Les Ehpad vont devoir s’adapter à "l’arrivée significative" de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

Les personnes atteintes d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée seraient déjà majoritaires au sein des Ehpad, et leur part va augmenter dans les années à venir. Un rapport de l’Igas met l’accent sur la nécessité pour les Ehpad de se transformer globalement pour s’adapter aux caractéristiques de ces publics. L’Inspection recommande également d’améliorer, quantitativement et qualitativement, les prises en charge spécialisées en ville et en établissement, de renforcer la prévention et le soutien aux aidants.  

 

"La maladie d’Alzheimer et les troubles cognitifs, psychologiques et du comportement qui y sont associés représentent un enjeu de santé publique majeur", rappelle l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport publié le 18 juillet 2023. En France, 1,2 million de personnes sont directement concernées, "dont plus d’une personne sur trois parmi les 90 ans et plus, et près du double en France en 2050". Et dans les Ehpad, "on estime que le nombre de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée dépasse désormais 50% du total des résidents", cette proportion allant augmenter dans les années à venir. Selon l’Organisation mondiale de la santé, ces maladies sont "la première cause de dépendance et d’invalidité chez les personnes âgées".

"Un déficit très important" de dispositifs spécialisés et de professionnels de santé formés

Dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle feuille de route maladies neurodégénératives, l’Igas évalue dans son rapport les dispositifs spécialisés de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, en ville et dans les établissements. Ces dispositifs se sont développés progressivement, notamment sous l’impulsion du plan Alzheimer 2008-2012. La mission Igas dénombre, début 2022, 1.921 pôles d’activité et de soins adaptés (Pasa), 333 unités d’hébergement renforcé (UHR), 145 unités cognitivo-comportementales (UCC), 505 équipes spécialisées Alzheimer (ESA), ainsi que des unités de vie Alzheimer (UVA) dans un peu plus de 40% des Ehpad.

"Les dispositifs spécialisés ont correctement répondu, dans l’ensemble, aux besoins des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées", estiment les auteurs du rapport. Ces derniers soulignent toutefois "un déficit très important" de l’offre par rapport aux besoins, les services des ESA ne bénéficiant par exemple qu’à 50.000 personnes, "soit moins de 5% du total des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée". "En outre, une large partie du territoire n’est pas couverte, d’où d’importantes listes d’attente", poursuivent-ils.

Même constat dans les Ehpad, "en dépit des efforts d’investissements réalisés". "Le nombre de Pasa, d’UHR, d’UCC et d’UVA demeure modeste par rapport au nombre total d’Ehpad et aux caractéristiques de leurs publics", évalue la mission Igas. Cette dernière estime que "près de la moitié des Ehpad n’aurait aucun dispositif présent dans l’établissement"

A ce déficit de dispositifs spécialisés, s’ajoutent, en ville comme en établissement, le manque de médecins traitants formés, gériatres, psychiatres, neurologues et autres professionnels de santé et médico-sociaux, ainsi que le manque d’appui aux proches aidants. 

Engager une transformation globale des Ehpad

"Vingt ans après le premier plan Alzheimer, et compte tenu de l’évolution significative de la prévalence", et des progrès des connaissances et des traitements, "il est temps que la politique de prévention et de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée évolue assez substantiellement", préconisent les auteurs du rapport. Une trentaine de recommandations sont formulées pour renforcer la prévention et améliorer quantitativement et qualitativement les prises en charge.

Concernant le domicile, l’objectif devrait être de doubler le nombre des bénéficiaires des ESA dans les années 2023-2025, en "[couvrant] en priorité les départements déficitaires". Autres recommandations : financer les innovations locales de soutien des personnes malades d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée et "développer massivement la formation des aidants et les différents services d’aide à distance aux aidants et aux proches".

La mission Igas appelle en outre "à engager une transformation globale de tous les Ehpad, et non pas de certains dispositifs en leur sein, pour les adapter à l’arrivée significative de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée avec des troubles psychologiques et du comportement modérés à sévères". Cela passe notamment par une présence de nuit renforcée d’assistants de soins en gérontologie, par le suivi de recommandations en matière d’architecture et d’aménagement intérieur, ou encore par le développement d’Ehpad sans unités de vie fermées. De telles évolutions requièrent "des financements additionnels significatifs, notamment en termes de personnels". L’une des pistes évoquées est de réformer la grille Aggir et le référentiel Pathos "pour une meilleure prise en compte de la sévérité des troubles cognitifs et des troubles psychologiques et du comportement dans le financement de tous les établissements".