Refonte de la fiscalité locale : les scénarios envisagés par la mission Richard-Bur
Le groupe d'experts que le Premier ministre a chargé de réfléchir à la refonte de la fiscalité locale recommande d'"aménager les impositions existantes", ou d'attribuer au bloc communal des impôts nationaux. Ces deux orientations figurent dans une note que les experts viennent de remettre aux associations d'élus locaux.
La mission sur les finances locales conduite par le sénateur Alain Richard et l'ex préfet Dominique Bur enchaîne les auditions. Le 17 janvier, elle recevait les responsables de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). Ce 24 janvier, ce sera au tour des représentants de Villes de France de lui faire part de leurs positions. L'objectif, pour les experts, est d'"approfondir" le thème de la refonte de la fiscalité locale, sur lequel le Premier ministre leur a demandé de réfléchir. Ils ont des idées déjà précises. Ils ont en effet identifié deux pistes : l’attribution aux communes et aux communautés de "fractions d’impôts nationaux", tels que l'impôt sur le revenu et la TVA, ainsi que "la réallocation ou l’aménagement d’impositions existantes", comme la taxe sur le foncier bâti. C'est ce que la mission indique dans une "note de problématique" qu'elle a remise notamment aux associations d'élus locaux et que l'AdCF a publiée discrètement vendredi avec sa lettre hebdomadaire (voir la note).
Lorsqu'elle envisage l’attribution au bloc communal de fractions d’impôts nationaux, la mission n'exclut aucun impôt, citant la TVA, la CSG, l'impôt sur le revenu, ou encore la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Toutefois, elle fait part de l'existence d'un "doute" sur "la possibilité d'affecter une fraction de CSG à un autre objet que le financement de la protection sociale". Les raisons sont juridiques et tiennent à l'impératif d'équilibre du financement de la protection sociale, explique-t-elle. Le transfert d'une part d'imposition nationale garantirait aux collectivités territoriales une ressource dynamique et répartie de manière équitable si les critères utilisés sont objectifs. Mais les communes et leurs groupements n'auraient pas de pouvoir de taux sur cette imposition et celle-ci n'aurait plus de lien avec le territoire.
"Pas de nouvel impôt local"
La "réallocation ou l’aménagement d’impositions existantes" pourrait se traduire par "la descente" de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements vers le bloc communal, ou encore "le fléchage vers les communes concernées de la part du produit de l’impôt sur le revenu acquittée par les propriétaires bailleurs au titre des loyers versés par les locataires", indique la mission.
Celle-ci exclut catégoriquement le recours exclusif aux dotations de l'Etat pour combler le manque à gagner d'environ 22 milliards d'euros qui, pour le bloc communal, sera consécutif à la réforme de la taxe d'habitation. Les exigences constitutionnelles d'autonomie financière ne seraient pas respectées. Toutefois, un recours partiel pouvant aller jusqu'à "environ 9 milliards d'euros" lui paraît possible. La mission ne ferme pas la porte à cette option, même si elle sait que les élus locaux y sont très hostiles.
"La création de nouvelles impositions locales paraît difficilement conciliable avec l'objectif d'allègement de la fiscalité pesant sur les ménages", estime par ailleurs la mission. Qui se veut claire sur ce point : "la suppression complète de la TH [ndlr : taxe d'habitation] ne doit pas avoir pour conséquence la constitution d’un nouvel impôt local qui serait remis à la charge des contribuables dispensés de TH", dit-elle aussi. La remarque prend un relief particulier après la polémique déclenchée le 11 janvier par la ministre auprès du ministre de l'Intérieur. Celle-ci avait évoqué la possibilité d'un nouvel "impôt, plus juste", pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, mais avait fait machine arrière quelques heures plus tard.
Réviser les bases des locaux d'habitation
La suppression de la taxe d'habitation "doit être l’occasion d’une 'remise à plat' des dégrèvements et exonérations afin d’en réduire le nombre et l’ampleur", estime la mission. En observant que l'Etat est aujourd'hui le premier contributeur local. Le chantier de la refonte de la fiscalité locale pourrait être aussi l'occasion de simplifier le maquis des taxes "à faible rendement et présentant des difficultés de recouvrement", suggère-t-elle. Il conviendra par ailleurs "de s’interroger sur la spécialisation de la fiscalité locale en réexaminant sa ventilation par catégorie de collectivité", font encore remarquer les experts.
La disparition programmée de la taxe d’habitation "ne remet pas en cause la pertinence de la révision des valeurs locatives d’habitation", écrivent-ils. En jugeant que cette dernière "gagnerait à être poursuivie." Une prise de position que devraient saluer les associations d'élus locaux, notamment l'AdCF, qui demandent avec insistance qu'après l'expérimentation menée en 2015 dans cinq départements soit engagée la généralisation de ce chantier.
Les orientations envisagées par la mission Richard-Bur rejoignent très largement celles que le Comité des finances locales a examinées lors d'une réunion, le 16 janvier. Les pistes que l'instance composée d'élus locaux a étudiées excluent toutefois tout recours à des dotations de l'Etat.