Contrôle des Ehpad : le ministère fait valoir des avancées... et des mesures à venir
Le ministre Jean-Christophe Combe a fourni quelques chiffres sur les opérations de contrôle réalisées à ce jour auprès des Ehpad. Les récentes mesures législatives et réglementaires ont été rappelées. D'autres étapes sont en vue. Elles feront suite à des "états généraux" contre la maltraitance et au CNR Bien-vieillir. Une proposition de loi déjà déposée à l'Assemblée pourra en constituer le véhicule législatif.
Une plateforme numérique pour recueillir les signalements de maltraitances en Ehpad va être lancée "prochainement" pour "libérer la parole" et faciliter leur suivi, a annoncé mardi 24 janvier le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe. L'objectif est de faire en sorte "que les signalements soient plus simples" et "qu'ils soient pris en considération", a-t-il déclaré à la presse un an après la publication du livre-enquête "Les Fossoyeurs", qui a mis en lumière maltraitances et malversations dans le groupe privé de maisons de retraite Orpea, et une semaine après la présentation d'un rapport de la Défenseure des droits (voir notre article).
Les données de ce portail en ligne, actuellement en phase de test, seront conservées par les agences régionales de santé (ARS), à même de lancer des inspections. Actuellement, les personnes peuvent signaler des maltraitances sur la ligne 3977, mais celle-ci est gérée par des associations locales.
Depuis juillet, quelque 1.400 Ehpad ont été contrôlés par les services de l'État. Il s'agit des "Ehpad les plus à risque", selon le ministre. "Cela a donné lieu à 1.794 recommandations, prescriptions, instructions et à 11 saisines du procureur de la République pour des faits relevant du pénal" : cas de violences, maltraitances, mise en danger des personnes parce que non-respect de la réglementation, qualification des personnels, a-t-il précisé. Le dossier diffusé par le ministère précise que sur les 1.400 "inspections-contrôles", seuls 811 ont été réalisées "sur site". Et que les manquements constatés peuvent concerner la gouvernance (autorisations, projet d'établissement…), la prise en charge (manque de personnels à certaines heures, gestion des médicaments…) et les locaux (sécurité, hygiène…).
Les effectifs des ARS ont été renforcés pour permettre ces contrôles réalisés "de façon inopinée ou annoncée", généralement avec le conseil départemental, indique le dossier du ministère (en lien ci-dessous), qui consacre plusieurs pages à la façon dont ils sont conduits, aux suites données et à la formation des agents qui les réalisent.
Des états généraux, puis une nouvelle loi
Concernant la pénurie de personnels dans les Ehpad, un "plan d'urgence" va être annoncé début février pour permettre une "qualification rapide des faisant fonction", des salariés engagés en Ehpad à un poste sans en avoir le diplôme. Le ministère rappelle en outre les mesures déjà prises ou du moins budgétées dans le cadre des deux dernières lois de financement de la sécurité sociale (temps de présence des médecins coordonnateurs, astreintes, équipes mobiles, centres de ressources territoriaux, créations de postes…). Il met également l'accent sur le chantier "attractivité des métiers".
S'agissant du "renforcement de la transparence des Ehpad", il est rappelé que des mesures réglementaires ont été prises en avril 2022 sur la transparence financière et que d'autres figurent dans la LFSS pour 2023. La transparence, c'est aussi celle des tarifs et là-dessus, les dispositions de ce même décret d'avril 2022 (voir notre article), qui renforce les obligations vis-à-vis des usagers, devraient porter leurs fruits à partir de cette année (lisibilité des contrats, prestations obligatoires, indicateurs…).
Le ministre a indiqué le lancement en février d'"états généraux" pour élaborer une stratégie de lutte contre la maltraitance des adultes vulnérables (personnes âgées, en situation de handicap ou de pauvreté). Quant à la proposition de loi sur le "bien-vieillir" déposée à l'Assemblée nationale par la majorité présidentielle, elle devrait être examinée en commission "fin février début mars" puis "inscrite dans la foulée sur le temps gouvernemental". Elle sera "enrichie" avec les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) sur le bien-vieillir, dont les conclusions sont attendues en avril.
"Les résultats de tous ces travaux permettront d’enrichir la construction de la stratégie nationale de lutte contre les maltraitances qui sera lancée à l’automne 2023. Les mesures qui nécessiteront une traduction par voie législative pourront être concrétisées notamment par le biais de la proposition de loi de la majorité parlementaire sur le bien-vieillir, qui comporte une première mesure essentielle : la création d’une instance territoriale pour traiter de manière plus efficace et plus rapide les alertes de maltraitance", résume le ministère.
Rappelant que les départements ont la charge de l’autorisation et du contrôle, conjointement avec les ARS, des Ehpad, l'association Départements de France continue de plaider pour une clarification des compétences en la matière, qui permettrait de "parachever le processus de décentralisation" et inclurait entre autres un pouvoir de tarification unique, la possibilité pour les départements de nommer et évaluer les directeurs d'Ehpad, une participation des départements à la gouvernance des ARS…Il s'agirait aussi de permettre aux départements volontaires de "mettre en place des unités d’inspection capables de diligenter des enquêtes inopinées sur les conditions d’accueil des personnes âgées dépendantes dans tous les établissements, publics comme privés, se trouvant sur le territoire départemental". "Un département ne peut pas diligenter de contrôle sans l’accord et la présence de l’ARS. On le voit, ce système, de par la grande hétérogénéité des acteurs, dilue les responsabilités. Il convient donc de le réformer en profondeur", estime François Sauvadet, le président de Départements de France. Dans une récente note (à télécharger ci-dessous), l'association relève que la proposition de loi grand âge prévoit, "à titre expérimental et sur une période de cinq ans, une gestion unique du financement d’un Ehpad par le conseil départemental, impliquant notamment l’accompagnement de cet établissement par le département". Ce qui présenterait selon elle plusieurs avantages : une simplification en n'ayant plus qu'une seule autorité de tutelle, un contrôle budgétaire plus global, la possibilité d'une stratégie territoriale… |