Délinquance des mineurs - Réforme de l'ordonnance de 1945 : les travaux sont lancés
Rachida Dati a installé ce 15 avril un groupe de travail chargé de réfléchir à une refondation de l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Présidée par le juriste André Varinard, cette commission d'une trentaine de membres (neuf magistrats, dix parlementaires, trois avocats, trois universitaires, quatre représentants de la PJJ, la présidente de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances) devra remettre ses propositions le 1er novembre prochain.
L'ordonnance du 2 février 1945, texte fondateur du traitement de la délinquance des mineurs, modifié 31 fois depuis 63 ans, a aujourd'hui "perdu de sa pertinence, de son efficacité", a justifié la ministre de la Justice pour appeler à sa "véritable refondation" : "En 2007, la protection de l'enfance a été réformée. La prévention de la délinquance et la lutte contre la récidive ont été renforcées. Il faut maintenant redonner du sens à l'ordonnance de 1945" qui "ne permet plus de venir efficacement en aide aux familles et aux jeunes en difficulté".
"Les Français (...) ne comprennent pas pourquoi les mineurs ne sont pas mieux pris en charge, pourquoi la Justice est parfois si lente avant de juger", a-t-elle déclaré, tout en souhaitant que soit respecté "l'esprit" de l'ordonnance, à savoir "un équilibre" entre sanction et éducation.
Selon le ministère, les condamnations de mineurs pour des violences volontaires ont augmenté de 150% entre 1997 et 2006 et les progressions les plus fortes sont constatées chez les moins de 13 ans.
La ministre a notamment invité la commission à s'interroger sur l'éventuelle instauration d'un âge minimum de responsabilité pénale, en jugeant "très vague" la formulation actuelle du Code pénal, qui prévoit que "les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables". "Les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent pas être condamnés à une peine quelle qu'en soit la nature. Le juge ne peut prononcer que des mesures éducatives ou des sanctions éducatives. Cette distinction n'est pas exempte de critiques", a également déclaré la garde des Sceaux, plaisant pour une réponse pénale "cohérente et compréhensible".
Qualifiant l'ordonnance de 1945 de "texte peu lisible dont la cohérence d'ensemble peut parfois échapper aux meilleurs spécialistes", André Varinard, professeur à l'université Lyon III, a lui aussi estimé mardi que "la fixation d'un âge minimum de responsabilité serait sans doute souhaitable". "On ne pourra pas faire l'économie d'une clarification portant sur l'ensemble des mesures qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs tant elles sont nombreuses, souvent redondantes et variables selon les seuils d'âge", a de même déclaré ce spécialiste du droit pénal.
Quatre syndicats de magistrats, psychologues et éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont dénoncé mardi "les faux-semblants de concertation" affichés, regrettant que "aucune des organisations syndicales représentant les personnels de la PJJ ou les magistrats concernés" n'ait été invitée à participer à la commission Varinard (elles seront toutefois auditionnées). Sur le fond, ils prévoient déjà que les conclusions de ce groupe de travail "iront dans le même sens qu'un arsenal de lois plus sécuritaires les unes que les autres votées ces dernières années".
Parmi les professionnels circonspects face à ce projet, l'Unicef-France a pour sa part rappelé que la fixation d'un âge minimal pour répondre d'une infraction était exigée par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), ratifiée par la France en 1990. "Nous appelons la commission à considérer que l'âge de 12 ans est l'extrême minimum et l'encourageons à tendre vers les pays européens qui l'ont fixé à 16 ans et non vers ceux qui l'évaluent à 7 ans", ajoute l'organisation.
C.M.