Finances - Réforme de la péréquation : ce que propose le comité des finances locales
Le comité des finances locales (CFL) a adopté ce 12 juillet deux délibérations dans lesquelles il se prononce pour une réforme des dotations de péréquation communales dans le projet de loi de finances pour 2017. Ces délibérations ont été adoptées "à une large majorité", un seul élu votant contre (le député-maire de Sarcelles, François Pupponi) et "deux ou trois élus" faisant le choix de l'abstention.
L'instance souhaite une révision des modalités de calcul et de répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui a atteint 1,8 milliard d'euros en 2016. En notant qu'en revanche, rien ne change pour la dotation de solidarité rurale (DSR) dont le sort est étroitement lié à la dotation forfaitaire.
La réduction du nombre des bénéficiaires de la DSU parmi les villes de plus de 10.000 habitants - qui figure déjà dans l'article 150 de la loi de finances pour 2016 et qui en l'état du texte doit s'appliquer en 2017 - fait consensus. Le CFL confirme donc cette option qui fait passer le nombre des communes de plus de 10.000 habitants éligibles des trois quarts (751) aux deux tiers (668). Il la complète par une mesure rendant d'office inéligibles les communes qui seraient bénéficiaires malgré un potentiel financier élevé par rapport au potentiel financier moyen de leur strate.
DSU : renforcer la prise en compte du revenu
De plus, le CFL est favorable à une réduction de l'écart entre les attributions de DSU des 250 communes les plus défavorisées (celles qui bénéficient de la part "cible") et les attributions des autres. Des écarts significatifs sont en effet aujourd'hui constatés entre ces types de communes. Sarcelles par exemple, qui figure à la sixième place des communes éligibles, perçoit un montant de DSU de 420 euros par habitant, tandis qu'Echirolles, qui rate de très peu l'attribution de la DSU "cible", doit se contenter de 53 euros par habitant. Le CFL propose donc que cesse la concentration de l'augmentation de la DSU sur les seules 250 communes les plus défavorisées. L'ensemble des bénéficiaires de la DSU profiterait de la progression annuelle de la dotation, avec toutefois encore une variation au profit des communes les plus pauvres.
Un autre changement significatif souhaité par le CFL concerne les critères permettant de déterminer les communes éligibles à la dotation. Le revenu entrerait en compte à hauteur de 25%, contre seulement 10% aujourd'hui, l'idée étant de mieux tenir compte des charges des communes. La mesure profiterait aux communes dont les habitants sont plus pauvres. Concomitamment, le poids du potentiel financier serait ramené de 45% à 30%. Une évolution qui ne fait pas de déçus, chacun s'accordant sur le fait que cet outil a perdu de sa pertinence tant que les valeurs locatives ne seront pas révisées.
"Stabiliser" le Fpic à 1 milliard d'euros
La réforme de la DGF telle qu'adoptée par le législateur prévoit la suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP), mécanisme de péréquation qui atteint 790 millions d'euros en 2016. Dans une délibération spécialement consacrée à cette dotation, le CFL donne son accord sur ce scénario qui conduit à reverser la DNP dans les deux autres dotations de péréquation (dotations de solidarité urbaine et rurale). Ainsi se distingue-t-il du groupe de travail du Parlement qui planche sur la réforme de la DGF. Ce dernier a en effet proposé fin juin de conserver la DNP pour en faire le socle d'une dotation générale de péréquation. Le CFL accompagne sa proposition de la mise en place d'une garantie dégressive durant trois ans au profit des 83 communes qui perçoivent actuellement la DNP sans en même temps bénéficier de la DSU ou de la DSR.
Le groupe de travail du CFL avait élargi sa réflexion au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). Au terme de ses travaux, le CFL prône la "stabilisation des ressources" du fonds à un milliard d'euros en 2017, alors que la loi prévoit une nouvelle augmentation du fonds à 1% des recettes fiscales des communes et intercommunalités, soit 1,2 milliard d'euros (ce qui rejoint d'ailleurs le point de vue de la secrétaire Estelle Grelier, qui considère elle aussi qu'il faudrait "maintenir le Fpic à 1 milliard d'euros" - voir notre article du 28 juin).
Le comité réclame par ailleurs des simulations des conséquences de la nouvelle carte intercommunale sur la répartition du Fpic. Ses membres sont inquiets des bouleversements qu'entraîneront les nouveaux périmètres et la réduction d'environ 40% du nombre des communautés. "On peut avoir des effets dans tous les sens", souligne André Laignel. Par exemple, indique-t-il, plusieurs communautés pauvres qui fusionnent avec une commune riche peuvent soudainement être amenées à contribuer au Fpic. A l'inverse, une commune riche pourrait, demain, être exonérée de versement au Fpic après son entrée dans une communauté plutôt défavorisée. Une telle situation conduit le CFL à souhaiter que de telles anomalies ne puissent exister.
Revoir le calcul des potentiels financier et fiscal ?
La direction générale des collectivités locales (DGCL) a entendu la demande du CFL : elle s'est engagée à fournir les simulations pour septembre. En sachant qu'il lui est demandé aussi de fournir des simulations "sur l'éventualité de la création de deux fonds : l'un communal, l'autre intercommunal". A titre personnel, le président du CFL s'est prononcé en faveur de cette évolution, inéluctable selon lui du fait de la mise en place de la nouvelle carte intercommunale. Des arguments qui ne convainquent pas Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et membre du CFL. "L'intégration entre les communes et les communautés est de plus en plus forte. Il faut apprécier les charges et les recettes au niveau du couple", souligne-t-il. La création de deux fonds serait "une mauvaise solution à un problème, poursuit-il. Ne cassons pas un outil qui fonctionne".
Le président de la communauté d'agglomération d'Orléans plaidait aussi pour une meilleure prise en compte des charges de centralité des centres-bourgs pour le calcul des attributions au titre du Fpic. Cette préoccupation ne figure pas dans la délibération du CFL. En revanche, Charles-Eric Lemaignen a convaincu ses collègues pour que la délibération appelle à la mise à l'étude d'une réforme du calcul des potentiels financier et fiscal. Il s'agirait de prendre en compte les dotations de péréquation communales et intercommunales ainsi que le Fpic dans le calcul de ces instruments.
La réforme globale de la DGF est "nécessaire"
Le CFL demande encore une meilleure compensation des exonérations de fiscalité locale et des abattements sur le foncier bâti qui existent dans les quartiers de la politique de la ville. Enfin, il réclame un aménagement des modalités de répartition de la dotation politique de la ville.
"Beaucoup pariaient sur notre incapacité à nous mettre massivement d'accord", a déclaré André Laignel lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance. Il s'est dit "heureux" que le CFL ait démontré le contraire. "Personne ne s'y retrouve totalement, mais c'est ça une synthèse", a-t-il ajouté. En se disant "convaincu" que le gouvernement introduirait les propositions de l'instance dans le projet de loi de finances pour 2017 qui sera présenté au cours de la deuxième quinzaine de septembre.
Très succinctement, le CFL rappelle dans sa délibération "la nécessité d'une réforme globale de la DGF". Ce chantier-là, le plus ample et polémique et dont la mise en œuvre est reportée à 2018 par la volonté du président de la République, fera donc l'objet de travaux de la part du CFL l'année prochaine.