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Pouvoirs locaux - Réforme territoriale : le Conseil de l'Europe réprimande la France

Dans un rapport qu'il examinera le 24 mars, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe se dit "préoccupé" par la réforme territoriale menée en France. En redessinant les régions sans consulter les collectivités concernées et en supprimant la clause de compétence générale des départements et des régions, la France aurait porté atteinte à la charte européenne de l'autonomie locale.

Dans son premier rapport sur l'état de la démocratie locale en France, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (CPLR) du Conseil de l'Europe critique fermement la réforme territoriale conduite en France par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls. Plusieurs mesures phares de la réforme ont enfreint la charte européenne de l'autonomie locale que la France a signée en 2007, estiment les rapporteurs de la commission de contrôle du CPLR, Jacob Jos Wienen, maire de Katwijk (Pays-Bas) et Gudrun Mosler-Törnström, vice-présidente du parlement régional de Salzbourg (Autriche) et présidente de la chambre des régions du CPLR.
Les deux rapporteurs, qui s'appuient sur plusieurs auditions et une visite effectuée en France fin mai 2015, condamnent en particulier le mode d'élaboration de la nouvelle carte des régions entrée en vigueur le 1er janvier 2016. En n'organisant pas de consultation des régions concernées par les fusions, la loi du 16 janvier 2015 qui a procédé à la nouvelle délimitation des régions aurait "violé" l'article 5 de la charte européenne de l'autonomie locale sur la "protection des limites territoriales des collectivités locales". Cet article stipule que "pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet".

Des associations d'élus locaux trop fragmentées

Après le vote de la loi, des parlementaires avaient saisi le Conseil constitutionnel, pointant précisément la violation de l'article 5 de la charte. Mais, rejetant cet argument, les Sages avaient considéré qu'il ne leur appartenait pas d'"examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international". Plus tard, trois associations et cinq personnes physiques avaient utilisé le même argument dans un recours devant le Conseil d'Etat visant à annuler le décret du 30 juillet 2015 convoquant les électeurs pour l'élection des conseillers régionaux. Dans sa décision du 27 octobre 2015, le Conseil d'Etat avait rejeté la requête, considérant notamment qu'il "ne pouvait statuer, à la lumière des engagements internationaux de la France, que sur le contenu de la loi et non sur la procédure d'adoption de cette loi" (voir notre article du 29 octobre 2015).
Au-delà du contexte de la loi qui a redessiné les régions, le Congrès recommande à la France d'institutionnaliser des procédures de consultation des représentants des collectivités territoriales, notamment avant que des décisions concernant ces dernières ne soient prises. "Les dispositions de la Constitution concernant la consultation des élus des collectivités territoriales d'outre-mer (par exemple dans l'article 72-4 de la Constitution) peuvent être considérées comme des exemples de bonnes pratiques", indique l'organisation paneuropéenne. Qui relève avec satisfaction l'existence d'organismes de consultation tels que le Comité des finances locales. Par ailleurs, constatant la diversité des associations d'élus locaux existantes, l'organisme estime que leur "fragmentation" nuit à la défense des intérêts communs des collectivités territoriales. Selon lui, des associations représentant mieux toutes les autorités locales seraient plus à même de promouvoir leurs intérêts.

Les petites communes privées d'autonomie locale

S'agissant encore de la réforme territoriale, le Congrès "exprime sa préoccupation" sur la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, qui permettait à ces collectivités d'agir dans de nombreux domaines. Il se fonde sur la charte européenne de l'autonomie locale pour demander à la France d'"envisager la réintroduction" de la clause. Le Congrès estime que cette perspective n'est pas incompatible avec la nécessité de réduire le champ des compétences exercées par plusieurs collectivités en même temps.
Le Congrès s'alarme par ailleurs des transferts des petites communes au profit de l'intercommunalité, qui conduisent à dépouiller les premières de leurs principales compétences. Selon lui, se trouve ainsi violé l'article 3 de la charte qui définit l'autonomie locale comme "la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques".
S'agissant des nouvelles compétences transférées aux collectivités territoriales, le Congrès déplore que l'évolution du coût de leur mise en oeuvre n'ait pas été suffisamment prise en compte. Il suggère la création d'un groupe de travail au sein du Comité des finances locales, qui aurait la charge de calculer les surcoûts supportés par les collectivités territoriales.

Restaurer la capacité d'action des collectivités sur les impôts locaux

Toujours dans le domaine des finances, le Congrès s'inquiète du recul de la latitude des collectivités territoriales pour fixer le taux et l'assiette des impôts locaux. Il recommande d'y mettre fin et de "restaurer la latitude des collectivités locales dans les cas où elle a déjà été supprimée". En outre, il recommande, à l'instar de la Cour des comptes, d'améliorer l'efficacité des dispositifs de solidarité en redistribuant les ressources entre des collectivités de niveaux différents.
Sur certains points, l'état des lieux dressé par les rapporteurs est positif. Ils notent ainsi "un progrès, globalement, dans le processus de décentralisation en France" et soulignent "les efforts déployés" dans le domaine de la coopération entre collectivités territoriales, notamment en matière de coopération transfrontalière.
Ils constatent aussi "une plus grande autonomie financière" des collectivités françaises "grâce à une part croissante des ressources propres dans leur budget". Autres motifs de satisfaction : le développement des budgets participatifs dans certaines villes, comme Paris, ou encore la naissance de la métropole du Grand Paris qui paraît être un "mécanisme de coopération judicieux".
Les membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe examineront le rapport et le projet de recommandation, le 24 mars prochain, dans le cadre de la 30e session qu'ils tiendront à Strasbourg. La secrétaire d'Etat en charge des collectivités territoriales, Estelle Grelier, pourrait s'exprimer devant eux.
L'assemblée rassemble 648 élus locaux qui représentent plus de 200.000 collectivités des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe.

 

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