’accompagnera nécessairement, à l’échelle de la collectivité, d’une baisse des taux des impôts locaux. En effet, un des principes de la réforme est que le produit fiscal de chaque commune - et de chaque intercommunalité - sera identique la première année de sa mise en oeuvre (2014 en l’occurrence) à celui qu’il était avant la réforme. Reste que la révision et l’actualisation permanente qui suivra pourraient être des opérations intéressantes pour les collectivités qui investissent dans des équipements urbains structurants. Par exemple, "l’arrivée du tram dans un centre-ville se traduira par une augmentation des bases foncières des commerces qui sont desservis", fait-on remarquer dans une association d’élus.
La révision des valeurs locatives des quelque 40 millions de logements français doit être enclenchée à partir de 2013 sur les mêmes principes que celle des locaux commerciaux, qui aura donc valeur de test. La dernière révision générale des bases date de 1970 pour le foncier bâti et de 1960 pour le foncier non bâti. Les services des impôts ont travaillé jusqu’en 1992 sur un projet de révision voté deux ans plus tôt par le Parlement. Les autorités ont jugé préférable d’abandonner sa mise en oeuvre du fait de l’ampleur considérable des transferts d’impôts entre contribuables.
Thomas Beurey / Projets publics