Rejets de PFAS : les modalités de surveillance dans les stations d’épuration en consultation
Dans le cadre du plan d'actions sur les PFAS, un projet d’arrêté impose aux stations d’épuration urbaines de mener des campagnes d’analyses ponctuelles pour une liste restreinte aux vingt PFAS visés par la directive EDCH et à deux autres molécules issues des mousses anti-incendie.

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Une consultation publique est organisée, jusqu’au 25 avril prochain, sur les dispositions de mise en œuvre d’une campagne de surveillance de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans les eaux en entrée et sortie de station de traitement des eaux usées urbaines (STEU). Quasi indestructibles, ces "polluants éternels", qui regroupent plus de 4.700 composés distincts très persistants dans l’environnement, sont associés à de nombreuses maladies. Le projet d’arrêté s’inscrit dans le cadre du plan d’actions interministériel sur les PFAS, mis à jour il y a de cela un an en avril 2024, qui prévoit entre autres mesures un programme de contrôle pour les STEU de plus de 10.000 équivalent-habitants (soit environ 1.300 installations). "Le présent projet d’arrêté permettra d’établir un état des lieux de la présence de PFAS au sein des rejets des stations de traitement des eaux usées, à l’image de l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 de surveillance des PFAS dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)", indique la notice de consultation. Pour rappel, près de 4.000 ICPE susceptibles d’utiliser des PFAS doivent en vertu de cet arrêté de 2023 analyser, à trois reprises, leurs rejets aqueux pour évaluer leur concentration en PFAS.
Vingt-deux substances recherchées
Les analyses demandées par ce nouveau projet d’arrêté "ont pour but d’améliorer les connaissances disponibles, en complément des campagnes RSDE (Recherche de substances dangereuses dans l’eau) existantes de surveillance de 96 micropolluants (dont un PFAS) dans les eaux des stations d’épuration", précise le ministère de la Transition écologique. Les STEU concernées sont celles de plus de 10.000 équivalent-habitants relevant de la rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature définie à l’article R.214-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire les mêmes stations concernées par le dispositif RSDE. La campagne de surveillance, qui débutera en 2025 et se terminera au plus tard le 31 décembre 2026, porte sur 22 substances spécifiques : les 20 PFAS ciblés par la directive 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) et 2 substances (6 :2 FTSA et 6 :2 FTAB) issues de mousses anti-incendie (substances d’intérêt). D’autres substances PFAS pourront y être intégrées "lorsque celles-ci ont été quantifiées dans les rejets aqueux des ICPE en application de l’arrêté ministériel du 20 juin 2023 et qu’elles sont raccordées au réseau public d’assainissement", ajoute le texte.
Des trous dans la raquette
L’ONG Générations futures révèle dans un rapport, dévoilé ce 1er avril (lire notre article), que 146 ICPE sont responsables à elles seules de plus de 99% des rejets quantifiés. Pour l’association, la liste "trop restreinte" des substances recherchées par les industriels (c’est-à-dire a minima les 20 PFAS de la directive EDCH) ainsi que le nombre limité de trois prélèvements obligatoires, "font courir le risque de sous-estimer les rejets ou de passer à côté de site fortement émetteur de PFAS". A titre d’exemple, le TFA (acide trifluoroacétique), un PFAS mais aussi un métabolite de pesticide massivement retrouvé dans les eaux, n’a été recherché que par 10 ICPE. L’étude pointe également "un problème majeur" : "de nombreuses ICPE (575) déversent leurs effluents dans des stations d’épuration urbaines non conçues pour traiter les PFAS, susceptibles alors de contaminer des sols agricoles via l’épandage des boues d’épuration". Le projet d’arrêté - largement calqué sur celui de juin 2023 - devrait à nouveau laisser les associations environnementales sur leur faim.
Le texte exige des STEU qu’elles réalisent trois prélèvements (espacés chacun d‘un mois) en entrée et en sortie de filière de traitement des eaux. L’un d’eux devra être effectué en période de pic d’activité. L’utilisation de la méthode indiciaire par adsorption du fluor organique (AOF) permettra en outre une estimation de la quantité totale de PFAS présents dans les eaux en sortie de station. Il est précisé par le texte que pour chacune des substances PFAS recherchées, "une limite de quantification de 50 ng/L est respectée en entrée de station et de 20 ng/L en sortie". Pour la méthode AOF, "une limite de quantification de 2 µg/L est respectée".
La loi visant à visant à protéger la population des risques liés aux PFAS adoptée en février dernier (lire notre article) prévoit que la France adopte une trajectoire nationale pour réduire progressivement les rejets aqueux de PFAS provenant des installations industrielles, avec pour objectif d'éliminer ces rejets dans un délai de cinq ans. Autre disposition majeure, la loi introduit la création d’une redevance sur les industriels assise sur la quantité de PFAS rejetés dans l’eau. Au moins 130 ICPE devront s’acquitter de la future redevance. En laissant au gouvernement le soin de choisir (par décret) les molécules visées par la redevance, le réseau Amorce identifie toutefois "un risque dans la garantie du financement des mesures de dépollution et d’application de la loi". D’autant que l’addition est plutôt salée avec des coûts de traitements pour la potabilisation de l’eau entre 400 millions d’euros/an et 650 millions d’euros/an et pour l’assainissement entre 300 et 370 millions d’euros/an.