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Décentralisation - Réforme territoriale : ce qui s'est dit ces derniers jours...

Alors que le projet de loi sur l'organisation territoriale est attendu en Conseil des ministres (cette semaine ou la semaine prochaine), depuis les déclarations de Manuel Valls puis de François Hollande, les réactions et commentaires continuent d'affluer, que ce soit côté gouvernemental avec André Vallini ou côté associations d'élus avec l'AMF et l'ADF qui ont réuni leurs instances. Tour d'horizon.

André Vallini : la réforme devra être votée d'ici 2015
Dans un entretien au Figaro paru le 9 mai, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, estime que la réforme territoriale pourrait permettre un gain "annuel de 12 à 25 milliards d'euros" : "Le budget des collectivités locales représente au total 250 milliards d'euros. Les meilleurs spécialistes pensent qu'en tablant sur des économies d'échelle et des suppressions de doublons qui pourraient à terme représenter de 5% à 10%, on arrive à un gain annuel de 12 à 25 milliards d'euros à moyen terme. Ce qui est beaucoup. Sans parler des gains de temps et d'efficacité qui sont difficilement quantifiables mais sans doute très importants", développe André Vallini.
Le secrétaire d'Etat de Marylise Lebranchu confirme, dans cette même interview, que l'idée de François Hollande est bien de resserrer le calendrier général donné par Manuel Valls lors de sa déclaration de politique générale : "Le calendrier qui prévoyait la fusion des régions en 2016 en deux étapes, le regroupement des intercommunalités en 2018 et la suppression des conseils généraux en 20121 présentait le risque de voir la réforme s'enliser. Ce type de réforme, si on ne la fait pas en bloc et rapidement, on ne la fait jamais. Nous avons estimé qu'il fallait aller plus vite." Et que signifierait "plus vite" ? Dès 2015 apparemment. André Vallini déclare en effet : "Si nous voulons que les élections puissent se tenir en 2016" (il confirme donc au passage le report d'un an des élections départementales et régionales), "il faut que la réforme soit votée dans l'année qui vient".
Ecartant l'idée de référendum tel que demandé par la droite, il estime qu'il "n'est pas encore certain" que la réforme "nécessite une révision constitutionnelle" – une question, on le sait, qui agite beaucoup les esprits ces jours-ci (voir ci-dessous). Il rappelle enfin que "François Hollande insiste souvent sur le fait qu'il faut réformer à la fois l'organisation territoriale et celle de l'Etat", assurant que "cela permettra de supprimer les doublons, raccourcir les circuits de décision, simplifier les démarches, rationaliser la présence et la qualité des services sur les territoires".
Enfin, on saura que lui-même et Marylise Lebranchu, "avec Michel Sapin et Christian Eckert", poursuivent le chantier de préparation d'une réforme de la fiscalité locale.

Sondage Ifop : qui tient à son département ?
55% des Français, hors Paris, seraient favorables à la suppression des conseils généraux, si l'on en croit un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche. On relèvera toutefois d'emblée la formulation de la question posée par l'Ifop : "Etes-vous favorable ou opposé à la suppression des conseils généraux, c'est-à-dire des départements, qui fusionneraient avec les régions ?"… alors qu'il n'a pas été dit par l'exécutif que cette suppression serait synonyme de fusion avec les régions. L'institut de sondage a en fait répété la même question qu'il avait posée en 2008 (elle était alors sans doute liée au projet de conseiller territorial). Quoi qu'il en soit, ce sont donc 55% des sondés qui ont répondu oui, 44% se disant opposés et seulement 1% ne se prononçant pas. L'adhésion à cette hypothèse de suppression serait en baisse de 5 points depuis avril. Les sondés les plus favorables à une suppression se trouvent parmi les personnes âgées de 65 ans et plus (66% contre 37% pour celles âgées de 18 à 24 ans), les professions libérales et cadres supérieurs (66% contre 39% des employés et 50% des ouvriers), les habitants de la région parisienne (63% contre 53%) et les électeurs centristes.
Les autres questions du sondage font apparaître que 61% des personnes interrogées ne connaissent pas le nom du président de leur département - un pourcentage qui monte à 76% chez les moins de 35 ans et à 68% dans l'agglomération parisienne (il est de 53% parmi les habitants de communes rurales et de 63% au niveau des "communes urbaines de province"). 88% savent en revanche que le conseil général s'occupe de "l'entretien des routes départementales et des axes locaux". De même, sont connues ses compétences en matière de construction et entretien des collèges (86% contre 12%) ainsi qu'en matière d'aide sociale (80% contre 19%). Par contre ils ne savent qu'à une courte majorité (50% et 51%) que le conseil général n'est pas compétent en matière d'agriculture et d'enseignement supérieur.

