Médicosocial - Rémunération des stages : débat kafkaïen à l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois. Celle-ci comporte un article 8 bis - introduit lors de l'examen en commission par un amendement d'un député de la majorité - ramenant de trois à deux mois la durée de stage à partir de laquelle un stagiaire doit obligatoirement être rémunéré (au minimum à hauteur de 30% du Smic). Après la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances - qui instaurait le principe d'une obligation de rémunération des stages de plus de trois mois dans les entreprises - et du décret du 31 janvier 2008 - qui mettait cette obligation en pratique -, il s'agit donc d'une nouvelle avancée en faveur des stagiaires, soutenus par le mouvement "Génération précaire" (voir nos articles ci-contre). Mais cette mesure qui aurait dû faire consensus a, au contraire, donné lieu à un vif débat à l'Assemblée nationale. L'opposition a en effet vivement protesté contre la non-compensation du coût de cette mesure pour les départements, qui accueillent de nombreux stagiaires en cours d'études dans leurs services sociaux. L'Association des départements de France aurait ainsi estimé l'impact budgétaire de cette mesure à 45 millions d'euros, imputables pour l'essentiel aux étudiants stagiaires du secteur médico-social.
Le paradoxe de ce débat est que, juridiquement, cette disposition ne s'applique pas aux collectivités territoriales, mais aux seules entreprises du secteur privé. Dans son intervention, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a d'ailleurs confirmé que cet article "ne concerne que les employeurs de droit privé", ajoutant suavement que "quand bien même les organismes de droit public seraient concernés, ils sont certainement à même de comprendre qu'il est parfaitement justifié qu'un jeune faisant un stage chez eux reçoive, au bout de deux mois, une rémunération de 380 euros, soit 30% du Smic, avec exonération totale de charges". L'allusion à une situation qui verrait les collectivités astreintes à une obligation de rémunération des stagiaires ne doit évidemment rien au hasard. A l'issue d'une réunion du comité des stages, le 27 avril dernier, pas moins de quatre ministres - dont Laurent Wauquiez - avaient annoncé que les stages de plus de deux mois seraient rémunérés au moins à hauteur de 30% du Smic, dans le privé comme dans le public (voir notre article ci-contre du 28 avril 2009). Il restait à trouver le véhicule juridique pour faire passer cette mesure. C'est sur le point d'être fait pour le secteur privé avec l'article 8 bis. Il reste à trouver le véhicule juridique pour le secteur public, et plus particulièrement pour la fonction publique territoriale. Mais le principe de l'extension au secteur public ne fait plus guère de doutes, d'où le débat sur un texte qui n'est pas le bon.
Autre paradoxe : l'opposition a déposé et soutenu un amendement - non adopté - visant à supprimer l'article 8 bis, autrement dit à maintenir, dans les entreprises privées, la durée minimale de trois mois pour qu'un stage soit rémunéré... Dernier paradoxe de ce débat insolite - même si les sommes en jeu sont loin d'être négligeables - : à défaut de financer les stagiaires qu'ils accueillent dans leurs propres services, nombre de départements financent déjà la rémunération des stagiaires accueillis dans les établissements médicosociaux. Ils suivent en cela une circulaire de la direction générale de l'action sociale (DGAS) du 28 février 2008, indiquant que la rémunération des stagiaires "constitue une dépense qui s'impose aux employeurs qui les accueillent" et invitant à prendre en compte les coûts induits par cette obligation dans les tarifs fixés par le président du conseil général.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 9 juin 2009).