Emballages de la restauration : un décret fournit les axes structurants de la nouvelle filière REP

Si un décret, paru ce 8 mars, trace en grande partie les contours de la nouvelle filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels de la restauration, il ne lève pas totalement le voile sur la question de son articulation avec la filière des emballages ménagers, ni n’éteint à ce stade les nombreuses interrogations qui agitent les collectivités territoriales. 

Le décret cadre instituant la nouvelle filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration est paru ce 8 mars. Elle doit permettre aux 400.000 restaurateurs français de trier à la source près d’1,6 million de tonnes de déchets d’emballages et de bénéficier d’une prise en charge gratuite de ces derniers. Son démarrage accuse deux ans de retard sur le calendrier prévu par la loi Agec. Ce n’est toutefois pas une surprise, ce report au 1er janvier 2023 ayant été acté par la loi Climat et Résilience. Le principe de REP doit par ailleurs être étendu à l’ensemble des emballages professionnels en 2025.
Le décret permet de tracer les contours de la "REP restauration", dans l’attente du futur cahier des charges qui fixera plus en détails les modalités de fonctionnement de la filière, et notamment les conditions de déploiement progressif du service de reprise sans frais des déchets avec l’objectif de couvrir l'ensemble du territoire "dans un délai de trois ans à compter de la date du premier agrément délivré". Le décret annonce également la publication d’un arrêté précisant, "notamment sur le fondement de critères de contenance ou de circuits de distribution", les emballages couverts par la filière. C’est un point crucial, dont dépend l’affectation d’une partie des emballages au périmètre de l’une ou l’autre filière REP : catégorie des emballages ménagers ou emballages spécifiquement professionnels. 

Articulation avec la filière des emballages ménagers

Le texte permet de définir le champ d’application de cette nouvelle filière en créant un paragraphe spécifique consacré à la gestion de ces emballages au sein de la sous-section 3 "Déchets d’emballages dont les détenteurs finaux ne sont pas les ménages" de la section 5 "Emballages" du chapitre III du titre IV du livre V de la partie réglementaire du code de l’environnement. Pour définir les emballages et producteurs concernés, le texte s’appuie sur les définitions existantes et notamment les dispositions de l’article R.543-43 du code de l’environnement.
Il prévoit en outre l’articulation de cette nouvelle filière avec la filière des emballages ménagers avec laquelle les points de chevauchement sont nombreux. Les emballages des produits consommés par les ménages sont souvent identiques à ceux des professionnels. Et certains emballages professionnels font déjà l’objet d’une contribution auprès de la REP des emballages ménagers. Par ailleurs, un grand nombre de restaurateurs (autour d’un tiers) recourent au service public de gestion des déchets, objet de soutiens par les éco-organismes de la REP des emballages ménagers aux collectivités. Un mécanisme de compensation financière doit donc permettre à l’éco-organisme Citéo de défrayer la part des emballages ménagers sous sa responsabilité et traités par la filière restauration. "Ces coûts sont déterminés en fonction de la proportion des déchets d'emballages mixtes alimentaires parmi les déchets d'emballages collectés auprès des professionnels ayant une activité de restauration et de la caractérisation de ces déchets mixtes", indique le décret. Les modalités sont néanmoins renvoyées au cahier des charges. 

Conditions de reprise sans frais des emballages en vue du recyclage

Au stade de la consultation, le texte a suscité de vives inquiétudes quant à la liberté d’organisation des collectivités. Le passage en Commission interfilières de responsabilité élargie des producteurs (Cifrep) le 8 septembre dernier a toutefois permis certaines avancées soutenues par les associations d’élus et Amorce. En complément du pourvoi opérationnel à la gestion des déchets d’emballages de la restauration et d'emballages mixtes alimentaires auprès des professionnels, le principe d’un soutien financier par l’éco-organisme aux opérateurs qui assurent déjà leur reprise sans frais, et donc aux collectivités, a ainsi été adjoint. Le décret conserve la possibilité de collecte des emballages par le service public de gestion des déchets (SPGD). Au regard des demandes exprimées en Cifrep par les collectivités et Amorce, le seuil de production hebdomadaire de déchets d’emballages de 1.100 litres au-delà duquel l’eco-organisme serait tenu par défaut de pourvoir lui même à la gestion de ces déchets a quant à lui été retiré. Afin de bénéficier de la reprise sans frais par un éco-organisme, le professionnel de la restauration devra justifier auprès de celui-ci l'absence de prise en charge de ses déchets d'emballages par les collectivités. 

Le seuil de 1.100 litres de déchets d'emballages collectés de façon hebdomadaire a été toutefois maintenu pour ce qui concerne les obligations de tri à la source (selon 5 des 7 flux du décret éponyme n° 2021-950 du 16 juillet 2021) incombant au professionnel détenteur des déchets. En deçà, "la collecte peut être conjointe quels que soient les matériaux, à l'exception des déchets d'emballages en verre qui font l'objet d'une collecte distincte", précise le texte. 

La version finale du texte revient donc sur une interprétation qui portait à "confusion" selon Amorce. "Le seuil de collecte des déchets assimilés, qui est fixé par la collectivité, ne dépend pas du seuil de 1.100 litres qui correspond à un seuil d'obligation de tri", explique-t-elle. "Ainsi, la collectivité dimensionne son service public de gestion des déchets ménagers selon les limites qu’elle a fixées et optimise ses tournées pour collecter les déchets des ménages et assimilés dont ceux de la restauration". La rédaction initiale faisait courir aux collectivités un double risque pointé par Amorce : en leur retirant la gestion de certains tonnages ou a contrario en les exposant à des recours abusifs pour intégrer dans leurs circuits la collecte de certains professionnels de la restauration. 

Prise en charge des coûts de réemploi

Le décret prévoit la prise en charge financière des coûts associés par l’éco-organisme, ainsi qu’une possibilité de pourvoi pour le réemploi. Le texte laisse toutefois volontairement subsister un certain flou de façon à laisser cette question, également très débattue, au cahier des charges et aux contrats types. 

 
Référence : décret n°2023-162 du 7 mars 2023 relatif aux déchets d'emballages et instituant la filière de responsabilité élargie des producteurs d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration, JO du 8 mars 2023, texte n° 19. 

 

 

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