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Congrès des maires - François Hollande : la baisse des dotations réduite de moitié

Principale annonce du chef de l'Etat ce 2 juin en clôture du Congrès des maires : la baisse des dotations au bloc communal sera de 1 milliard en 2017, au lieu des 2 milliards prévus. En outre, le fonds d'investissement local sera bien reconduit et porté à 1,2 milliard, dont 400 millions fléchés vers les nouveaux "contrats de ruralité". La réforme de la DGF fera finalement l'objet d'une loi spécifique. La date butoir pour bénéficier d'incitations financières dans le cadre d'un projet de commune nouvelle est reportée de six mois.

Qu'allait annoncer François Hollande aux maires ? Allait-il donner raison à l'Association des maires de France sur la baisse des dotations aux collectivités, à savoir annuler la baisse prévue pour 2017 ? Ou allait-il se contenter de mettre en avant des mesures de soutien à l'investissement permettant d'amortir les effets de cette baisse ? Il était difficile de le prédire. Les paris étaient ouverts. D'autant que quelques heures encore avant son intervention, François Hollande procédait aux "derniers réglages", indiquait-on à l'Elysée.
C'est finalement le scénario le plus probable qui a tenu la corde. Ni annulation de la baisse ni statu quo. La poire sera coupée en deux : "L'effort demandé au bloc communal en 2017 sera réduit de moitié", a déclaré François Hollande ce jeudi 2 juin en clôture du Congrès des maires. Autrement dit, il s'agit de "faire en sorte qu'au lieu de deux milliards en moins de dotations, il n'y en ait plus qu'un milliard pour le bloc communal", a arbitré le chef de l'Etat, conscient que selon les uns ou les autres, cela pourra être considéré comme "trop ou pas assez".
Il s'est expliqué sur sa décision. Avec un petit récapitulatif des épisodes précédents. Il y a trois ans, la situation financière de la France était "en risque". Certes, les collectivités "n'étaient pas les plus responsables de cette dérive", mais "la participation de tous était indispensable". D'où l'adoption de cette "trajectoire de diminution des dépenses publiques de 50 milliards en trois ans", les collectivités ayant été "sollicitées à proportion de leur part dans les dépenses publiques" soit, pour le bloc communal, une baisse "d'environ 2 milliards par an". En veillant à ce que la baisse soit "équitablement répartie" et en l'accompagnant de diverses mesures : péréquation "multipliée par cinq", dispositions liées au fonds de compensation de la TVA (FCTVA), fonds d'investissement de 1 milliard d'euros, dispositions sur les emprunts toxiques, simplification des normes comptables...
Aujourd'hui, "les communes ont fait preuve de responsabilité", "leurs dépenses de fonctionnement ont été maîtrisées", "les résultats sont là", "le déficit est stabilisé", "l'objectif des 3% sera atteint"… "La trajectoire doit être tenue. Mais je sais aussi que la situation de vos collectivités est tendue, et même insupportable pour certaines", a poursuivi François Hollande, soulignant ne pas avoir voulu "tirer des traites" et avoir "considéré, dans l'état actuel de nos finances publiques", que le fait de diviser la baisse prévue par deux correspondait à ce qu'il pouvait "honorer".
On relèvera que le président de la République a uniquement évoqué le "bloc communal", soit les communes et leurs intercommunalités. Ce qui peut laisser penser que départements et régions devront quant à eux continuer d'assumer la baisse initialement prévue pour 2017. Un point qui reste à confirmer.
En tout cas, l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF) n'ont pas manqué de réagir très vite : "Le président de la République a fait le choix de ne pas prendre en compte les demandes des départements et des régions, ne leur accordant aucun geste". Selon les présidents des deux associations, le fait de ne pas être "concernés" par ce "geste présidentiel" prouve que "le gouvernement n'a pas pris la mesure du rôle majeur des régions pour la croissance, l'emploi et le redressement économique du pays" et du fait que les départements risquent "de ne pouvoir verser fin 2016 aux bénéficiaires les allocations auxquelles ils ont droit".

