Surveillance des PFAS dans les rejets industriels : un arrêté prescrit des campagnes d’analyses ponctuelles
Dans le cadre de son plan d'action sur les PFAS ou "polluants éternels", le ministère de la Transition écologique a publié ce 27 juin un arrêté imposant aux industriels les plus concernés par ces substances de mener des campagnes d’analyses de leurs rejets aqueux. Ce "premier état des lieux", que d’aucuns jugent insuffisant, pourrait déboucher sur la mise en place d’une surveillance continue et de futures valeurs limites d’émissions.
Le ministère de la Transition écologique a publié, ce 27 juin, l’arrêté définissant les modalités d’une campagne d’identification et d’analyse des substances per et polyfluoroalkylées (désignées sous le sigle anglais PFAS) qui doit être mise en œuvre pour les rejets aqueux de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation potentiellement les plus concernées par ces composés chimiques.
Ce texte s’inscrit dans le cadre du plan d’action ministériel présenté en janvier dernier, et plus particulièrement de son quatrième axe, qui vise à réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative. Les PFAS étant des molécules très persistantes (d’où leur surnom de "polluants éternels"), celles-ci se retrouvent dans les déchets générés en fin de vie par les produits de consommation (poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles etc.), et donc potentiellement dans certaines filières de traitement des déchets. Elles peuvent également se retrouver dans l’air, les sols et l’eau, en raison de certaines fabrications qui génèrent des impuretés à l’origine de rejets difficiles à identifier.
L’objectif du texte est d’identifier les sites particulièrement émetteurs de PFAS et les substances prédominantes dans les rejets. L’arrêté cible ainsi les ICPE soumises à autorisation au titre de 31 rubriques (soit environ 5.000 sites concernés). Ce périmètre est "volontairement large, et ne préjuge pas les sites qui en rejettent réellement", explique le ministère dans un communiqué. Sont également visés les sites soumis à autorisation qui ne relèvent pas d’une de ces rubriques mais qui utilisent, produisent, traitent, stockent ou rejettent des substances per- ou polyfluoroalkylées, et qui devront ainsi s’autodéclarer à l’inspection.
Des associations environnementales sur leur faim
La consultation publique organisée sur ce texte en avril dernier a donné lieu à de nombreux retours. L’arrêté est notamment considéré par Amaris, réseau des collectivités exposées aux risques technologiques, comme porteur de mesures "en demi-teinte" et "de faible portée". D’autant qu’un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), rendu public le 14 avril, vient d’enfoncer le clou : "La réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS et leur suivi (...) est quasi-inexistant."
L’association Générations futures s’est également montrée très critique sur ce texte "au contenu décevant", n’excluant pas la possibilité d’un recours contentieux. "Force est de constater que la campagne d’identification et d’analyse proposée dans cet arrêté ne prend pas en compte les premiers enseignements tirés des analyses déjà réalisées sur le site Arkema de Pierre-Bénite dans le Rhône, que ce soit sur la nature des substances à rechercher, la fréquence à laquelle les rechercher et les limites de quantification utilisées", pointe l’Association qui préconisait entre autres d’élargir les analyses à toutes les installations ICPE. Un collectif d'associations et de riverains de l'unité de production de Pierre-Bénite, au sud de Lyon dans la vallée de la chimie, a saisi le tribunal judiciaire de Lyon, le 25 mai dernier, dans le cadre d'un référé pénal environnemental pour obtenir la limitation des rejets de PFAS dans l’eau du Rhône par l’industriel et une étude des risques sanitaires encourus par la population aux frais du pollueur. Générations futures a de son côté déposé des plaintes pour atteinte à l’environnement dans trois régions françaises polluées par les PFAS (voir notre article du 6 juin 2023).
Vers une surveillance pérenne
Le ministère voit dans cette démarche de diagnostic "préalable indispensable aux actions de réduction de la présence des PFAS dans l’environnement", une première étape. Il s’agit de donner une visibilité plus forte aux activités à l’origine de rejets significatifs (sites industriels, stations d’épuration urbaines, installations de stockage et traitement des déchets…) en établissant "un premier état des lieux" de la présence des PFAS à l’échelle nationale, avant de porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l'utilisation ou à la mise sur le marché des PFAS. Le dispositif pourrait donc s’élargir dans un second temps aux installations soumises à enregistrement, et devrait également aboutir à définir des mesures de surveillance et de suivi pérennes. "Les modalités de surveillance pérenne des PFAS dans les rejets aqueux des industries qui en produisent seront déterminées en fonction du retour d’expérience de cette phase de diagnostic", précise le ministère. Une surveillance pérenne était d’ailleurs prévue dans une précédente version du texte soumise aux parties prenantes. Il a finalement été décidé d’y renoncer et de prendre le temps nécessaire pour l’identification des sites et permettre aux laboratoires d’améliorer leurs techniques de prélèvement et d’analyse des PFAS. Pour cette même raison, la limite de quantification prévue par l’arrêté a en outre été rehaussée (de 50ng/L à100 ng/L).
Vingt substances de la directive Eau potable recherchées
"Afin d'adapter la mise en œuvre des campagnes d'analyses à la disponibilité des laboratoires", souligne le ministère, les mesures seront "échelonnées dans le temps" (jusqu’à 9 mois) en fonction des secteurs d'activités et du nombre d'installations qui leur correspondent. La première phase de trois campagnes mensuelles de mesures des PFAS dans les rejets porte sur l’estimation de la quantité totale de PFAS par méthode indiciaire (AOF). Vingt substances PFAS visées par la directive 2020/2184 sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine seront obligatoirement analysées. À titre illustratif, d’autres substances pouvant être analysées sont également mentionnées par le texte. Il est aussi laissé à l’exploitant la possibilité d’analyser tout autre PFAS "techniquement quantifiable" qui a été utilisé sur son site.
D’autres textes devraient suivre en matière de surveillance continue et de prescriptions. L'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) a ainsi été mandatée pour travailler sur la question des futures valeurs limites d’émissions.
Référence : arrêté du 20 juin 2023 relatif à l'analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l'environnement relevant du régime de l’autorisation, JO du 27 juin 2023, texte n° 11. |