Réviser la Constitution ? Jean-Jacques Urvoas comme Alain Juppé pensent que oui
L'ancien Premier ministre UMP Alain Juppé a jugé que le gouvernement devra sans doute modifier la Constitution pour mener sa réforme territoriale : "Il faudra avoir l'avis des constitutionnalistes sur ce point mais pour l'instant c'est assez clair, la Constitution prévoit que les départements s'administrent librement par des conseils élus et que donc, si on les supprime, il faut modifier la Constitution", a fait valoir le maire de Bordeaux dimanche 11 mai lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro. A défaut de référendum, cela implique d'obtenir une majorité des trois cinquièmes au Congrès. Or "le gouvernement n'aura pas la majorité des trois cinquièmes", estime-t-il, se demandant si le gouvernement ne s'est pas "mis dans une impasse". Favorable pour sa part à la suppression de l'échelon départemental, il a en revanche exprimé "de fortes réserves" sur la "réduction drastique" du nombre actuel de régions : "C'est incohérent. Si vous faites 7-8 régions sans départements, vous éloignez considérablement l'administration du citoyen et en plus on revient à la France de l'Ancien Régime."
Le 7 mai, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas (PS), jugeait lui aussi nécessaire une révision de la Constitution pour supprimer les départements. "L'article 72 de la Constitution dispose en son alinéa 1 que 'les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions [...]. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa'", écrit ce spécialiste de droit public sur son blog. Il invoque aussi la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui "écarte, par exemple, l'idée selon laquelle on pourrait, sans supprimer le département en tant que tel, faire seulement disparaître son instance élective" : "Conserver la circonscription administrative départementale - le ressort des préfectures, en substance - en maintenant une assemblée départementale dénuée de toutes 'attributions effectives' serait contraire à l'article 72 tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel". Idem "si l'on supprimait purement et simplement les conseils départementaux".

L'ADF attend des explications
Le bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF) s'est réuni le 6 mai pour évoquer la réforme territoriale, sujet brûlant pour les départements depuis les premières annonces de Manuel Valls début avril. Or le matin même, François Hollande était intervenu sur les ondes, jetant de l'huile sur le feu puisque c'était pour annoncer sa volonté d'aller plus vite encore (donc songer à supprimer les départements avant même 2021, la date donnée par Manuel Valls), de reporter les élections départementales d'un an… et pour lâcher : "Les conseils généraux ont vécu." Autant de propos qui ont bien sûr été "très largement analysés et commentés" à l'ADF, où l'on ne peut que déplorer "cette confirmation de leur suppression sans aucune concertation préalable". Tous ceux qui n'y voient plus très clair entre les différentes déclarations de l'exécutif sauront au moins que les présidents de départements sont apparemment dans le même cas. Le bureau de l'ADF demande en effet solennellement à être reçu à l'Elysée "afin d'obtenir de sa part des explications précises sur ses intentions concernant les départements et notamment sur le calendrier", jugeant que "le flou entretenu volontairement n'est plus acceptable". Une demande portée aussi bien par le président PS de l'ADF, Claudy Lebreton, que par Bruno Sido pour les élus départementaux de droite et du centre.

François Chérèque s'inquiète du sort des politiques sociales
Ce n'est pas un élu départemental qui parle, mais l'ancien secrétaire général de la CFDT, François Chérèque. Il connaît bien la question et côtoie de nombreux acteurs départementaux et locaux depuis qu'il a été chargé par le gouvernement Ayrault du suivi du plan national de lutte contre la pauvreté du gouvernement. "Le débat n'est pas de dire s'il faut garder les départements mais qui va s'occuper des politiques sociales, la protection maternelle infantile", a-t-il relevé dimanche 11 mai sur Europe 1. "Les professionnels de terrain disent tous qu'on a un système social trop complexe, entre la commune et le département. Ils sont d'accord pour le simplifier, mais il faut bien expliquer qui prendra en charge ces compétences", a-t-il insisté.

AMF : communes et intercommunalités au cœur du projet de loi
Dans le concert des déclarations et réactions, le propos de l'Association des maires de France (AMF) fait presque figure d'intrus… en permettant de rappeler qu'une part importante du projet de loi qui doit être présenté en Conseil des ministres continue bien de porter, malgré les récentes péripéties, sur les communes et leurs intercommunalités ! On n'oubliera pas en effet que bien au-delà des ajouts concernant les départements et le nombre de régions, qui tiennent en fait en quelques mots dans le texte et son exposé des motifs, le projet de loi reprend pour l'essentiel les dispositions des deuxième et troisième volets du triptyque présenté en avril 2013.
Réuni le 7 mars, le comité directeur de l'AMF "renouvelle sa demande d'une véritable loi d'orientation stratégique et lisible", demande une évaluation financière du projet de loi et continue d'estimer que "le transfert obligatoire de nouvelles compétences aux communautés de communes et d'agglomération ne peut être imposé sans l'accord des conseils municipaux".
Mais il s'est aussi penché sur ces points précis du projet de loi. Ainsi, l'AMF "considère comme un recul inacceptable la suppression de l'intérêt communautaire pour les compétences optionnelles des communautés de communes en matière d'environnement, de logement et de cadre de vie et de voirie". Ou bien encore s'étonne de "l'inscription de l'accueil du jeune enfant dans les compétences du département, compétence très largement exercée et financée aujourd'hui par les communes et les intercommunalités". Elle s'interroge par ailleurs sur les divers schémas et plan régionaux ou départementaux envisagés, déplorant que les communes et EPCI n'y soient pas associés.
 

 

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