Recyclage des déchets : la Commission européenne doute que la France atteigne tous les objectifs fixés en 2025

Comme nombre d’États membres, la France vient de faire l’objet d’un "rapport d’alerte précoce " de la Commission européenne pour la gestion de ses déchets. Bruxelles craint que l’Hexagone ne soit pas au rendez-vous de l’objectif de 55% de préparation en vue du réemploi et le recyclage de ses déchets municipaux en 2025. Et si la France semble en bonne voie pour atteindre le recyclage de 65% de l’ensemble des déchets d’emballages, la Commission doute qu’il en aille de même pour les déchets d’emballage en plastique. Pour inverser la tendance, elle recommande notamment l’instauration d’une consigne sur les bouteilles et canettes.

La Commission européenne vient de rendre public son rapport sur les performances des pays de l'UE en matière de recyclage des déchets. Sans grande surprise – notamment au vu du rapport de la Cour des comptes de septembre dernier (voir notre article du 28 septembre) –, la France fait selon elle partie des États membres susceptibles de ne pas atteindre tous les objectifs fixés. "La France a introduit de nombreuses mesures nouvelles qui devraient permettre d’améliorer les résultats dans les années à venir. Toutefois, comme il faut généralement du temps pour observer pleinement les effets de ces mesures, il convient d'intensifier considérablement les efforts pour que tous les objectifs fixés pour 2025 soient atteints", souligne-t-elle.

Mauvais points

La Commission estime que la France risque de ne pas atteindre l’objectif de 55% de préparation en vue du réemploi et le recyclage de ses déchets municipaux en 2025. Si le taux est passé de 42,9% en 2016 à 45,1% en 2018, elle déplore qu’il ait diminué depuis (42,7% en 2020). Une dégradation d’autant plus inquiétante que les nouvelles règles de calcul désormais arrêtées pourraient encore entraîner ce taux à la baisse. Elle lui recommande en conséquence "de développer des infrastructures de traitement des déchets axées sur les étapes supérieures de la hiérarchie des déchets".

La Commission redoute également que l’Hexagone ne soit pas en mesure d’atteindre l’objectif de recyclage de 50% des déchets d’emballages en plastique d’ici 2025 – matériau jugé "le plus critique" pour la plupart des États membres. Elle relève que le taux de recyclage français était en 2009 "loin de l’objectif" (26,9%), et que les nouvelles règles de calcul pourraient là encore entraîner sa baisse. Considérant notamment "insuffisant" le taux de captage des emballages en plastique dans les systèmes de collecte séparée, elle estime que l’introduction de systèmes de consigne pourrait l’augmenter. Un système qu’elle entend d’ailleurs imposer (voir notre article du 2 décembre), en dépit de l’opposition des collectivités françaises (voir notre article du 19 avril). La Commission estime encore que "les régimes de responsabilité élargie des producteurs ne couvrent pas les déchets d’emballages en plastique commerciaux" et que "dans certaines régions du pays, ces régimes ne couvrent pas tous les types d’emballages en plastique". Aussi préconise-t-elle d’étendre la capacité et de moderniser les infrastructures de tri de ces déchets.

La Commission juge également "insuffisants" la collecte et le traitement des biodéchets municipaux, relevant que "seule une petite partie de la population est couverte par un système de collecte séparée". Elle recommande la mise en place d’une collecte en porte à porte, "en particulier dans les zones urbaines denses où le compostage local pose des difficultés".

De manière générale, la Commission préconise que les collectivités "fixent des objectifs ou des indicateurs obligatoires pour la collecte séparée des déchets", système qui "pourrait être complété par des contreparties financières et des sanctions" en fonction des résultats obtenus. Elle recommande également que les performances des municipalités soient mises à la disposition du grand public. Elle suggère encore "l’application du système de paiement aux déchets aux entreprises et aux ménages" ou "une taxe de mise en décharge", d’un montant suffisant pour renforcer l’efficacité du tri, de la collecte et du recyclage des déchets.

Bons points

Tout n’est toutefois pas négatif en France. La Commission considère en effet que le pays "est sur la bonne voie" pour atteindre l’objectif de recyclage de 65% de l’ensemble des déchets d’emballages (65,6% en 2019). Elle estime qu’elle a également atteint les objectifs de recyclage spécifiques pour le papier/carton, le métal, le bois et le verre. Ce qui n’est pas sans contredire les craintes récemment exprimées par Citéo à l’égard du papier/carton (voir notre article du 15 mai).

La Commission souligne par ailleurs les bonnes pratiques de la France. Est ainsi saluée son "approche axée sur la responsabilité élargie des producteurs". La Commission met en exergue les REP relatives aux emballages professionnels (voir notre article du 10 février), aux déchets du BTP (voir notre article du 14 mars), aux jouets, équipements de sport et de loisirs, produits de bricolage et de jardinage (voir notre article du 23 septembre 2021), aux textiles (voir notre article du 24 novembre), aux engins de pêche et aux cigarettes (voir notre article du 5 septembre). La gouvernance de ces filières, ouverte à d’autres parties que les producteurs – dont les collectivités locales – est également appréciée. Autre bonne pratique mise en avant, "la prévention des déchets". La Commission évoque ici les mesures de la loi Agec (voir notre article du 11 février 2020) en faveur du financement de la réparation et du réemploi de certains produits, malgré tout (voir notre article du 27 septembre 2021), l’indice de réparabilité pour les appareils électriques et électroniques (voir notre article du 5 janvier 2021) ou encore l’étiquetage des produits indiquant l’intégration de matière recyclée et leur recyclabilité.

Le fond de la classe garni

Soulignons que la France n’est pas, loin s’en faut, la seule à faire l’objet d’un "rapport d’alerte précoce". Pour la Commission, seuls 9 États membres sont en effet en bonne voie pour atteindre en 2025 le double objectif de 55% de préparation en vue du réemploi et de recyclage des déchets municipaux d’une part, et de recyclage de 65% de tous les déchets d’emballages d’autre part. Globalement, la Commission observe que "le niveau moyen de préparation en vue du réemploi et de recyclage des déchets municipaux a augmenté au cours de la période 2010-2020, bien que lentement (passant de 37% à environ 47%), tandis que la mise en décharge a nettement diminué, passant de 31% à environ 23%. Néanmoins, de graves lacunes, retards et défis ont également été recensés et doivent être rapidement comblés ou relevés".

 

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