Loi de modernisation de l'économie - Rapport sur la LME : un "bilan désastreux" pour l'urbanisme commercial
Jean Gaubert, député des Côtes-d'Armor, et Patrick Ollier, député des Hauts-de-Seine et président de la commission des affaires économiques, venu remplacer Jean-Paul Charié, décédé en novembre 2009, ont présenté le bilan qu'ils ont dressé sur l'application de la loi de modernisation de l'économie (LME). S'il met en avant les avancées en matière de délais de paiement (en jours en moins) et les marges arrière, le rapport dresse un "bilan désastreux" de la partie qui concerne l'urbanisme commercial. La loi votée le 4 août 2008 a fait passer de 300 à 1.000 mètres carrés la superficie de surface commerciale ne nécessitant pas d'autorisation préalable, avec l'objectif d'augmenter la mise en concurrence. "Sur l'urbanisme commercial, incontestablement, les choses n'ont pas avancé comme on le souhaitait ; le bilan est mauvais", a ainsi affirmé Patrick Ollier, lors de la présentation du rapport le 17 février 2010. Premier point soulevé par les députés : les difficultés d'interprétation du texte d'application de la loi qui ont donné lieu à des abus de la part de certaines grandes surfaces. Le texte signalait que dès la publication de la loi, les projets portant sur une superficie inférieure à 1.000 m2 n'avaient plus besoin d'autorisation préalable, mais il ne précisait pas si ces projets concernaient uniquement des créations de magasins ou bien aussi des extensions, et dans quelle dimension. La circulaire du 28 août 2008 de la Direction des entreprises commerciales, artisanales et de services du ministère de l'Economie (DECASPL) a donné des précisions sur ce point, indiquant que cette exonération d'autorisation concernait les extensions de magasins d'une surface inférieure à 1.000 m2, "même si le commerce d'origine a atteint 1.000 m2 ou les dépassera du fait de la réalisation du projet". Le rapport signale à quel point "les opérateurs ont abondamment profité de l'interprétation contestable faite par la DECASPL dans sa circulaire". L'enseigne Leroy-Merlin aurait ainsi réalisé des extensions de 999 m2 sur la quasi-totalité de ses magasins (70 ou 80 sur une centaine)... Les chiffres mentionnés par Procos, qui annonçait il y a peu un record en matière de production de grandes surfaces, avec plus de 4 millions de mètres carrés en 2009, témoignent de ce cadeau offert aux grandes surfaces.
Le manque d'informations concernant les projets d'extension de magasins réalisés est également mis en avant par les députés. "Des interrogations subsistent sur le nombre de mètres carrés ouverts sans autorisation pendant cette période, et qui auraient dû y être soumis ; aucun bilan chiffré n'est disponible, détaille le rapport. Une évaluation empirique effectuée au regard des éléments transmis laisse toutefois supposer que ce bilan pourrait être très lourd." 95 déclarations d'intention de création ou d'extension de surfaces commerciales, pour une surface de 57.000 m2 auraient ainsi été transmises à la préfecture du Finistère et 80 dossiers de ce type pour 80.000 m2 envoyés à la préfecture du Nord... Un précédent rapport, celui de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, adopté le 16 décembre 2009, avait pour sa part mis en avant l'absence d'outil statistique permettant d'évaluer l'impact de la libéralisation des implantations commerciales sur l'évolution de la cartographie commerciale, sur l'intensité de la concurrence entre distributeurs et sur le niveau des prix au détail.
"Il y a urgence !"
Autre source d'insatisfaction pour les députés : les critères, considérés "trop flous" par les commissions (CDAC). "Au regard du critère économique précédemment appliqué, qui consistait à prendre en compte l'équilibre entre les différentes formes de commerce et reposait sur une appréciation de l'impact du projet sur la densité d'équipement commerciale et sa comparaison avec les densités départementales et régionales moyennes, les critères actuels laissent aux commissions une marge d'appréciation importante", détaille le rapport, qui préconise une phase d'apprentissage et une grille de lecture plus "précise". Enfin, les députés ont mis en avant les délais très courts que doivent respecter les CDAC, alors que "le formalisme de la procédure reste lourde". Une remarque qui vaut particulièrement pour la procédure de sauvegarde, au terme de laquelle la CDAC peut être saisie pour avis par les communes de moins de 20.000 habitants pour les projets compris entre 300 et 1.000 m2. La procédure "n'est pas moins lourde que la procédure de droit commun, alors même que le délai qui lui est imparti est deux fois moins important !", affirme le rapport. "Il reste beaucoup de choses à faire, et il y a urgence sur l'urbanisme commercial", a conclu Patrick Ollier, ajoutant qu'une proposition de loi, permettant de faire passer l'urbanisme commercial dans le droit commun, serait déposée prochainement pour que "ces problèmes soient réglés avant l'été".
Emilie Zapalski