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Santé - Secteur médico-social : des filières en mal d'attractivité

Quelque 220.000 agents relèvent de la filière sanitaire et sociale. Déroulements de carrières peu motivants, décalages avec les autres filières... tel est l'état des lieux, accompagné de propositions d'amélioration, que dresse un rapport du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Agents spécialisés des écoles maternelles, éducateurs de jeunes enfants, assistants socio-éducatifs, sages-femmes, puéricultrices et auxiliaires de puériculture, rééducateurs, aides médico-techniques, vétérinaires, biologistes... Autant de métiers qui répondent, au moins pour partie, à des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale. Tous appartiennent aux filières sociale, médico-sociale ou médico-technique. Des filières finalement assez atypiques au sein de la fonction publique territoriale. Nées en 1992, elles sont récentes, comprennent beaucoup de professions réglementées, ne reposent pas sur une séparation du grade et de l'emploi. Et surtout, donnent la nette impression de n'être qu'une agrégation de métiers.
Principal résultat de cet empilement : pas ou très peu de dynamique de carrière. Autrement dit pas ou très peu de "promotion vers les cadres d'emplois ou catégories supérieures par le biais de la formation professionnelle et d'accès par voie de concours externe", ainsi que le souligne un rapport consacré à ces filières adopté le 19 octobre par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Lequel s'était autosaisi de ce sujet, sa commission chargée des questions statutaires et présidée par Jean-Claude Lenay (CFDT) se livrant pour l'occasion à une minutieuse dissection des filières et de leurs métiers.


Des facteurs bloquants

"La seule possibilité qui s'offre à un agent de passer de la catégorie C à la catégorie B est de passer un concours sur titres. Or celui-ci nécessite la détention d'un diplôme d'Etat qui ne peut être accordé qu'après des formations allant de un an (pour préparer un concours d'aide-soignante) à trois ans (concours d'infirmière), voire plus pour certains métiers." Et ce, alors même qu'aucune possibilité de financement de ces formations n'existe au-delà d'une rémunération d'un an dans le cadre d'un congé de formation, rappelle Jean-Claude Lenay pour illustrer les blocages dont pâtissent les agents. Problèmes de déroulement de carrière, "inégalités et incohérence" vis-à-vis des autres filières (mais aussi, dans certains cas, à l'égard des autres fonctions publiques, notamment hospitalière), insuffisance des passerelles et donc de voies de reconversion, quotas statutaires trop élevés... Ajoutez à cela des rémunérations et conditions de travail pas forcément très engageantes (le rapport évoque ainsi la pénibilité des emplois de services à la personne), et l'on saisit pourquoi Jean-Claude Lenay redoute que le secteur médico-social ne soit menacé par un vrai déficit d'attractivité. Or cette attractivité, souligne-t-il, est une nécessité absolue à l'heure où les besoins en personnels qualifiés vont décupler. Notamment dans le champ de la dépendance, où les départs à la retraite s'annoncent massifs et où va s'intensifier la concurrence avec d'autres employeurs publics ou privés.


Question d'échelle

S'agissant, par exemple, des agents spécialisés des écoles maternelles (Atsem), le cadre d'emplois comptant largement le plus grand nombre d'agents (62.000 personnes en 2002), le rapport propose que le recrutement se fasse non plus à l'échelle 3 mais à l'échelle 4 ? et, pourquoi pas, sur titre (CAP petite enfance) avec simple entretien et non plus sur titre avec épreuves. En outre, alors que le déroulement de carrière est actuellement bloqué à l'échelle 4, il faudrait que les agents puissent atteindre l'échelle 5 (comme les autres agents de catégorie C de la filière) puis le nouvel échelon indiciaire (NEI), ce qui impliquerait la création d'un grade supplémentaire, celui d'"Atsem principal". Cette possibilité d'aboutir au NEI est de même préconisée pour les auxiliaires de soins (agents qui travaillent essentiellement en centres de soins ou foyers-logements) ainsi que pour les auxiliaires de puériculture.
Au niveau de la catégorie B, le rapport du CSFPT s'interroge globalement sur la place des différents agents de cette catégorie, qui ont tous suivi trois ans d'études supérieures et ne sont pourtant reconnus qu'au niveau bac+2, à l'instar des assistants socio-éducatifs. La reconnaissance de leurs diplômes "doit, à terme, conduire à envisager leur classement sur des grilles de catégorie A", estime Jean-Claude Lenay.
Celui-ci propose par ailleurs de créer un nouveau cadre d'emplois de catégorie B, celui de "technicien familial", qui regrouperait trois spécialités : les moniteurs-éducateurs, les techniciens en intervention sociale et familiale (qui font actuellement partie du cadre d'emplois des agents sociaux, ce qui semble inadapté étant donné le niveau de diplôme exigé) et les conseillères conjugales et familiales. Ces dernières ne bénéficiant pour l'heure d'aucun cadre d'emplois?


Se former, y compris pour changer de métier

Enfin, parmi les agents de catégorie A, le rapport se penche entre autres sur le cas des quelque 8.600 médecins territoriaux. Avec, à la clé, plusieurs préconisations : la suppression de l'épreuve d'admissibilité lors du concours, jugée injustifiée pour des personnes détenant déjà un diplôme de médecin ; l'alignement de leur statut (et donc de leur rémunération) sur celui des médecins inspecteurs de santé publique de l'Etat, voire sur celui des médecins de la fonction publique hospitalière ; la suppression du quota pour passer médecin hors classe. Car il est clair que les freins actuels "posent des problèmes de recrutement aux collectivités" : celles-ci ont déjà commencé à subir une baisse des effectifs et la situation "risque de devenir critique dans les années à venir" dans la mesure où 50% des médecins territoriaux en fonction ont plus de 55 ans?
"Il ne s'agit pas de tout remettre à plat mais simplement, en partant de l'existant, de simplifier, de remédier à certaines anomalies", résume-t-on au CSFPT, où le rapport a été adopté à une large majorité. Ce rapport va maintenant être remis aux ministres de la Fonction publique, des Collectivités territoriales et de la Santé, ainsi qu'à l'Assemblée et au Sénat. Le président du CSFPT, Bernard Derosier, compte bien, y compris en tant que parlementaire, peser de tout son poids pour que ces ajustements voient prochainement le jour. En insistant sans doute sur la question centrale de la formation en cours de carrière, "quasiment inexistante aujourd'hui". S'agissant le plus souvent de formations longues, Jean-Claude Lenay relève d'ailleurs la nécessité d'une mutualisation des moyens (financement et personnels de remplacement) via les centres de gestion. Et souligne que le levier de la formation doit aussi se traduire par la possibilité pour l'agent, au terme d'un certain nombre d'années de service, de changer de métier ou de filière.


Claire Mallet
 

 

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