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Congrès des maires - Dotations : jusqu'au bout, maires et présidents d'EPCI ont fait monter la pression

Au cours d'un débat sur les finances locales précédant, ce 2 juin, de quelques heures l'allocution du président de la République, les maires ont rappelé avec fermeté qu'ils demandaient l'annulation de la baisse de 3,67 milliards d'euros des dotations de l'Etat programmée pour 2017. Seule cette décision pouvait selon eux empêcher les finances de leurs communes d'entrer dans la zone rouge à partir de l'an prochain.
Se succédant au micro dans l'auditorium du Parc des expositions de Paris, les maires ont exprimé un sentiment de colère teinté d'angoisse. "Je lance un cri d'alarme, nous les petites communes nous sommes étranglées, nous n'en pouvons plus", a déclaré Bernard Allard-Latour, maire de Remollon. Ce village de 550 habitants dans les Hautes-Alpes a vu fondre sa dotation globale de fonctionnement de 70.000 euros à 13.000 euros cette année. "Il y a un grand coup de colère aujourd'hui", a déclaré de son côté Charles Scibetta, maire de Carros (Alpes-Maritimes). Il a critiqué le choix du président de la République de s'exprimer à la toute fin du congrès, à un moment où de nombreux maires seront déjà repartis. "Carton rouge !", s'est-il écrié sous les applaudissements. "Il y a une vraie colère", a confirmé Michel Vergnier, maire de Guéret (Creuse). "Les élus en ont assez. Ils sont à la limite de craquer", a complété Patrick Genre, maire de Pontarlier (Doubs). Enfin, la maire d'une commune de l'Isère s'est inquiétée : "Ne serons-nous pas obligés comme d'autres de remettre nos budgets au préfet ?".

"Faire confiance aux citoyens"

Pour faire face aux réductions successives des dotations de l'Etat qui, pour le bloc local, se sont élevées à 0,8 milliard en 2014, puis à 2,1 milliards en 2015 et 2016, les collectivités et les EPCI ont serré la vis de leurs budgets. La ville de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) est parvenue à faire "3,14 millions d'euros" d'économies en deux ans en utilisant une méthode que son maire, Frédéric Soulier, a qualifié d'"innovante". "On s'est adressé à la population et elle nous a fait des propositions", a-t-il résumé. "Cela a été un grand moment de démocratie. A ce moment, la population s'est appropriée ce qu'elle donne en impôts".
"Il faut faire confiance aux citoyens", a corroboré Vanessa Miranville, jeune maire de La Possession (La Réunion). Qui, par ailleurs, a vanté les nouvelles technologies vertes pour réaliser des économies, par exemple en matière d'éclairage public. "Essayons de tourner [les difficultés] en opportunités !", a-t-elle lancé à ses pairs.
Pour s'en sortir, la ville et la communauté du Pays de Vendôme se sont pour leur part appuyées entre autres sur "une révision générale des politiques publiques au niveau local" et une révision des règles d'avancement de grade et d'échelon des agents, négociée avec les organisations syndicales. Elles ont par ailleurs bénéficié des effets de la mutualisation mise en place dès 2003 entre les services de la ville centre et de la communauté de communes. "En deux ans, nous avons supprimé 85 équivalents temps plein sur les deux collectivités", a précisé Pascal Brindeau, qui préside aux destinées de la ville et de la communauté.

"On ne peut plus serrer"

Mais les recettes des collectivités, aussi efficaces soient-elles, ne peuvent faire des miracles. Par exemple, la ville de Brive n'est pas parvenue à compenser entièrement par des économies la baisse des dotations, qui a représenté jusqu'à présent une perte de 3,4 millions d'euros. Pour sa part, Danielle Cornet, maire de Pontchâteau (Loire-Atlantique) a constaté que sa ville est "arrivée aux limites de l'effort" qu'elle peut demander à la population. Pour ne pas devoir augmenter les impôts, "on serre le budget", a aussi témoigné Michel Vergnier. "Mais on ne peut désormais plus serrer". Si l'entretien du patrimoine de la collectivité se résume à "mettre des rustines", "on va compliquer la vie de ceux qui vont venir après", a-t-il souligné. En concluant : "On ne peut continuer comme ça".
Au-delà des limites de la logique du rabot utilisée ici ou là, ou des réorganisations, la volonté unanime de réussir la réforme de la dotation globale de fonctionnement est apparue à beaucoup comme une bonne raison de supprimer la dernière tranche de baisse de la DGF. Rappelons d'ailleurs que les associations de maires et de présidents d'EPCI ont fait de cette décision une condition indispensable pour engager le changement. Pour autant, indépendamment des arbitrages de l'exécutif, les parlementaires présents à la tribune ont montré leur détermination à aboutir à une réforme. Telle Valérie Rabault: "C'est un sujet qui peut faire l'union nationale, sur lequel on peut vraiment arriver à se mettre d'accord", a estimé la rapporteure générale du budget à l'Assemblée nationale. En rappelant que deux communes d'un même département "qui présentent des caractéristiques communes" peuvent percevoir l'une "43 euros par habitant" et l'autre "523 euros par habitant". "Ce n'est pas tenable !", a-t-elle conclu. Le groupe de travail conjoint de l'Assemblée nationale et du Sénat qui planche sur la réforme remettra "avant fin juin" des propositions pour "une réforme complète" de la DGF, avec des simulations sur la situation au 1er janvier 2017, a précisé Charles Guené, qui pilote le dossier pour le Sénat.

Thomas Beurey / Projets publics

Investissement : une priorité soutenue par la Caisse des Dépôts
En dépit de la baisse des dotations, certains élus considèrent l'investissement comme prioritaire. C'est le cas à Vendôme. "Dans le budget, on a serré plus fort que ce qu'on devrait le faire sur les services publics pour pouvoir continuer à investir", témoigne Pascal Brindeau, maire de la ville et président de la communauté du Pays de Vendôme. La collectivité a choisi de "faire progresser le patrimoine", notamment celui qui est "à vocation économique". Baisser les dépenses de fonctionnement pour libérer des marges en faveur des dépenses d'équipement ? C'est "le challenge" que les collectivités ont à relever, estime Frédéric Soulier, maire de Brive-la-Gaillarde. Une économie d'un million d'euros sur le fonctionnement permet de financer dix millions d'euros d'investissements, précise-t-il.
En matière d'investissement, Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des Dépôts, a rappelé la volonté de l'établissement d'accompagner fortement les collectivités, y compris sur ses fonds propres. Une enveloppe de 500 millions d'euros, financée par des fonds propres de la Caisse des Dépôts, est ainsi consacrée cette année à des prises de participation dans les projets locaux. Avec, côté méthode, l'ambition de "sortir de la logique traditionnelle" qui veut que la Caisse soit sollicitée à "la fin du tour de table". "Nous souhaitons faire les choses à l'envers", ce qui revient en réalité à "les faire à l'endroit", a déclaré l'ancien secrétaire général de l'Elysée. "D'entrée de jeu, et non pas en fin de parcours, nous allons vous proposer des financements en fonds propres", a-t-il déclaré devant les maires et présidents d'EPCI.
Cette année, la moitié de cette enveloppe de 500 millions d'euros financée est déjà consommée. Mais que les collectivités intéressées se tranquillisent : "Nous avons décidé de la renouveler chaque année", a précisé Pierre-René Lemas.
T.B.
 

 

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