Loi de réforme de la DGF ou loi de financement des collectivités ?

Deuxième "geste" de François Hollande en faveur du bloc local : le fonds d'investissement de 1 milliard d'euros sera "reconduit" - comme cela avait déjà été indiqué à quelques reprises ces dernières semaines, notamment par Jean-Michel Baylet - et son montant "sera porté à 1,2 milliard". Car "c'est maintenant qu'il faut investir", a souligné le chef de l'Etat avant de préciser la répartition de cette enveloppe : 600 millions d'euros iront à des projets correspondant aux grandes "priorités" que sont "la transition énergétique, le logement et l'accessibilité" ; 600 millions d'euros iront "aux petites villes et à la ruralité", par un fléchage vers les futurs "contrats de ruralité" dont la création a été annoncée lors du dernier comité interministériel aux ruralités (voir notre article du 23 mai) et par un abondement de la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) qui sera portée "à 1 milliard au lieu de 800 millions aujourd'hui". En toute logique, on devrait donc avoir 400 millions pour les contrats de ruralité et, comme l'an dernier, un abondement de 200 millions de la DETR.
Le président a par ailleurs annoncé qu'une "loi spécifique relative à la réforme de la dotation globale de fonctionnement sera présentée". Il s'agissait effectivement d'une demande de l'AMF. Certains élus toutefois, notamment du côté des sénateurs, avaient semble-t-il fait une croix sur cette option, sachant que les ministres Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier n'ont jusqu'ici eu de cesse de dire qu'il était normal que cette réforme soit inscrite dans la prochaine loi de finances. "Dans la mesure où c'est la loi de finances pour 2016 qui dispose de la nouvelle architecture, il est logique que le véhicule législatif soit un amendement à ce qui existe déjà", expliquait par exemple Estelle Grelier fin avril dans une interview à Localtis (lire notre article du 27 avril 2016).
Plus étrange, Jean-Michel Baylet, dans un communiqué diffusé très vite après l'intervention de François Hollande, évoque non pas une loi sur la réforme de la DGF, mais "l'élaboration concertée d'une loi de financement spécifique des collectivités territoriales" dans le cadre de laquelle "il conviendra de trouver les solutions les plus appropriées pour réformer la DGF"… ce qui n'est pas la même chose.
Si c'est effectivement l'idée d'une loi de financement des collectivités, portée de longue date par certains élus, que François Hollande souhaite reprendre, alors l'annonce est effectivement très importante. Presque historique. S'il s'agit en revanche d'isoler la réforme de la DGF dans un texte dédié, quelques heures plus tôt au Congrès lors du débat sur les finances (voir ci-contre notre article du 3 juin dédié à cette séquence), plusieurs intervenants avaient minoré l'importance de la question. "Je m'en moque. Ce qui importe c'est d'avoir eu le temps de travailler", avait par exemple tranché le sénateur Philippe Dallier. "On travaille sur le sujet chaque semaine depuis le début de l'année, c'est comme si on travaillait sur un projet de loi", avait de même jugé Valérie Rabault, rapporteure du budget à l'Assemblée nationale. André Laignel toutefois, le vice-président délégué de l'AMF, avait pour sa part considéré qu'un texte spécifique serait la seule façon de travailler "sérieusement" sur la réforme de la DGF, sachant qu'une loi de finances comporte des "centaines de points".
François Hollande a précisément indiqué que l'objectif était de "laisser au Parlement le temps de préparer les améliorations indispensables". De "bien faire et faire juste". Sans précisions de calendrier en revanche, notamment par rapport au timing du projet de loi de finances. Il a par ailleurs assuré que le Comité des finances locales disposera bien de "toutes les données" nécessaires, en toute "transparence". On sait en effet que les élus locaux attendent toujours certaines des simulations promises par l'Etat. Le président a en outre confirmé que l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales sera bien "mis en place à l'automne" (là-dessus, on sait que sa création était simplement suspendue à la décision de l'Etat d'apporter ou non une contribution à son fonctionnement).

"Bouffée d'oxygène", "première étape"...

