Reste à charge en Ehpad : Christine Pirès-Beaune demande une remise à plat globale
Pour parvenir à des restes à charge soutenables pour les résidents en Ehpad, une réforme globale du modèle est nécessaire, selon la députée Christine Pirès Beaune qui a remis son rapport ce 26 juillet à la Première ministre. Fusion des sections soins et dépendance, pilotage des établissements confié aux seules agences régionales de santé – avec des départements recentrés sur le domicile –, création d’une "prestation unique, universelle et prenant en compte les facultés contributives de chacun"... La ministre des Solidarités doit "instruire" ces propositions en lien avec les départements. Dans l’immédiat, Élisabeth Borne annonce un soutien de 100 millions d’euros pour soulager les structures en proie à des difficultés financières.
"Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge" : c’est le titre du rapport de la députée Christine Pirès-Beaune (PS-Nupes, Puy-de-Dôme), remis le 26 juillet 2023 à la Première ministre en présence de la nouvelle ministre des Solidarités.
Déclarant entendre "le constat d’urgence posé par la députée sur les difficultés financières que rencontrent actuellement les Ehpad et les services à domicile", Élisabeth Borne a annoncé à cette occasion "un soutien exceptionnel de 100 millions d'euros", mis à disposition des agences régionales de santé (ARS) avec un appel à cofinancement de la part des départements. Réunissant les financeurs et créanciers publics, une commission sera mise en place "dès la rentrée dans chaque département" pour examiner "la situation financière des structures médico-sociales en difficulté" et "accorder des aides ponctuelles ou des souplesses dans le paiement des dettes sociales ou fiscales".
La ministre des Solidarités devra par ailleurs "instruire", en lien avec les départements, les propositions de Christine Pirès-Beaune "visant à conduire une réforme structurelle du financement, de la gouvernance et de la régulation des Ehpad".
Seuls 24% des résidents en Ehpad peuvent couvrir leurs frais de séjour avec leurs revenus courants
Après l’audition de 200 personnes et une enquête à laquelle 1.500 établissements ont répondu, la députée dresse en effet un panorama assez sombre de la situation. Et appelle à ne surtout pas négliger ce sujet de "la prise en charge en établissement et [de] l’accès de tous à des séjours qui, au demeurant, ne sont la plupart du temps pas choisis, mais subis".
"Parmi les résidents en Ehpad, les personnes âgées les plus pauvres, les plus fragiles et les plus isolées sont nombreuses", selon le rapport. Ces personnes "sont confrontées à des taux d’effort considérables : seule une petite partie (24%) peut couvrir ses frais de séjour via ses revenus courants". Ainsi "le séjour en établissement est coûteux pour tous, mais il est parfaitement insoutenable pour les plus modestes". Un changement de système est, dans ce contexte, "incontournable", pour Christine Pirès-Beaune.
La députée estime que, dans le modèle actuel, "les plus modestes ne sont pas aidés à la hauteur de leurs besoins" et sont même "moins aidés que les plus aisés", du fait de la réduction d’impôt dont ces derniers bénéficient. En outre, poursuit-elle, "l’APA [allocation personnalisée d’autonomie] en établissement varie peu selon les revenus, donnant à penser que les départements ne retiennent – dans leur très grande majorité – au mieux que le degré de dépendance pour fixer les tarifs".
Un faible recours à l’aide sociale à l’hébergement
Autre difficulté : un taux de recours réduit à l’aide sociale à l’hébergement (ASH), de l’ordre de 21% des résidents en Ehpad, alors que 76% des résidents n’ont donc pas les revenus courants suffisants pour couvrir leurs dépenses d’hébergement. Les hypothèses mises en avant pour expliquer ce faible recours sont de deux ordres. D’abord, l’ASH relève actuellement d’"un choix individuel", jugé difficile à effectuer pour des personnes âgées en perte d’autonomie, aux revenus modestes, et cela concernant une prestation ayant des implications importantes pour la personne et ses proches. Ensuite, cette aide implique des récupérations sur les revenus du bénéficiaire, auprès des proches ("l’obligation alimentaire") et sur la succession, ce qui s’avère dissuasif.
En synthèse, "si le soutien via l’ASH est nécessaire, il est insuffisant dans son ampleur et sa portée : deux cinquièmes des dépenses d’ASH sont financées par les bénéficiaires eux-mêmes". Si les résidents y recourent, ils s’exposent à un "contrôle social intégral", peut-on lire dans le rapport. À l’inverse, sans le bénéfice de l'ASH, les résidents et leurs proches sont contraints à "des arrangements informels", aux effets potentiellement délétères sur les relations familiales et qui ne sont régis par aucune règle.
Fusionner les sections soins et dépendance et laisser les ARS gérer seules les établissements
Considérant que le cadre de pilotage et de régulation est "largement insuffisant", la mission estime que "les conséquences du choix d’une politique pour partie départementale n’ont pas nécessairement toujours été appréciées". En cause : des disparités territoriales marquées, avec des dépenses d’ASH par bénéficiaire variant dans un rapport de un à six selon les départements.
À l’appui des résultats de l’enquête, le rapport appelle à "une simplification attendue et désormais incontournable : fusionner les sections soins et dépendance", avec un "transfert des dépenses actuellement supportées par les départements à la Sécurité sociale". Dans ce scénario, la répartition des compétences serait simplifiée : aux ARS la pleine gestion des établissements, aux départements le maintien d’une "compétence d’investissement" et d’un "droit d’opposition" sur les établissements et un recentrage sur le champ du domicile et le service public territorial de l’autonomie (SPTA).
La mission appelle également à renforcer la régulation du secteur, avec la définition de "prestations socles standards" prises en charge par la sphère publique, de tarifs socles nationaux (adaptés aux territoires en fonction des coûts de revient) ou encore des taux maximaux d’évolution des tarifs.
Concernant le reste à charge, trois scénarios sont décrits par la mission, dont un scénario cible consistant à "déployer une prestation unique, universelle et prenant en compte les facultés contributives de chacun". Il s’agirait d’utiliser pour cela "tous les financements publics actuels (APA, ASH, avantages fiscaux, aides au logement)".
D’autres pistes de financement sont évoquées : maintien de la participation des familles avec "un prélèvement forfaitaire et barémisé, donc prévisible", contribution du secteur privé notamment sous la forme d’une redevance, nouvelle contribution affectée à la Caisse nationale de sécurité pour l’autonomie (CNSA) pour mieux affirmer "l’universalité du financement de l’autonomie". "Le recours à l’assurance est écarté", la solution étant jugée "immature et inadaptée" et "contradictoire avec la logique portée par la cinquième branche" de la Sécurité sociale