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Finances locales - Réforme de la DGF et loi de financement des collectivités en 2018... mais un volet péréquation dès 2017

Jean-Michel Baylet a confirmé à plusieurs reprises qu'une loi spécifique de financement des collectivités pour 2018 (et au-delà) est bien prévue. La réforme de la DGF y sera inscrite. Et est donc reportée d'un an. Les travaux sur cette réforme ne cessent pas pour autant. Au Comité des finances locales (CFL), on continue à travailler sur les dotations de péréquation, sachant que cette partie de la réforme pourrait malgré tout trouver sa place dans le projet de loi de finances pour 2017. La dernière réunion, le 7 juin, a ainsi permis d'affiner la façon dont les modalités de répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU) seraient révisées.

Le président de la République "a annoncé que, désormais, aux côtés du PLF et du PLFSS, il y aurait un projet de loi de finances destiné aux collectivités, à partir de 2018, et que c'est dans le cadre de ce PLFC que se ferait la réforme de la DGF", a redit le ministre Jean-Michel Baylet mardi 7 juin à l'Assemblée lors des questions au gouvernement. Le ministre en charge des collectivités l'avait dès le 3 juin déclaré dans une interview à la Dépêche du Midi : "L'Association des maires de France et l'ensemble des associations d'élus souhaitaient que désormais les collectivités aient leur projet de loi spécifique. Le président a accédé à cette demande. A partir de 2018, il y aura trois projets de loi de finances et non deux, et c'est dans le cadre de la construction du projet de loi Collectivités 2018 que sera portée la réforme de la dotation globale de fonctionnement." Des propos confirmés lundi dans un entretien au Figaro.
Bref, il n'y a désormais plus de doute quant à ce que François Hollande était censé annoncer le 2 juin en clôture du Congrès des maires. Etait censé… dans la mesure où le chef de l'Etat a en fait simplement indiqué qu'"une loi spécifique relative à la réforme de la dotation globale de fonctionnement sera présentée" (voir ci-contre notre article daté du 3 juin sur l'allocution de François Hollande). Or le fait d'isoler la réforme de la DGF dans un texte spécifique et le fait de créer de façon pérenne une loi de financement des collectivités sont deux choses de portée très différente. "Sachant que c'est Jean-Michel Baylet qui le dit, on est sûr que les choses sont bien validées par l'Elysée", note un observateur, ajoutant en revanche que "Bercy n'est peut-être pas vraiment sur cette ligne-là". D'où peut-être, d'ailleurs, le choix de l'euphémisme par le chef de l'Etat ?

Une loi spécifique : une idée qui a fait son chemin

Cette idée d'une loi de financement des collectivités devrait être considérée comme une bonne nouvelle par pas mal de représentants du monde local. Cela pourrait faciliter la tâche de tous ceux qui sont amenés chaque année à se pencher sur le projet de loi de finances - les parlementaires bien sûr, mais aussi les membres du Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus… (et les journalistes tentant de suivre tout cela !). Elle pourrait amener plus de clarté, peut-être même limiter les risques de découvrir sur le tard des mesures touchant les collectivités subrepticement glissées dans la masse des articles du PLF.
Quelques élus plaident depuis fort longtemps pour une loi spécifique. Ce fut par exemple le cas d'Alain Lambert, ou de Claudy Lebreton. Et puis en 2014, la Cour des comptes elle-même avait, dans deux rapports successifs, relevé l'intérêt d'une telle loi. Sauf qu'elle semblait surtout y voir la possibilité d'un meilleur encadrement des dépenses locales : cette loi "pourrait contenir des objectifs d'évolution des recettes, des dépenses, du solde et de la dette des collectivités et de leurs groupements", écrivait la Cour. En novembre dernier, lors d'une audition du premier président de la Cour par le CFL, cette question avait d'ailleurs été abordée. Le président du CFL, André Laignel, avait alors fait savoir que la mise en place d'une loi de financement des collectivités susciterait une levée de boucliers des élus locaux si elle devait "enserrer de contraintes les collectivités". Si, en revanche, la loi était seulement "indicative", ils ne s'y opposeraient pas.