On retiendra par ailleurs deux autres annonces touchant elles aussi aux finances. D'une part, la gestion du FCTVA fera l'objet d'une "automatisation" "dès l'année prochaine". "J'ai découvert que la gestion du FCTVA était entièrement manuelle et mobilisait 3.000 agents dans les collectivités", a relevé François Hollande. Une mesure à classer au rayon simplification des normes et du fonctionnement de l'action publique locale, chantier qu'il entend poursuivre. Une simplification qui doit selon lui être "une œuvre collective". "Je suis preneur de toutes les propositions", a-t-il lancé à ce titre.
D'autre part, après avoir salué le "mouvement" des communes nouvelles, il a confirmé que le délai pour bénéficier des incitations financières prévues dans le cadre de la constitution d'une commune nouvelle sera bien "prolongé jusqu'à la fin de l'année" alors qu'il devait initialement échoir en juin.
En revanche, évoquant la "nouvelle géographie des structures intercommunales", fondée sur la volonté de "créer un cadre qui puisse être stable", il a fait savoir que les échéances devront être respectées.
Pas de discours présidentiel au Congrès des maires sans une ode à la commune. François Hollande n'a pas dérogé au rituel. "L'identité communale est la matrice de notre identité nationale", la "singularité française" liée au fait d'avoir "autant de communes" est "une chance", la commune représente "une force irremplaçable"… Et son maire "reste un élément d'autorité", incarne "la diversité et l'unité de la France – de toute la France".
Le chef de l'Etat avait entamé son allocution en reparlant des attentats de novembre, ceux-là même qui avaient conduit au report du Congrès, et à la menace terroriste qui "est toujours là". En abordant alors aussi la "lutte contre la radicalisation", pour laquelle "la participation des maires est déterminante".
En matière de gestion de crise, François Hollande ne pouvait guère faire abstraction du niveau de l'eau qui continuait de monter ce 2 juin, notamment en Ile-de-France, assurant que l'état de catastrophe naturelle sera rapidement reconnu pour les communes les plus touchées et que le fond de soutien sera "immédiatement activé" (voir article ci-contre du 3 juin).
Du côté de l'AMF, on reconnaît que le président "a répondu à une partie des préoccupations des maires" et que leur mobilisation n'a pas été vaine. L'association prend donc "acte positivement de l'annonce de la réduction de moitié de la contribution prévue en 2017"… mais parle d'une "première étape". Et certains maires pourraient inciter l'association à continuer de demander davantage. "Si le président de la République annonce le gel, nous pourrons être satisfaits. Si c'est mi-figue mi-raisin, il faudra aller plus loin. Je compte sur l'AMF pour aller jusqu'au bout", avait par exemple prévenu le maire de Firminy, une commune de 17.000 habitants dans la Loire.
Quant au fonds d'investissement local porté à 1,2 milliard d'euros, l'AMF y voit une "bouffée d'oxygène". Un peu plus tôt dans la journée, plusieurs élus avaient toutefois insisté sur le fait que le fonds de soutien "ne sert à rien" si les communes ne reconstituent pas leur autofinancement - car "sans autofinancement, pas de capacité d'investissement".
Pour le reste des attentes des maires… l'association renvoie à la résolution générale de ce 99e Congrès – le dernier de la mandature de François Hollande -, adoptée à l'unanimité.
Cette résolution affirme par exemple que "toute charge nouvelle doit être assumée par celui qui l'instaure ou compensée financièrement", appelle "les services de l'Etat à mieux se concerter avec les élus et à mettre en place l'ingénierie juridique et financière nécessaire pour les accompagner", espère "une mise en oeuvre réaliste des nouvelles intercommunalités, en particulier sur le calendrier et les transferts de compétences qui devraient rester optionnels, notamment le PLU, l'eau, l'assainissement, le tourisme… "
Elle indique aussi qu'un "projet de contrat de mandature", prenant la forme d'une "Charte pour l'avenir des communes de France", sera soumis en 2017 aux candidats à l'élection présidentielle, "à charge pour eux de se déterminer et de s'engager par rapport aux orientations et principes" défendus par l'AMF.