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Urbanisme commercial - Jean-Paul Charié veut "redonner la main" aux élus

Le député du Loiret a reçu le feu vert de l'Elysée pour lancer la réforme de l'urbanisme commercial. Outre l'abrogation de la loi Royer, il propose la création d'un nouveau "document d'aménagement commercial" et d'une juridiction compétente. Il avance par ailleurs dix-huit solutions pour redynamiser les centres-ville.

Il y a quelques semaines, le secrétaire d'Etat au Commerce, Hervé Novelli, expliquait que l'abrogation de la loi Royer n'était pas à l'ordre du jour, vu l'encombrement parlementaire. Volte-face : Jean-Paul Charié vient de recevoir l'appui "du gouvernement et de l'Elysée" pour sa réforme de l'urbanisme commercial. "Nous allons nous donner un petit peu de temps avec le gouvernement pour valider auprès du Conseil d'Etat les différentes options législatives", a expliqué le député UMP du Loiret en présentant son volumineux rapport final à la presse, vendredi 20 mars, fruit d'un travail que lui avait demandé le président de la République en septembre dernier. Son objectif : "révolutionner" le commerce. Ni plus ni moins. La mesure phare est donc l'abrogation de la loi Royer de 1973. Destinée à protéger le commerce de proximité contre les grandes enseignes en soumettant toute nouvelle implantation à l'autorisation d'une commission départementale, cette loi "n'a pas atteint ses objectifs", estime le député. Elle est d'ailleurs dans le viseur de la Commission européenne qui l'estime contraire à la liberté d'installation. Officiellement, le député souhaite redonner la main aux élus "au nom de l'intérêt général". Ses propositions sonnent pourtant comme un désaveu. "La loi Royer n'a pas réussi à entraver le développement anarchique des grandes surfaces, l'objectif était de maintenir un commerce de centre-ville, cela n'a pas été fait", a affirmé le député. En clair : les élus n'ont pas rempli leur rôle. Ou plutôt, ils n'ont pas eu les moyens de résister aux pressions des grandes enseignes. Et le député d'évoquer à demi-mots les tentatives de corruption dont ils sont l'objet.

 

Document départemental d'aménagement commercial

Le rapport de Jean-Paul Charié débouchera sur une proposition de loi qui devrait être prête d'ici la fin du mois de juillet pour un examen "avant la fin de l'année". Le député veut un texte simple : onze articles. Finis les seuils d'autorisation. La distinction en mètres carrés est abandonnée au profit d'une nomenclature à quatre niveaux : commerce de proximité, d'agglomération, départemental, régional ou national. Le préfet de région est chargé, par département ou groupe de département, de créer une "commission de l'urbanisme commercial" composée d'élus, de représentants des chambres consulaires et d'experts. Cette commission devra élaborer un nouveau document départemental d'aménagement commercial "qui sera opposable". Un guide méthodologique et un site internet lui seront consacrés. A charge ensuite pour les élus, réunis au sein d'un collège, de valider le document qui comprendra notamment des critères architecturaux propres à chaque territoire. Et ils devront s'y tenir. La proposition de loi créerait aussi une nouvelle juridiction : une "commission nationale de recours" présidée par un membre du Conseil d'Etat et compétente pour juger des recours à l'encontre des permis de construire, au regard du nouveau document mais aussi du Scot ou du PLU. "Il faut que ça aille vite, il ne faut plus qu'un investisseur attende dix ou quinze ans avant une décision", a martelé le député tout en prévenant qu'il faudra être "très sévère vis-à-vis des recours abusifs".
Ces dispositions législatives seront pour la première fois portées par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a-t-il fait savoir. Après le revers de la loi de modernisation de l'économie - Jean-Paul Charié avait vainement essayé de faire passer l'abrogation de la loi Royer à ce moment-là -  et l'expérience des débats sur le travail le dimanche où la majorité s'était écharpée, il veut un consensus. Et il estime que c'est bien parti. "J'affirme qu'il n'y a plus de divergence de fond" avec la Commission européenne, a-t-il même assuré. Un "comité de déploiement" composé d'une douzaine de personnalités sera chargé d'expliquer la loi. En cas de vote, la loi Royer serait alors supprimée progressivement département par département au rythme de l'élaboration des nouveaux documents administratifs.

 

Magasins à loyers modérés

"Les élus vont reprendre la main sur l'urbanisme. Aujourd'hui les entrées de ville sont toutes les mêmes, ils vont remettre le commerce en centre-ville", a encore insisté le député. C'est le rôle du second volet de la réforme, une liste à la Prévert d'idées nouvelles. Le député propose dix-huit programmes à définir au niveau national avant de les mettre en œuvre par les collectivités sous forme d'appels d'offres. Ici, nul besoin de recourir à la loi. Pour chacun de ces programmes, un groupe de travail sera mis en place pour définir le contenu. Le député propose par exemple le réaménagement de 200 entrées de villes ou la rénovation ou le réaménagement de centres commerciaux au coeur des communes de moins de 40.000 habitants. Selon lui, il faut sortir des "oppositions stériles entre grandes surfaces et petit commerce et comprendre qu'une grande surface peut servir de locomotive en centre-ville". Il propose en contrepartie des "magasins à loyers modérés" pour permettre aux artisans (dépanneurs, entrepreneurs du bâtiment, etc.) d'avoir un atelier dans les quartiers où les loyers sont trop chers. Autre idée neuve : des "centres de distribution urbains", permettant de limiter le trafic des camions de livraison. "Des camionnettes électriques livreront les commerces", a expliqué Jean-Paul Charié.  Nulle enveloppe n'est annoncée, place à l'autofinancement. Selon le député, "il faut que les maires comprennent qu'il est bien d'investir dans les centres de sport mais qu'il est tout aussi bien d'investir dans les commerces".

 

Michel Tendil