Au CFL, les travaux continuent

Certains relativisent déjà la portée de l'annonce. Dire aujourd'hui que le premier "PLFC" sera pour 2018, et donc théoriquement discuté à l'automne 2017… c'est évidemment évoquer l'après-présidentielles.
En revanche, l'annonce a bien un impact immédiat : le report d'un an (ou report sine die ?) de la réforme de la dotation globale de fonctionnement qui aurait dû s'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2017. Certes, le calendrier était serré. Et les associations d'élus locaux réclamaient en effet un texte de loi dédié à cette réforme de la DGF, même si les sénateurs avaient pour leur part fini par se faire à l'idée d'un simple amendement au projet de loi de finances pour 2017 : lorsqu'un amendement au PLF est préparé très en amont par des groupes de travail, "il peut avoir le goût" d'une loi spécifique, déclarait par exemple Charles Guené en avril dernier.
Mais en tout cas, tout le monde était au travail : CFL, groupes de travail parlementaires, associations d'élus, ministère et DGCL… Ces travaux vont-ils de ce fait être interrompus, maintenant que l'on sait que l'on dispose d'un an de plus ? Pas complètement. Du côté du CFL, dont le groupe de travail consacré à cette réforme s'est à nouveau réuni comme prévu ce mardi 7 juin, on assure qu'"on continue". Cette réunion était principalement consacrée à la dotation de solidarité urbaine (DSU) – voir notre encadré ci-dessous sur le contenu de cette réunion.
Car pour les membres du CFL, une partie de ce qui avait été envisagé dans le cadre de la réforme de la DGF pourrait parfaitement s'inscrire malgré tout dans le PLF 2017. En l'occurrence la plupart des réformes et ajustements liés aux dotations de péréquation : réforme de la DSU et de la DSU cible, suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP), dotation politique de la ville (DVP)… et peut-être aussi le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). D'ailleurs, la prochaine séance de travail, le 21 juin, doit en principe aborder la question du Fpic et des modifications à y apporter pour 2017. Sur tous ces sujets, les membres du groupe de travail devraient "arriver à des propositions consensuelles", assure-ton auprès du CFL.
En revanche, la réforme de la dotation de solidarité rurale (DSR), elle, devrait être renvoyée à la réforme d'ensemble de 2018, dans la mesure où, résume un spécialiste, "il est très dur de toucher à la DSR sans toucher à la dotation forfaitaire".

Claire Mallet

Réforme de la DSU : les pistes du Comité des finances locales

Une révision des modalités de répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU) est nécessaire, jugent les membres du groupe de travail du Comité des finances locales (CFL) consacré à la réforme de la péréquation et de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes et de leurs groupements, qui a tenu ce 7 juin sa troisième réunion depuis le début de l'année.
Le renforcement du critère du revenu (de 10% à 20%, ou 30%) dans l'indice synthétique servant à la détermination des villes éligibles à la dotation est l'une des pistes privilégiées à ce stade par une majorité des participants. Cela revient à réduire le poids du potentiel financier, qui pourrait ainsi passer de 45% aujourd'hui à 35%, voire 25%. L'objectif est de mieux prendre en compte les charges des communes.
L'affectation de la croissance annuelle de la DSU est un autre sujet de débats au sein du groupe de travail. Les arbitrages effectués au cours des dernières années ont permis de privilégier les 250 communes de plus de 10.000 habitants qui sont les plus défavorisées. La part de DSU consacrée à ces communes – la DSU cible – a bénéficié de progressions à deux chiffres depuis 2010 (ainsi +32% en 2016, après +16% en 2014 et +49% en 2015). Or, dans le même temps, la DSU des autres communes a quasiment stagné. Au fil du temps, donc, les écarts entre les montants de DSU des villes les plus pauvres et ceux des villes qui le sont moins se sont accentués. A tel point qu'en 2015, par exemple, la DSU de la ville de Sarcelles (sixième dans le classement des communes éligibles) s'élevait à 420 euros par habitant, alors que celle d'Echirolles (classée 251e commune) était de 53 euros par habitant. "La concentration de la croissance de la DSU sur les communes les plus pauvres était pertinente lorsqu'elle a été décidée en 2009-2010", considère Franck Claeys, directeur en charge de l'économie et des finances territoriales à l'association France urbaine. Pour qui "il aurait toutefois fallu évaluer la mesure après trois ou quatre ans et modifier le tir pour un meilleur partage". L'idée du groupe de travail est de créer un coefficient permettant de répartir la progression de la DSU entre toutes les villes et qui, selon les arbitrages, favoriserait plus ou moins les collectivités éligibles à la DSU cible.
Ces évolutions seraient mises en œuvre sans revenir sur la réforme votée dans la loi de finances pour 2016. Pour mémoire, il s'agit de réserver le bénéfice de la DSU non plus aux trois quarts des villes de plus de 10.000 habitants (soit 872), mais seulement aux deux tiers (789).
Le CFL se prononcera définitivement sur des propositions de réforme de la DSU au cours d'une prochaine séance plénière, soit fin juin, soit à la mi-juillet.
 

Thomas Beurey