Refonte de la fiscalité locale : ce que propose le Comité des finances locales
Lors d'"un point d'étape", l'instance qui réunit des élus de toutes les catégories de collectivités territoriales a approuvé "unanimement" les propositions de son groupe de travail sur la réforme de la fiscalité locale. Le comité prône l'affectation au bloc communal de l'intégralité de la taxe sur le foncier bâti et d'une part de TVA. Les départements bénéficieraient d'une part modulable de CSG.
Le président du Comité des finances locales (CFL) ne voulait pas laisser à la mission Richard-Bur le monopole de la réflexion sur la réforme de la fiscalité locale engagée par l'exécutif. Deux mois seulement après l'installation du groupe de travail chargé de ce dossier au sein de l'instance, André Laignel est en passe de gagner son pari. Lors de sa séance plénière, ce 6 février, le CFL a "validé unanimement" les propositions du groupe de travail, a déclaré à la presse son président.
La suppression totale de la taxe d'habitation en 2020 créera un manque à gagner pour les communes et les groupements de 26 milliards d'euros (en incluant le coût des exonérations actuelles), ont évalué les administrations de l'Etat. En remplacement de la taxe, le CFL souhaite que "des ressources localisées pour une grande partie d'entre elles" et "évolutives" soient affectées au bloc communal. Par ailleurs, il exclut une compensation par des dotations de l'Etat, l'histoire récente ayant montré que celles-ci pouvaient être baissées au fil du temps.
La part départementale de la taxe sur le foncier bâti est le seul impôt local "à la hauteur des enjeux", a déclaré André Laignel. Le CFL préconise par conséquent, "à l'horizon 2020", le transfert au bloc communal de cette ressource qui, cette année-là, représentera 16 milliards d'euros, selon les estimations des ministères.
Une part de TVA "non territorialisée"
Les 10 milliards d'euros restants de manque à gagner devraient être compensés par l'affectation aux communes et à leurs groupements d'une part de TVA, plaide le CFL. Lequel se dit prêt à "sacrifier", pour cette taxe, le sacro-saint principe de territorialisation fiscale. Faute de quoi il y aurait "d'extraordinaires gouffres" entre les collectivités territoriales, a expliqué André Laignel. En renonçant à la territorialisation, les collectivités auront toutes la même part du gâteau : "Si elle augmente de 3% une année, toutes les communes et les EPCI se verront augmenter de 3%", selon le maire d'Issoudun. L'affectation d'une part de TVA a été préférée à celle d'une fraction de l'impôt sur le revenu. "La part des contribuables au titre de cet impôt est de moins en moins importante et de surcroît, celui-ci est très mal réparti sur le territoire", a indiqué le président du CFL.
En remplacement de la taxe sur le foncier bâti, les départements bénéficieraient d'une part du produit de la CSG, une ressource jugée adéquate au regard des compétences sociales qu'ils exercent. Certes, les présidents de départements ne sont pas forcément prêts à lâcher cette taxe foncière assortie d'un pouvoir de taux. Pour tenter d'emporter leur adhésion, André Laignel a proposé que les départements aient la possibilité de moduler le taux de la CSG dans le cadre d'un "tunnel". Cette "marge de manœuvre" pourrait leur permettre de "faire face aux pics qui peuvent arriver dans le domaine du social", a-t-il déclaré.
Interrogé par sur l'obligation pour l'Etat de partager des impôts dont il bénéficie aujourd'hui exclusivement, André Laignel a déclaré : "Trouver des recettes pour l'Etat, c'est son problème. C'est lui qui s'est mis dans cette situation."
"Le CFL a le sens des réalités"
Le CFL a "collectivement écarté" la piste d'un "impôt résidentiel" que plusieurs associations d'élus locaux, dont l'Association des maires de France et France urbaine, souhaitent la création. "Nous l'avons fait à regret, a dit André Laignel. Il est évident que ce serait beaucoup plus intelligent de pouvoir faire une taxe résidentielle plutôt que d'aller picorer de la TVA." Mais, "le gouvernement a exclu" que la suppression de la taxe d'habitation "puisse faire l'objet d'un impôt nouveau", a-t-il dit. En ajoutant que ce choix "tient compte de l'état du dossier". "Aller expliquer aux citoyens qu'on supprime la TH [taxe d'habitation] et qu'ils vont payer une taxe résidentielle, c'est ingérable politiquement", a-t-il considéré.
Dans les recommandations finales qu'il adoptera au plus tard à la fin du mois de mars, le CFL prônera aussi l'engagement de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et l'introduction dans la loi d'une définition "plus objective et opérationnelle" de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. La modification constitutionnelle voulue par le président de la République offrirait une fenêtre, a estimé André Laignel en rappelant que le Sénat s'est attelé à ce chantier.
Il reste au CFL à "affiner" ses propositions sur les départements, a déclaré le président de l'instance. "Il y aura aussi un petit volet 'régions' sur lequel il nous faudra travailler et des éléments sur les Dom-Tom [l'outre-mer]", a-t-il encore précisé.
Si le président du CFL est satisfait des travaux de l'instance, il n'en reste pas moins très critique sur la suppression de la taxe d'habitation. "Ce qui nous est proposé [avec cette réforme] aboutira obligatoirement à un recul de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Le système sera encore plus injuste à l'arrivée", a-t-il conclu.