Social - Réforme de la filière sociale : les choses s'accélèrent
Il y a un peu plus d'un an, le 16 mars 2011, des assistantes sociales, des éducateurs spécialisés ou de jeunes enfants ou encore des conseillères en économie sociale et familiale étaient plusieurs milliers à manifester dans les rues contre une réforme de leur filière. Ces mesures entendaient pourtant revaloriser leur carrière en les faisant bénéficier du "nouvel espace statutaire" de la catégorie B. Mais pour ces personnels, il fallait aller plus loin que ces améliorations jugées bien modestes. Leur mobilisation à quelques jours des élections cantonales faisait reculer le gouvernement. Celui-ci reportait l'examen des projets de décrets portés à l'ordre du jour de la séance du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale prévue le jour même. Les projets de décrets n'ont finalement jamais été présentés devant l'instance de concertation de la fonction publique territoriale. Et pour cause : le gouvernement a décidé que le dossier serait piloté non plus par la direction générale des Collectivités locales mais par la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique placée sous la tutelle du ministre de la Fonction publique.
Aujourd'hui, à quelques semaines de l'élection présidentielle, le gouvernement a décidé d'accélérer subitement le chantier. Il a soumis aux organisations syndicales de l'Etat trois projets de décrets. Dans le but de revaloriser les carrières, l'indice de rémunération des assistants de service social est rehaussé, en début et en fin de carrière. Il s'agit aussi de créer un nouveau statut d'emploi interministériel de conseiller pour l'action sociale des administrations de l'Etat "valorisant les fonctions de pilotage des politiques ministérielles d’action sociale, ainsi que les fonctions de coordination comportant des responsabilités particulièrement importantes".
Dialogue de sourds
La commission statutaire du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat (CSFPE) a examiné ces projets de textes le 29 mars. Les organisations syndicales, qui depuis le 21 mars dernier pratiquent la politique de la chaise vide pour protester contre la marche forcée du gouvernement sur plusieurs chantiers liés à la fonction publique, n'ont pas siégé (sauf la CGC). La prochaine étape est à présent la séance plénière du CSFPE, qui doit se tenir le 6 avril.
Les organisations syndicales, qui ont régulièrement réclamé l'ouverture de vraies négociations sur la réforme, sont en colère. Pour ménager ses partenaires, le ministre les a invitées ce 3 avril à une réunion. Le cabinet du ministre - François Sauvadet ne sera pas présent - devrait noter une nouvelle fois les fortes divergences qui existent entre les positions du gouvernement et celles des organisations syndicales
Celles-ci vont en effet répéter les demandes qu'elles expriment depuis l'ouverture du chantier au printemps 2010. D'abord, la reconnaissance des diplômes des assistants sociaux au niveau Bac +3, qui ne ferait que transposer des accords européens sur l'harmonisation des diplômes de l'enseignement supérieur. Ensuite, une revalorisation en catégorie A de ces personnels, qui serait la conséquence logique de la première revendication. Le gouvernement a toujours rejeté ces demandes. On ne le voit pas changer d'avis à trois jours de la séance du CSFPE. Mais il pourrait lâcher un peu de lest. C'est déjà ce qu'il a fait, le 27 mars dernier, en présentant quelques amendements qui raccourcissent un peu la durée de la carrière des assistants sociaux, sans augmenter leurs indices. On est cependant très loin des revendications des syndicats. Leurs représentants sont particulièrement remontés.
Dégradation du pouvoir d'achat
"L'Etat organise la déqualification des personnels sociaux en les considérant comme de simples exécutants", proteste Samuel Delepine, secrétaire national du Snuas-FP FSU. Côté salaires, ces personnels ont vu leur pouvoir d'achat dégringoler, rappellent les organisations syndicales. En 1982, un assistant social avait un traitement équivalent à 2,5 fois le Smic. Aujourd'hui, le traitement de la même personne débute à 1,1 fois le Smic. Une rémunération peu motivante, alors que les travailleurs sociaux font face à des situations de travail de plus en plus difficiles du fait de l'exacerbation des tensions sociales. Nombreux sont ceux qui évoquent en effet l'"épuisement du travailleur social", à l'instar du président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), Jérôme Vignon, qui parlait il y a quelques jours de "surcharge de travail" voire d'"épuisement psychique" de ces professionnels confrontés à l'augmentation du nombre de personnes en situation de pauvreté devant être prises en charge.
Poursuivre une telle politique apparaît de surcroît contradictoire avec "la volonté du gouvernement de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique", fait remarquer Didier Bourgoin, secrétaire général du Snuclias-FSU, sachant que la filière socio-éducative est composée à 92% de femmes.
L'enjeu des projets de textes que le CSFPE s'apprête à examiner ne concerne en apparence que les agents de l'Etat. Mais leur examen par l'instance puis leur publication fixeraient très étroitement les limites de la réforme des carrières des autres travailleurs sociaux. Ceux de la territoriale notamment, qui sont majoritaires. Pour rappel, on comptait 31.400 assistants socio-éducatifs et 8.250 éducateurs de jeunes enfants en 2002.
Pour les organisations syndicales, il serait logique qu'une réforme concernant les trois fonctions publiques soit étudiée par le Conseil commun de la fonction publique installé fin janvier, conformément à la vocation transversale de cette instance. Le ministre de la Fonction publique n'a pas donné suite à cette demande. Ce qui renforce chez les représentants FSU le sentiment que le gouvernement "tente de passer en force".